Achille
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Micbot
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[[Image:Hydria Achilles weapons Louvre E869.jpg|thumb|right|280px|[[Thétis]] donne à son fils [[Achille]] ses armes nouvellement forgées par [[Héphaïstos]], détail d'une hydrie [[attique]] à figures noires, v. [[-575|575]]-[[-550|550 av. J.-C.]], [[musée du Louvre]]]]
'''Achille''' (en [[grec ancien]] {{Grec_ancien|Ἀχιλλεύς}} / ''Akhilleús'') est un [[culte héroïque grec|héros]] légendaire de la [[guerre de Troie]], fils de [[Pélée]], roi de [[Phthie]] en [[Thessalie]], et de [[Thétis]], une [[Néréides|Néréide]] ([[nymphe grecque|nymphe]] marine). Il est fréquemment appelé « Péléide<ref>Ou « Péléion » dans les traductions anciennes, par exemple chez [[Charles Marie René Leconte de Lisle|Leconte de Lisle]] ([[1866]]).</ref> » ou « [[Éacide]] », [[épithète homérique|épithète]]s qui rappellent son ascendance.
Sa mère le plonge dans le [[Styx]], l'un des fleuves des [[Enfers grecs|Enfers]], pour qu'il devienne invulnérable ; son talon, par lequel le tient Thétis, n'est pas trempé dans le fleuve et reste donc vulnérable. Il est éduqué par le [[centaure]] [[Chiron (mythologie)|Chiron]] qui lui apprend les arts de la guerre, la musique et la [[médecine en Grèce antique|médecine]]. Alors qu'il est encore adolescent, il choisit une vie courte, mais glorieuse, plutôt qu'une existence longue mais sans éclat. Caché par sa mère, qui veut l'empêcher de participer à la guerre de Troie, à la cour du roi [[Lycomède]], le jeune homme est découvert par [[Ulysse]] et rejoint, avec son ami et amant [[Patrocle]], l'expédition grecque. Lors de la dixième année du conflit, une querelle avec [[Agamemnon]] le pousse à quitter le combat : c'est la « colère d'Achille » chantée par ''[[L'Iliade]]''. La mort de [[Patrocle]] le pousse à reprendre les armes pour affronter [[Hector]], le meilleur des Troyens. Achille trouve la mort peu après l'avoir tué, atteint à la cheville par une flèche de [[Pâris]] guidée par le dieu [[Apollon]].
Achille est honoré comme un héros, voire comme un dieu par le monde grec. Beau, valeureux, champion d'une morale orgueilleuse de l'honneur, il incarne « l'idéal moral du parfait chevalier homérique<ref>[[Henri-Irénée Marrou]], ''Histoire de l'éducation dans l'Antiquité'', Seuil, collection Points, 1981, tome I « Le monde grec », p. 35.</ref>. »
== Mythe ==
=== Naissance ===
[[Image:NAMA Pélée, Achille & Chiron.jpg|thumb|left|190px|[[Pélée]] confiant Achille à [[Chiron (mythologie)|Chiron]], lécythe à fond blanc, v. [[-500|500 av. J.-C.]], [[Musée national archéologique d'Athènes]]]]
L'un des faits les plus marquants de sa légende vient du désir de sa mère de le rendre invulnérable. Ensuite, les récits divergent. Selon une tradition ancienne, Thétis place tous ses enfants dans un chaudron d'eau bouillante ou dans le feu, pour vérifier s'ils ne sont pas immortels ; Pélée l'arrête avant qu'elle ne puisse faire subir le même sort à Achille<ref>[[Hésiode]], frag. 300 MW mentionne de l'eau ; Lycophron, ''Alexandra'' (177-179) cite plutôt le feu et précise que six enfants meurent de cette manière.</ref>. Selon d'autres, elle les frotte d'[[ambroisie (mythologie)|ambroisie]] et les place dans le feu pour que celui-ci consume la part mortelle des enfants<ref>{{ApoArg}} (IV, 869-879).</ref> — une légende semblable est attachée à [[Démophon (Éleusis)|Démophon]] d'[[Éleusis]]<ref>{{Hymnes_homériques}} (''À Déméter'', 233-242).</ref> ou encore, dans la mythologie égyptienne, à [[Isis]].
Enfin, la variante la plus populaire la montre trempant son fils dans les eaux du [[Styx]], le fleuve des [[Enfers grecs|Enfers]], en le tenant par le talon<ref>{{StaAch}} (I, 133-134).</ref>. Il devient ainsi invulnérable, à l'exception du talon par lequel sa mère l'avait tenu, ce qui a donné lieu à l'expression « [[talon d'Achille]] », qui signifie « endroit vulnérable, point sensible ». Néanmoins, ''[[l'Iliade]]'' ne mentionne aucune de ces traditions liées à la naissance d'Achille<ref>En particulier, {{HomIli|acompact}} (XVIII, 436-438) fait d'Achille un enfant unique.</ref>, et rien dans l'épopée ne permet d'affirmer qu'il est insensible aux coups. Dans la ''Suite d'Homère'' de [[Quintus de Smyrne]], il est blessé par le prince [[éthiopie]]n [[Memnon (mythologie)|Memnon]]<ref>{{QuiSui}} (II, 410-411).</ref>. Au reste, Achille n'est pas le seul héros grec réputé (presque) invulnérable : les traditions tardives accordent aussi ce privilège à [[Ajax fils de Télamon|Ajax le Grand]]<ref>''Suite d'Homère'' (I, 564–567).</ref>.
=== Éducation ===
La tradition dominante veut qu'à l'instar d'autres héros comme [[Jason]] et [[Actéon]], Achille ait été confié par son père au [[centaure (mythologie)|centaure]] [[Chiron (mythologie)|Chiron]], habitant le [[mont Pélion]] en [[Thessalie]].<ref>{{HésCat}} = frag. 204 MW. Voir aussi {{PinOde}} (''Pythiques'', VI, 21,3 ; ''Néméennes'', III, 43-58). L'éducation d'Achille par Chiron est le thème d'un poème perdu d'Hésiode, ''Les Préceptes de Chiron''. Gantz, p. 231 et Mackie (1997), p. 1.</ref> Là, il apprend la médecine<ref>''Iliade'' (IV, 217-219 et XI, 830-832).</ref>, le maniement des armes, l'art de monter à cheval et de chasser, ainsi que la musique<ref>Mackie (1997), p. 2.</ref>. La littérature ne rapporte pas d'exploit particulier de la part du jeune garçon, si ce n'est ses prouesses à la chasse<ref>Gantz, p. 231.</ref>.
''L'Iliade'' se montre peu diserte sur Chiron, et met plutôt en avant le personnage de [[Phœnix fils d'Amyntor|Phœnix]] qui apprend au jeune garçon l'art de l'éloquence et le maniement des armes<ref>''Iliade'' (IX, 438-442).</ref>. Dans une scène touchante du chant IX, le vieil homme se souvient d'avoir tenu le héros sur ses genoux, découpant sa viande et l'aidant à boire son vin<ref>''Iliade'' (IX, 485-491).</ref>. Enfin, ailleurs dans le poème, Thétis clame également avoir élevé son fils elle-même<ref>'Iliade'' (XVIII, 56-59 = 436-440).</ref>.
=== La première mobilisation à Aulis ===
[[Image:Achilles by Lycomedes Louvre Ma2120.jpg|thumb|right|180px|Achille chez [[Lycomède]], [[bas-relief]] d'un [[sarcophage]] [[Athènes antique|athénien]], v. [[Années 240|240]], [[musée du Louvre]]]]
Les événements de la [[guerre de Troie]] qui précèdent ceux de ''L'Iliade'' sont particulièrement confus. Dans ''L'Iliade'', Achille est envoyé directement par [[Pélée]], avec [[Patrocle]] et les [[Myrmidons]]<ref>''Iliade'' (IX, 439).</ref>, lorsque les chefs grecs se rassemblent à [[Aulis]]. Les ''[[Chants cypriens]]'', une épopée du [[Cycle troyen]], racontent ensuite comment, poussée par les vents, la flotte grecque débarque par erreur en [[Mysie]]. Croyant avoir atteint Troie, les Achéens passent à l'attaque et se heurtent au roi local, [[Télèphe]], fils d'[[Héraclès]]. Achille l'affronte et le blesse. L'expédition grecque repart, mais une tempête l'emporte jusqu'à l'île de [[Skyros]], où Achille épouse [[Déidamie (Skyros)|Déidamie]], fille du roi [[Lycomède]]<ref>Voir aussi la ''[[Petite Iliade]]'', une autre épopée du Cycle, frag. 24 PEG, et peut-être aussi ''l'Iliade'' (IX, 666-668), qui évoque la prise de Skyros par Achille.</ref>. Les ''Chants cypriens'' racontent ensuite comment Télèphe, blessé, se rend à [[Argos (ville)|Argos]] pour être soigné par Achille en échange d'informations sur la route vers Troie<ref>D'après le résumé qu'en fait le grammairien [[Proclos]] au {{sap|V|e}}. Gantz, p. 576-577.</ref>.
''L'Iliade'' ne fait pas allusion à ces événements, mais ne les contredit pas non plus. Au {{sav|V|e}}, la geste d'Achille et de Télèphe est connue de [[Pindare]], qui y fait allusion dans l'une de ses ''Isthmiques''<ref>Pindare, ''Odes'' (''Isthmiques'', VIII, 48-51).</ref>, ainsi que d'[[Eschyle]], [[Sophocle]] et [[Euripide]]. Les premiers lui consacrent chacun un [[tragédie grecque|cycle tragique]] (aujourd'hui perdus) couvrant probablement l'ensemble du récit, de l'arrivée en Mysie à la guérison à Argos. Le ''Télèphe'' d'Euripide, lui aussi perdu, est connu par les nombreuses allusions qu'y fait [[Aristophane]] : il se concentre sur l'arrivée de Télèphe et sa guérison par Achille. Des sources plus tardives<ref>{{ApoBib}} (III, 17-20) ; scholies A de ''l'Iliade'' I, 59.</ref> précisent que Télèphe, après avoir tué bon nombre de Grecs, s'enfuit lorsqu'il rencontre Achille. Pris dans des vignes déployées par [[Dionysos]], il est blessé par la lance d'Achille. Suivant un schéma magique fréquent, seule cette même lance pourra ensuite le soigner.
La manière dont Achille rejoint l'expédition grecque fait l'objet d'une variante plus tardive qui s'impose ensuite comme dominante. Un [[oracle grec|oracle]] a appris aux Achéens que le jeune homme est indispensable à la prise de [[Troie]]<ref>Scholies de ''l'Iliade'', XIX, qui font référence au Cycle épique. Gantz, p. 581.</ref>. Thétis ou Pélée, craignant pour sa vie, le déguise en femme et le cache parmi les filles de [[Lycomède]], afin de le soustraire à la pression des guerriers<ref>D'après une [[scholie]] de l’''Iliade'' (Σb XIX, 326), et malgré le résumé de Proclos, cet élément du mythe remonterait aux ''[[Les Chants cypriens|Chants cypriens]]'' (frag. 19 Bernabé ?). Il est attesté pour la première fois sur une peinture de [[Polygnotos]] aux [[Propylées]] d'Athènes, cf. {{PauDes}} (I, 22, 6). Gantz, p. 581 et p. 837, n. 23.</ref>.
Chez Lycomède, qui selon les versions est au courant ou non de la supercherie, Achille porte le nom de Pyrrha, « la rousse »<ref name="H96">{{HygFab}} (XCVI).</ref>. Sous son déguisement, il séduit ou viole Déidamie, qui lui donnera [[Néoptolème]], également appelé Pyrrhus<ref>Lycomède donne à son petit-fils le nom de Pyrrhus, Phœnix celui de Néoptolème. ''Chants cypriens'', frag. 21 PEG.</ref> lequel se révèlera indispensable à la prise de Troie.
Ayant eu vent de la ruse, [[Diomède (Argos)|Diomède]] et [[Ulysse]] arrivent ensuite à Skyros et identifient Achille, qui rejoint alors l'armée grecque. L'épisode est le sujet d'une tragédie d'Euripide, ''les Skyriens''. [[Ovide]] précise comment s'y prennent les deux héros : déguisé en marchand, le roi d'[[Ithaque]] propose aux filles de Lycomède des tissus précieux et des armes ; Achille se dévoile en étant le seul à saisir une épée et un bouclier<ref>{{OviMét}} (XIII, 162-170).</ref>. Chez Apollodore, c'est une sonnerie de trompette qui réveille l'héroïsme du jeune homme, qui se dévoile ainsi<ref>Apollodore, ''Bibliothèque'' (III, 13, 8).</ref>. [[Stace]] combine ces deux variantes. Chez [[Caius Julius Hyginus|Hygin]], le héros se montre un peu moins naïf : entendant des trompettes, Achille croit la cité attaquée, et saisit les armes pour la défendre<ref name="H96" />.
=== Le second voyage vers Troie ===
Alors que l'armée grecque s'apprête, la colère d'[[Artémis]] contre [[Agamemnon]] bloque la flotte à Aulis. Un oracle dévoile qu'il faut sacrifier [[Iphigénie]], fille de ce dernier ; c'est par la promesse d'un mariage avec Achille que les chefs achéens attirent alors la jeune fille à Aulis<ref>''Chants cypriens'' résumés par Proclos ; Sophocle, ''Iphigénie'' (frag. 305 R) ; {{EurIT}} (24-25).</ref>.
La flotte part peu après et s'arrête en cours de route sur l'île de [[Ténédos]], où un festin est organisé. Achille, invité tardivement, se met alors en colère<ref>Le résumé des ''Chants cypriens'' par Proclos ne mentionne que la colère suite à l'invitation tardive ; [[Aristote]], ''Rhétorique'' (II, 24) précise qu'il s'agit du dîner de Ténède.</ref>. Nous connaissons une autre occasion au cours de laquelle Achille se met en colère au cours d'un dîner : dans ''l'Odyssée'', l'aède [[Démodocos]] propose à la cour d'[[Alcinoos]] de chanter la dispute entre Achille et Ulysse, dispute dont un oracle d'Apollon Delphien aurait prédit qu'elle serait le signe précurseur de la chute de Troie<ref>''Odyssée'' (VIII, 75-82).</ref>. Une allusion de [[Plutarque]] à une pièce perdue de Sophocle rapporte de même qu'Ulysse se moque, pendant un banquet, de la colère d'Achille : il accuse ce dernier d'avoir pris peur en voyant Troie et [[Hector]], et de chercher un prétexte pour fuir<ref>Plutarque, ''Moralia'' (74a).</ref>. Il n'est pas facile de déterminer s'il s'agit d'un seul et même épisode ou de deux colères distinctes<ref>Gantz, p. 588-589.</ref>.
Un second incident prend place à Ténédos : l'île est gouvernée par [[Ténès]], fils d'[[Apollon]], qui repousse les Achéens. Achille le tue<ref>{{DioBib}} (V, 83, 4-5).</ref>, malgré la recommandation de sa mère de ne pas le tuer sous peine de périr lui-même des mains d'Apollon<ref>{{ApoÉpi}} (III, 26).</ref>. Plutarque raconte de son côté que Thétis envoie aux côtés d'Achille un serviteur chargé de lui rappeler l'avertissement ; Achille s'y tient jusqu'à ce qu'il rencontre la sœur de Ténès, qui le frappe par sa beauté. Ténès s'interpose pour protéger sa sœur et Achille, oubliant l'avertissement, le tue<ref>Plutarque, ''Moralia'' (297 d-f).</ref>.
=== Premières années de la guerre ===
[[Image:Akhilleus Patroklos Antikensammlung Berlin F2278.jpg|thumb|left|220px|Achille pansant [[Patrocle]], kylix d'[[Etrurie]] à figures rouges du peintre de Sôsias, v. [[Années -500|500 av. J.-C.]], Staatliche Museen de [[Berlin]]]]
Quand la flotte grecque arrive devant Troie, Achille doit affronter [[Cycnos fils de Poséidon|Cycnos]], fils de [[Poséidon]] et roi de [[Colone]], qui les empêche de débarquer<ref>''Chants cypriens'' ; Pindare, ''Odes'' (''Olympique'' II, 82 ; ''Isthmique'', V, 39) ; Aristote, ''Rhétorique'' (II, 24).</ref>. Celui-ci a la particularité d'être [[albinos]]<ref>Scholie d'[[Hellanicos]], [[Fragmente der griechischen Historiker|FGrH]] 4F148.</ref> et invulnérable : aucune arme ne peut le blesser<ref>Sophocle, ''Poimenes'' (frag. 500 R.</ref>. Achille parvient finalement à le tuer en l'étranglant avec la jugulaire de son casque<ref>Ovide, ''Métamorphoses'' (XII, 72-144)</ref> ou, selon une autre version, d'un jet de pierre<ref>Apollodore, ''Épitomé'' (III, 31).</ref>.
Les Grecs installent leur camp sur la plage qui s'étend devant Troie ; une ambassade achéenne pour réclamer [[Hélène (mythologie)|Hélène]] échoue. Achille éprouve alors le désir de voir la jeune femme. ''Les Chants cypriens'' indiquent seulement que la rencontre est arrangée par [[Aphrodite]] et Thétis, sans davantage de détail<ref name="G596">Gantz, p. 596.</ref>. Cependant, une variante hellénistique évoque une prédiction de [[Cassandre (mythologie)|Cassandre]] selon laquelle Hélène aurait cinq maris — [[Thésée]], [[Ménélas]], [[Pâris]], [[Déiphobe (Troie)|Déiphobe]] et Achille<ref>Lycophron (139-174).</ref>. Il ne s'agit visiblement pas d'une allusion au règne d'Achille après sa mort aux [[Champs Élysées]], puisque la même source fait de [[Médée]] son épouse ''post mortem''. Peut-être faut-il en conclure que le rendez-vous entre Achille et Hélène s'est terminé par l'union des deux protagonistes<ref name="G596" />.
Une fois les Troyens retranchés derrière leurs murailles, Achille s'emploie à couper l'approvisionnement de la ville. À la tête de ses nefs, il attaque et réduit ainsi onze cités d'[[Anatolie]], tributaires de Troie. C'est dans [[Lyrnessos]], l'une de ces villes, lors de la dixième année de siège, qu'il reçoit pour part d'honneur [[Briséis]]<ref>''Iliade'' (II, 688-691).</ref>, tandis qu'[[Agamemnon]] reçoit [[Chryséis]] lors du sac de [[Thébé]]<ref>''Iliade'' (I, 364-369).</ref>.
=== La colère ===
C'est à ce moment que commence le récit de ''l'Iliade''. Une peste frappe le camp grec<ref>''Iliade'' (I, 43-54).</ref> et [[Calchas]], encouragé par Achille, révèle qu'[[Apollon]] a puni Agamemnon pour avoir refusé à son prêtre, [[Chrysès]], de lui rendre sa fille Chryséis<ref>''Iliade'' (I, 92-100).</ref>. Obligé de céder, Agamemnon furieux réclame une autre part d'honneur. Achille se récrie et Agamemnon, pour l'humilier, décide de prendre Briséis, sa captive<ref>''Iliade'' (I, 130-139).</ref>. En colère, ce dernier décide de se retirer sous sa tente et jure sur le sceptre d'Agamemnon, don de [[Zeus]], de ne pas retourner au combat<ref>''Iliade'' (I, 223-246).</ref>. Il implore sa mère de demander à Zeus l'avantage aux Troyens, tant qu'il sera absent du champ de bataille<ref>''Iliade'' (I, 350-412).</ref>. Zeus le lui accorde. C'est ce que résument les premiers vers de ''l'Iliade'' :
<blockquote>
« Chante, ô déesse, le courroux du Péléide Achille,<br />
Courroux fatal qui causa mille maux aux Achéens<br />
Et fit descendre chez Hadès tant d'âmes valeureuses<br />
De héros, dont les corps servirent de pâture aux chiens<br />
Et aux oiseaux sans nombre : ainsi Zeus l'avait-il voulu<ref>''Iliade'' (I, 1-5). Extrait de la traduction de Frédéric Mugler pour Actes Sud, 1995.</ref>. »
</blockquote>
Privés de son appui, les Grecs essuient défaites sur défaites, et alors que les Grecs sont acculés et que les Troyens menacent de brûler leurs nefs, le vieux sage Nestor, Phénix et Ulysse viennent en ambassade plaider la cause achéenne<ref>''Iliade'' (IX, 92-100).</ref>. Achille reste ferme mais Patrocle, ému par les malheurs de ses compatriotes, obtient l'autorisation d'Achille de sauver les Grecs en portant ses armes<ref>''Iliade'' (XVI, 173-657).</ref>. La manœuvre réussit mais Patrocle, malgré sa promesse à Achille, engage la poursuite<ref>''Iliade'' (XVI, 684-691).</ref>. Il est tué par [[Hector]], qui prend les armes d'Achille comme butin<ref>''Iliade'' (XVI, 817-862 et XVII, 125).</ref>. Furieux et humilié — trompé par Patrocle, qui en est mort et donc hors de punition, et symboliquement vaincu par Hector —, Achille décide de se venger, malgré les avertissements de sa mère : s'il affronte Hector, il mourra peu de temps après<ref>''Iliade'' (XVIII, 94-96).</ref>. [[Héphaïstos]] lui forge de nouvelles armes, avec lesquelles il sort à la recherche d'Hector<ref>''Iliade'' (XIX, 349-424).</ref>.
[[Image:Hector comb MNA Taranto.jpg|thumb|right|300px|Achille traînant le corps d'[[Hector]] derrière son char, [[Peigne de coiffure|peigne]] en [[os]] trouvé à [[Oria]], deuxième moitié du {{Ier_siècle_av._J.-C.}}, [[musée national archéologique de Tarente]]]]
Revêtu de son armure divine, il s'engage à nouveau dans le combat et abat un grand nombre de Troyens sur son passage<ref>''Iliade'' (XX, 353-503).</ref>, tellement que les eaux du [[Scamandre]] sont souillées de cadavres<ref>''Iliade'' (XXI, 7-21).</ref>. Offensé<ref>''Iliade'' (XXI, 211-221).</ref>, le Scamandre manque de noyer Achille<ref>''Iliade'' (XXI, 234-327).</ref>. Sauvé par l'intervention d'[[Héphaïstos]]<ref>''Iliade'' (XXI, 328-382).</ref>, celui-ci rencontre enfin Hector, le défie et le tue avec l'aide d'Athéna<ref>''Iliade'' (XXII, 306-364).</ref>. Il traîne sa dépouille trois fois autour de la ville avec son char<ref>''Iliade'' (XXII, 395-404).</ref> avant de la ramener dans le camp achéen.
Rentré dans sa tente, le héros pleure son ami mort<ref>''Iliade'' (XXIII, 1-110).</ref>. Au moment de brûler la dépouille, il coupe sa chevelure en signe de deuil<ref>''Iliade'' (XXIII, 140-151).</ref> et sacrifie quatre chevaux, neuf chiens et douze jeunes Troyens dont le corps est jeté sur le bûcher<ref>''Iliade'' (XXIII, 171-177).</ref>. Le lendemain, il traîne de nouveau derrière son char le corps d'Hector, cette fois autour du tombeau de Patrocle<ref>''Iliade'' (XXIV, 14-18).</ref>.
Achille fait pourtant preuve d'humanité en laissant le roi [[Priam]], venu dans sa tente en suppliant, emporter le corps de son fils pour lui accorder des dignes funérailles<ref>''Iliade'' (XXIV, 440-670).</ref>. Il obéit ainsi à sa mère<ref>''Iliade'' (XXIV, 133-140).</ref>, envoyée par les dieux mécontents du traitement infligé à la dépouille du héros<ref>''Iliade'' (XXIV, 23-76).</ref>.
=== Memnon et Penthésilée ===
[[Image:Bell-krater Akhilleus Penthesileia MAN.jpg|thumb|left|Combat d'Achille et de [[Penthésilée]], cratère en cloche [[lucanie]]n de la fin du {{-s-|V|e}}, Musée national archéologique de [[Madrid]]]]
''[[L'Éthiopide]]'', l'une des épopées du [[Cycle troyen]], reprend le récit de la guerre de Troie là où ''l'Iliade'' s'arrête. Elle raconte comment, après la mort d'Hector, la ville de Priam voit arriver de nouveaux champions. C'est d'abord l'[[Amazones|Amazone]] [[Penthésilée]], fille d'[[Arès]]. Achille l'affronte en duel et s'éprend d'elle au moment où il la tue, ce qui excite les moqueries de [[Thersite]]. Excédé, le héros le tue et doit ensuite se purifier sur l'île de [[Lesbos]].
Peu après arrive [[Memnon (mythologie)|Memnon]], fils d'[[Éos (mythologie)|Éos]] (l'Aurore) et de [[Tithon]], et prince des [[Éthiopiens]]. Là encore, il rencontre Achille en combat singulier et est tué par lui.
=== Mort ===
Les jours d'Achille sont désormais comptés. [[Xanthe et Balios|Xanthos]], l'un des chevaux d'Achille, l'a prédit au héros, attribuant sa mort à un « dieu fort »<ref>''Iliade'' (XIX, 409-410).</ref>. De même, Thétis l'a averti à plusieurs reprises<ref>''Iliade'' (I, 417 ; IX, 410-416 ; XVIII, 95-96).</ref> qu'il mourrait jeune, précisant même qu'« [[Apollon]] [l]e tuerait de ses flèches rapides / lorsqu'[il] serai[t] sous les murs des Troyens belliqueux<ref>''Iliade'' (XXI, 277-278).</ref>. » Enfin, Hector expirant a prédit la mort de son adversaire, tué par [[Pâris]] et Apollon, près des Portes Scées<ref>''Iliade'' (XXII, 358-360).</ref>.
[[Image:Mourning of Akhilleus Louvre E643.jpg|thumb|right|320px|Thétis et les Néréides pleurant la mort d'Achille, [[hydrie]] [[Corinthe|corinthienne]] à figures noires, [[-560|560]]-[[-550|550 av. J.-C.]], [[musée du Louvre]]]]
Plusieurs versions existent quant à sa mort. ''L'Éthiopide'' précise qu'il meurt de la main de [[Pâris]] et d'[[Apollon]] alors qu'il poursuit les Troyens sous les murailles de la ville<ref>Gantz, p. 625.</ref>. [[Pindare]] laisse entendre que le dieu prend la forme du fils de Priam et tue Achille pour retarder la prise de Troie<ref>[[Pindare]], ''[[Péan]]s'' (VI, 77-86). Le papyrus est très fragmentaire à cet endroit.</ref>, comme il le fait déjà dans ''l'Iliade'' pour arrêter Patrocle dans son assaut<ref>''Iliade'' (XVI, 698-701).</ref>. ''[[L'Énéide]]'' est la première à indiquer explicitement que Pâris tire la flèche meurtrière, qui est guidée par Apollon<ref>{{VirÉné}} (VI, 56-58). Repris ensuite par Ovide, ''les Métamorphoses'' (XII, 598-606. Cf. Gantz, p. 625.</ref>.
À ce stade, aucun texte n'évoque le fameux talon d'Achille. Le motif de l'endroit vulnérable apparaît pour la première fois chez [[Stace]]<ref>{{StaAch}} (I, 133-134), cf. Gantz, p. 625.</ref>, un poète de la deuxième moitié du {{sap|I|e}} ; peu après, [[Caius Julius Hyginus|Hygin]] mentionne expressément la cheville, qu'Apollon transperce de sa flèche, comme son seul point vulnérable<ref>Hygin, ''Fables'' (CVII).</ref>. Toutefois, quatre vases de la période archaïque et du début de la période classique représentent soit Pâris décochant une flèche vers le bas du corps d'Achille (la cuisse, le tibia ou le pied), soit Achille mort, une flèche à travers le pied, ce qui tend à prouver que la tradition du « talon d'Achille » est ancienne<ref>Respectivement un [[lécythe]] protocorinthien (Athènes), une [[amphore]] pontique (Copenhague 14066), une amphore [[Chalcidique|chalcidienne]] (autrefois dans la collection Pembroke-Hope, aujourd'hui disparue) et un [[pélikè]] [[attique]] du Peintre des Niobides (Bochum S1060). Gantz, p. 626.</ref>. Enfin, tous les auteurs<ref>À l'exception du [[Premier Mythographe du Vatican]] (178), qui parle de ''planta'', la plante du pied. Gantz, p. 628.</ref> parlent bien de la cheville (''talus'' en [[latin]], {{Grec_ancien|σφυρόν}} en [[grec ancien]]), mais le mot ''talus'' change ensuite de sens pour donner le « talon » français<ref>Par le doublet ''*talo, onis''. Frédéric Martin, ''Les Mots latins'', Hachette, 1976, à l'article « ''talus'' ».</ref>.
Une autre tradition lie la mort d'Achille à son amour pour [[Polyxène]], fille de [[Priam]] : le héros est tué alors qu'il négocie avec le roi troyen la main de sa fille dans le temple d'Apollon Thymbrien<ref>Scholiaste de l’''[[Hécube (Euripide)|Hécube]]'' d'[[Euripide]] (Σ ''Hek.'' 41).</ref>. Dans une autre version, Achille s'éprend de Polyxène alors qu'elle accompagne son père venu réclamer la dépouille d'Hector ; Priam lui promet alors sa main sous réserve qu'il mette fin à la guerre — il s'agit en réalité d'un guet-apens<ref>Servius, ''Commentaire de l'Énéide'' (Σ ''Æn.'' III, 322).</ref>, puisque Pâris l'attend, l'arc à la main, tapi derrière une colonne du temple<ref>Précision ajoutée par [[Lactance]], commentaire de l’''Achilléide'' (Σ ''Ach.'' I, 134).</ref>.
Ses funérailles sont contées dans le chant XXIV de ''l'Odyssée'' par l'âme d'Agamemnon, ainsi que dans le livre III de ''La Suite d'Homère'' de [[Quintus de Smyrne]]. Ses cendres sont mêlées à celles de Patrocle et d'[[Antiloque]] dans une urne d'or. Il est enseveli, au milieu des pleurs et de gémissements, sur le rivage de l'[[Hellespont]] et ne connaît donc pas la victoire finale des Grecs.
=== Après sa mort ===
[[Image:Aias body Akhilleus Staatliche Antikensammlungen 1884.jpg|thumb|right|210px|[[Ajax fils de Télamon|Ajax]] portant le corps d'Achille, [[lécythe]] [[attique]] à figures noires, v. [[Années -510|510 av. J.-C.]], Staatliche Antikensammlungen de Munich]]
Homère, dans ''[[l'Odyssée]]'', le représente régnant sur le [[pré de l'Asphodèle]] dans l'[[Enfers grecs|Hadès]], et bien désabusé. À Ulysse qui le félicite de régner parmi les morts, il répond :
<blockquote>
« Ne cherche pas à m'adoucir la mort, ô noble Ulysse !<br />
J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan,<br />
Fût-il sans patrimoine et presque sans ressources,<br />
Que de régner ici parmi ces ombres consumées...<ref>{{HomOdy}} (XI, 488-491). Extrait de la traduction de [[Philippe Jaccottet]] pour les éditions de la Découverte, 1982.</ref> »
</blockquote>
Dans ''[[l'Éthiopide]]'', Thétis le représente après la mort comme vivant la vie idéale du guerrier, sur l'[[Île Blanche]], au milieu de combats sans nombre et de festins éternels, marié à [[Médée]], à [[Hélène (mythologie)|Hélène]], à [[Iphigénie]] ou encore à [[Polyxène]]. [[Pindare]], dans ses ''Néméennes''<ref>Pindare, ''Odes'' (''Néméennes'', IV, 49-50).</ref>, évoque pour sa part une île « brillante » située dans le [[Pont-Euxin]]. [[Euripide]] reprend également cette version dans son ''Andromaque''<ref>{{EurAnd}} (v. 1259-1262).</ref>.
== Interprétation ==
Bien que descendant de Zeus et de Thétis, Achille est soumis à une condition mortelle. Cependant Homère le marque d’une empreinte divine : sa ''mênis'', c’est-à-dire sa colère. Elle n’a rien de commun avec la rage et la rancœur qui caractérisent les humains, c’est une passion divine. Les autres héros de ''l’Iliade'' sont dominés eux par la [[mania (mythologie)|mania]], la folie guerrière qui les aveugle tous (à l’exception du seul [[Ulysse]]).
Quand Agamemnon lui arrache Briséis, il est profondément blessé, il lui semble qu’il perd son honneur héroïque, grâce que Zeus accorde à ses préférés. Dès lors peu importent à Achille les présents expiatoires qu’envoie Agamemnon, pire, ils ne font qu’attiser sa colère car Agamemnon croit pouvoir dominer sa ''mênis'' divine par de simples objets. En effet, aussi précieux soient ils, ils sont humains et donc sans valeur vis-à-vis de ce qui constitue pour Achille la preuve de sa divinité.
Achille est donc un personnage ambigü, car libre de respecter tour à tour les codes et rites des héros et les mœurs humaines. Cette liberté l'oblige à n'appartenir à aucune des factions, ce qui lui donne une place à part dans l'œuvre d'Homère.<ref>Cette section s'appuie sur Pietro Citati, ''La Pensée chatoyante'', chap. I, « Achille ».</ref>
== Culte ==
[[Image:Johann Heinrich Füssli 064.jpg|thumb|left|250px|[[Johann Heinrich Füssli]], ''[[Thétis]] pleure la mort d'Achille'', [[1780]], [[Art Institute of Chicago]]]]
Achille fait l'objet d'un [[culte héroïque grec|culte héroïque]] dans plusieurs régions de la [[mer Méditerranée|Méditerranée]]. Il est difficile de savoir comment le culte a pris son essor, car les cultes héroïques se focalisent généralement sur la tombe du héros. En l'espèce, les restes d'Achille sont supposés se trouver sur les rives de l'[[Hellespont]], non loin de Troie : dans ''l'Iliade'' (XXIII), Patrocle est enterré à cet endroit, et son fantôme demande à Achille que leurs cendres soient ensevelies au même endroit ; ''l'Odyssée'' précise qu'un grand [[tumulus]], visible depuis la mer, est élevé par les Achéens<ref>''Odyssée'' (XXIV, 80-84).</ref>. Un culte y est attesté dès le {{Ve_siècle_av._J.-C.}}<ref>Hedreen, p. 313.</ref> et une ville, Achilléion, est fondée sur le site<ref>{{PliHis}} (V, 15) ; {{StrGéo}} (XIII, 1, 32) ; {{DioVie}} (I, 74). Achilléion est mentionnée dès {{HérEnq}} (V, 94).</ref>. Les [[Thessalie]]ns y effectuent un pèlerinage annuel<ref>[[Philostrate]], ''Héroïque'' (53, 8-18).</ref>, et les textes mentionnent que l'armée perse vient y vénérer Achille pendant les [[guerres médiques]]<ref>Hérodote (VII, 43).</ref>, suivie par [[Alexandre le Grand]]<ref>{{DioBib}} (XVII, 17, 3) ; [[Arrien]], ''Anabase'' (I, 12, 1) ; [[Cicéron]], ''Pro Archia'' (24) ; {{PluVie}} (''Alexandre'', 72).</ref> ou encore [[Caracalla]]<ref>[[Dion Cassius]] (77, 7).</ref>
Le culte d'Achille n'est pas cantonné à sa tombe : il est également vénéré à [[Érythrées]] ([[Anatolie]]), à [[Crotone]], à [[Sparte]] et à [[Élis]] ([[Péloponnèse]]) ou encore à [[Astypalaia]], une île des [[Cyclades]]<ref name="H314">Hedreen, p. 314.</ref>. Le culte pour lequel nous disposons du plus grande nombre de traces est celui de la région d'[[Olbia (Ukraine)|Olbia]], en [[mer Noire]], qui a cours du {{VIe_siècle_av._J.-C.}} à la [[Empire romain|période romaine]]. Une série de stèles inscrites des {{sp|II|e|et|III|e|s}} montre qu'Achille y est vénéré sous l'[[épiclèse (Antiquité)|épiclèse]] de « Pontarque » (en grec, roi du [[Pont-Euxin|Pont]]). Il est même l'une des principales divinités de la région à l'époque romaine<ref>Hedreen, p. 323.</ref>. Un fragment d'[[Alcée de Mytilène|Alcée]], reprenant la phraséologie de ces inscriptions, évoque Achille régnant sur la [[Scythes|Scythie]]<ref>« {{Grec_ancien|Ἀχιλλεύς ὀ τὰς Σκυθίκας μέδεις}} » (frag. 354 LP)</ref>. Dans la même région, l'étroite péninsule de Tendra est appelée dans l'Antiquité la « piste de course d'Achille<ref>{{Grec_ancien|Ἀχιλλέως δρόμος}} ». Hérodote (IV, 55) et Strabon (VII, 3, 19).</ref> ». Le nom s'explique probablement par des jeux athlétiques organisés en l'honneur du héros, attestés au {{sap|I|er}}<ref>Hedreen, p. 318.</ref>. Enfin, l'île de Leukè (actuelle [[île des Serpents]]), littéralement l'« île blanche »), au nord-ouest du Pont-Euxin, est le site de culte d'Achille le plus connu sous l'Antiquité. Elle abrite un temple et une statue de culte<ref>Pausanias (III, 19, 11).</ref>. Le héros est réputé y habiter : il apparaît en vision aux marins qui approchent de l'île<ref>[[Arrien]], ''Périples du Pont-Euxin '' (23) ; Philostrate, ''Héroïque'' (55, 2-3 ; 56, 2-4 et 56, 6-9) ; [[Maxime de Tyr]] (6-7).</ref>.
Le culte d'Achille est souvent lié à la mer, association qui ne s'explique pas par les éléments de son mythe, mais seulement par sa filiation avec une néréide ; il est ainsi vénéré conjointement avec Thétis à Érythrées<ref name="H122">Hedreen, p. 122.</ref>. Il est particulièrement populaire auprès des marins, qui sont à l'origine de la plupart des offrandes votives à Achille découvertes dans le Pont-Euxin<ref name="H122" />.
== Achille comme modèle ==
[[Image:Giovanni Battista Tiepolo 052.jpg|thumb|right|250px|[[Giovanni Battista Tiepolo|Tiepolo]], ''La Colère d'Achille'', [[1757]], fresque de la Villa Valmarana ([[Vicence]]). [[Athéna]] retient Achille prêt à tuer [[Agamemnon]]]]
Indépendamment de son culte, Achille s'impose aux Grecs comme un personnage héros exemplaire. Ainsi [[Alexandre le Grand]] s'y compare-t-il, regrettant de ne pas avoir trouvé un Homère pour chanter ses propres exploits. En compagnie de son amant [[Héphaestion]], le conquérant sacrifie même sur la tombe d'Achille et de Patrocle.
On le retrouve dans les arts mais aussi en philosophie. Ainsi par exemple, [[Socrate]] s'attache-t-il à relativiser la droiture morale (faute d'une envergure intellectuelle suffisante, Achille n'aurait pas été capable de tromper autrui) à l'aide d'une comparaison entre [[Ulysse]] et Achille, en s'attachant à démontrer que si Ulysse était trompeur, Achille ne l'était pas moins, mais seulement moins habilement. L'un des arguments de [[Zénon d'Elée]] parle de la course d'une tortue contre Achille.
Au contraire, [[Pindare]] loue sa droiture dans l'une de ses ''Néméennes''.
== Représentations artistiques ==
=== Littérature ===
Achille est le héros de ''l'Iliade'', mais aussi d'autres épopées du [[Cycle troyen|Cycle]]. On peut citer ''la Memnonide'' et ''[[l'Éthiopide]]'' d'[[Arctinos de Milet]], la première ayant influencé la seconde, parlant d'Achille tuant le héros [[Memnon (mythologie)|Memnon]] pour venger son ami [[Antiloque]], thème très comparable au combat contre Hector pour venger Patrocle. Ces deux épopées sont probablement antérieures à Homère.
Il est aussi le héros de ''[[l'Achilléide]]'', un poème en [[latin]] inachevé de [[Stace]], contant son enfance.
=== Musique ===
* ''[[Achille et Polyxène]]'' est la dernière [[tragédie lyrique]] de [[Jean-Baptiste Lully|Lully]], qui n'eut le temps de composer que le prologue et le premier acte. La suite fut terminée par son assistant [[Pascal Collasse]].
* Dans son opéra ''[[La Belle Hélène]]'', [[Jacques Offenbach|Offenbach]] en a fait un guerrier pas très malin, le « bouillant Achille ».
* En [[1992]], le groupe de [[heavy metal (musique)|heavy metal]] [[Manowar]] a écrit et chanté une chanson de 28:38min (divisée en huit parties) inspirée de l'épopée d'Achille, “Achilles, Agony and Ecstasy in eight Parts” dans l'album ''[[The Triumph of Steel]]''.
* ''Achilles Last Stand'' du groupe [[Led Zeppelin]] sur l'album ''[[Presence]]'' sorti le 31 mars 1976.
* Dans ''[[Iphigénie en Aulide (Gluck)|Iphigénie en Aulide]]'' de [[Gluck]], Achille est le fiancé aimant et fidèle d'[[Iphigénie]].
=== Cinéma ===
Achille a notamment été incarné au [[cinéma]] par :
* [[Stanley Baker]] dans ''[[Hélène de Troie]]'' ([[1956]]) ;
* [[Arturo Dominici]] dans ''[[La Guerre de Troie (film)|La Guerre de Troie]]'' ([[1962]]) ;
* [[Brad Pitt]] dans ''[[Troie (film, 2004)|Troie]]'' ([[2004]]).
== Étymologie ==
[[Image:Akhilleus Aias Getty Villa 86.AE.81.jpg|thumb|right|280px|Achille et [[Ajax fils de Télamon|Ajax]] jouant, [[amphore]] [[attique]] à figures noires, v. [[-510|510 av. J.-C.]], [[Villa Getty]] (86.AE.81)]]
Achille est fréquemment appelé « Péléide » ou « [[Éacide]] », [[épithète]]s qui rappellent son ascendance. Le nom d'Achille à proprement parler est d'[[étymologie]] inconnue<ref>{{DicChan}}, à l'article {{Grec_ancien|Ἀχιλλεύς}}.</ref>. La question s'est en effet posée dès l’Antiquité : le [[pseudo-Apollodore]] explique ainsi que son nom signifie « qui n'a pas de lèvres » (d’un {{Grec_ancien|α-}} privatif et de {{Grec_ancien|χεῖλος}} / ''kheĩlos'', « lèvre »), « parce que jamais il n’avait approché ses lèvres d’un sein »<ref>''Bibliothèque'', III, 13, 6.</ref>. Toutefois, cette [[étymologie populaire]] ne repose sur rien.
L’une des hypothèses les plus convaincantes donne au nom du héros le sens de « celui dont l’armée est affligée », de {{Grec_ancien|ἀχός}} / ''akhós'', « le chagrin, l’affliction », et de {{Grec_ancien|λαός}} / ''laós'', « l’armée, la foule des guerriers »<ref>Leonard R. Palmer, ''The Interpretation of Mycenaean Greek Texts'', Clarendon Press, 1963, p. 79.</ref>. En effet, la figure d’Achille est étroitement liée au chagrin : celui éprouvé par les Achéens quand Achille se retire de la bataille, puis quand il meurt.
== Sources ==
* {{ApoBib}} (III, 13, 5-8), {{ApoÉpi|compact}} (III, 14-16).
* {{ApoArg}} (I ; IV, 783-879).
* {{ArcÉth}}.
* {{Argonautiques_orphiques}} (v. 387 et suiv.).
* {{CalHym}} (''Apollon'', v. 20).
* {{EurIA}}.
* {{HésThé}} (v. 1007).
* {{HomIli}} (''passim''), {{HomOdy|compact}} (XI, 467-540 ; XXIV, 16 et suiv.).
* {{OviHér}} (III), {{OviMét|compact}} (XI, 217-265 ; XII, 70 ; XII, 580 – XIII, 398; XIV, 39).
* {{PauDes}} (III, 19).
* {{PlaBan}}.
* {{PinOde}} (''Olympiques'', IX).
* {{QuiSui}} (''passim'').
* {{Retours}}.
* {{StaAch}} (''passim'').
* {{StaCha}}.
* {{TryPri}} (''passim'').
* {{ValArg}} (I, 133, 255 et 409).
== Notes ==
{{références|colonnes=2}}
== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Patrocle]]
* ''[[L'Achilléide]]''
* ''[[L'Iliade]]''
* ''[[Hybris]]''
=== Bibliographie ===
* {{en}} Anthony Edwards :
** ''Achilles in the Odyssey: Ideologies of Heroism in the Homeric Epic'', Beitrage zur klassischen Philologie, 171, Meisenheim, 1985.
** « Achilles in the Underworld: Iliad, Odyssey, and Æthiopis », ''Greek, Roman, and Byzantine Studies'', 26 (1985), p. 215-227.
* {{Gantz_EGM}}.
* {{en}} Guy Hedreen, « The Cult of Achilles in the Euxine », dans ''Hesperia'', vol. 60, {{numéro}}3 (juillet- septembre 1991), p. 313-330.
* {{de}} Hildebrecht Hommel, ''Der Gott Achilleus'', Sitzungsberichte der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Heildelberg, 1980.
* Katherine Callen King, ''Achilles: Paradigms of the War Hero from Homer to the Middle Ages'', University of California Press, Berkeley, 1987.
* {{en}} C. J. Mackie :
** « Achilles in Fire », ''Classical Quarterly'', nouvelle série, vol. 48, {{numéro}}2 (1998), p. 329-338,
** « Achilles' Teachers: Chiron and Phoenix in the 'Iliad' », ''Greece & Rome'', deuxième série, vol. 44, {{numéro}}1 (avril 1997), p. 1-10.
* {{en}} Pantelis Michelakis, ''Achilles in Greek Tragedy'', Cambridge University Press, Cambridge, 2002.
* [[Gregory Nagy]] :
** ''Le Meilleur des Achéens. La fabrique du héros dans la poésie grecque archaïque'', Seuil, coll. « Des travaux », Paris, 1999,
** {{en}} ''The Name of Achilles: Questions of Etymology and 'Folk Etymology''', ''Illinois Classical Studies'', 19, 1994.
* {{en}} Robert Schmiel, « Achilles in Hades », ''Classical Philology'', vol. 82, {{numéro}}1 (janvier 1987), p. 35-37.
=== Liens externes ===
{{Commonscat|Achilles|Achille}}
* [http://expositions.bnf.fr/homere/ Exposition virtuelle de la Bibliothèque nationale de France "Homère sur les traces d'Ulysse"]
* [http://www.site-magister.fr/prepas/page2b.htm L'aristie, Achille et le modèle héroïque (site Magister)]
{{Portail_mythologie_grecque}}
{{Article_de_qualité|oldid=2607621|date=4 juillet 2005}}
[[Catégorie:Geste d'Achille|*]]
[[Catégorie:Progéniture divine dans la mythologie grecque]]
[[Catégorie:Culte héroïque grec]]
[[Catégorie:Mythologie grecque de Thessalie]]
[[Catégorie:Camp achéen dans la guerre de Troie]]
[[Catégorie:Odyssée]]
[[Catégorie:Homosexualité dans la mythologie grecque]]
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