Gommeux 2678360 28343223 2008-04-05T09:06:02Z Badmood 4507 nouveau style de bandeau de portail, voir [[Wikipédia:Prise de décision/Bandeaux de portail]] [[Image:Jean-Louis Forain - Les deux gommeux.jpg|thumb|right|« Les Deux Gommeux. »<br><small>[[Eau-forte]] de [[Jean-Louis Forain]] (1876).</small>]] Le '''gommeux''' est le personnage type du jeune élégant du {{s|XIX|e}}, désœuvré et vaniteux<ref>Définition du ''[[Trésor de la langue française informatisé]]''.</ref>. == Portraits == Le gommeux fait sa première apparition à [[Paris]] dans les [[années 1840]]. Quelques années plus tard, un [[Roman-feuilleton|feuilletonniste]] du ''[[Le Petit Journal|Petit Journal]]'' le décrit tout simplement comme « un idiot ayant une raie au milieu de la tête comme une femme ».<ref>''Le Petit Journal'', 6 avril 1877. Cité par [[Émile Littré]], ''[[Dictionnaire de la langue française (Littré)|Dictionnaire de la langue francaise]]''. Supplément, 1877.</ref> C'est aussi avec la raie au milieu qu'il est personnifié sous le nom d'Angénor Gommeux dans ''Le Trombinosocope'' de [[Léon Bienvenu|Touchatout]] : [[Image:Angénor Gommeux by Georges Lafosse.jpg|thumb|left|Angénor Gommeux<br><small>dessiné par [[Georges Lafosse]].</small>]] {{Citation bloc|Au physique, Angénor Gommeux est un grand garçon aux traits fadasses et bêtes. Il est replet parce qu'il est bien nourri, mais il est sans muscles. La figure est grasse et jaune. Il se maquille comme une femme, porte la raie sur le milieu de la tête, et ramène sur son front d'idiot deux bandeaux de cheveux plats et lisses qui complètent la caricature la plus insensée de l'espèce humaine pour les gens qui ont le bonheur de se souvenir que [[Vercingétorix]] en faisait partie.<ref>Léon Bienvenu, ''Le Trombinsocope'', novembre 1874.</ref>}} Le personnage figure abondamment dans les romans du temps. [[Sibylle Gabrielle Riquetti de Mirabeau|Gyp]] le dépeint comme un homme aux « épaules et vêtements étroits ; col très haut ; bottines à pointes aiguës et relevées ; parapluie ''roulé dans son étui'' ; pantalon retroussé ; chapeau à bords plats ; marche en fauchant, les bras écartés du corps avec affectation ».<ref>Gyp, ''Ohé ! La Grande Vie !!!'', Calmann Lévy, Paris, 1891, p. 143.</ref> [[Jean-Louis Dubut de Laforest]] brosse le portrait d'un [[gigolo]] portant « des vêtements de jeune gommeux, des cols largement rabattus, des cravates de nuances tendres, un bracelet au poignet gauche et des bagues à tous les doigts — des bagues de femme ».<ref>Jean-Louis Dubut de Laforest, ''Le Dernier Gigolo'', Fayard, Paris, 1898, p. 7.</ref> [[Edmond de Goncourt]] évoque encore un autre personnage : « Couché sur un coin du divan, la tête en bas, les jambes croisées en l'air, il se faisait les ongles avec une lime minuscule. Le col droit, un mouchoir passé entre sa chemise et son gilet, tout chez le bambin, depuis la semelle immaculée de ses bottines jusqu'à la raie correcte du milieu de sa tête, sentait le rassis d'un vieux gandin, d'un vieux gommeux. »<ref>Edmond de Goncourt, ''La Faustin'', Charpentier, Paris, 1882, p. 11.</ref> == Contexte historique et social == À chaque époque de l'histoire française, raconte [[Bertall]],<ref>Bertall, ''La Comédie de notre temps'', vol. 1, Plon, Paris, 1874, p. 111-112.</ref> un nom plus ou moins fantaisiste a servi à désigner ceux que l'élégance, la prétention ou le succès mettaient particulièrement en évidence. Bertall cite à l'appui les ''mignons'' sous [[Henri II de France|Henri II]] et [[Henri III de France|Henri III]], les ''beaux fils'' au temps de la [[Fronde (histoire)|Fronde]], les ''menins'' sous [[Louis XIV de France|Louis XIV]], les ''roués'' de la [[Régence]], les ''merveilleux'' sous [[Louis XV de France|Louis XV]] et les ''incroyables'' du [[Directoire]], suivis des ''fashionables'' et des ''[[dandy]]s'' sous la [[Restauration française|Restauration]], puis des ''lions'' et des ''gants jaunes'' sous [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]]. Apparaissent ensuite les « petites dames » qu'on appelle les ''biches''. Ceux qui les poursuivent sont appelés les ''daims'', puis les ''gandins''. Lorsque les ''biches'' se font ''cocottes'', les « petits messieurs » deviennent les ''cocodès'', puis les ''petits crevés''. Les ''cocottes'' deviennent à leur tour les ''crevettes''. Quand surgit enfin le gommeux, le ''[[Dictionnaire de la langue française (Littré)|Littré]]'' le qualifie de « dernier nom du jeune homme à la mode, de celui qu'on a appelé muscadin, mirliflor, dandy, lion, gandin, petit crevé, etc. ».<ref>Émile Littré, ''op. cit.''</ref> [[Image:Bertall - Le gommeux.jpg|thumb|right|Le gommeux vu par [[Bertall]].]] Dans le portrait satirique qu'il en fait dans son ''Trombinoscope'', Touchatout présente le personnage d'Angénor Gommeux comme un « navrant échantillon des produits de l'ère impériale française », né à Paris en 1845. « Qu'avait-il vu autour de lui, en grandissant ? le relâchement absolu des mœurs, la course aux écus pieds dans la boue, cœur dans la fange ; et, par-dessus tout, la plus déplorable indifférence politique. » Lorsqu'éclate la [[Guerre franco-allemande de 1870|guerre de 1870]], Angénor crie « À Berlin ! » comme ses camarades, mais s'en retourne le soir même aux [[Théâtre des Bouffes-Parisiens|Bouffes]] « où les débuts intéressants d'une cabotine en vedette contrebalançaient dans son débile cerveau l'importance d'une guerre où la France jouait son existence ». Pendant le [[Siège de Paris (1870)|siège de Paris]], il se réfugie avec sa famille en province, où il passe son temps à faire des mots spirituels sur la viande de cheval qu'on lui sert alors à manger. Une fois revenu à ses plaisirs futiles et à ses affaires louches, « Angénor est aujourd'hui dans tout l'épanouissement de sa laideur morale. Cœur éteint, tête vide, il n'a plus ni flamme, ni esprit, ni foi, ni honneur, ni conscience. Rien de ce qui est beau et noble ne l'émeut, rien de ce qui est injuste ne le révolte. »<ref>Léon Bienvenu, ''op. cit.''</ref> == La gomme et les gommeuses == Le personnage du gommeux se fait à ce point remarquer que l'on ressent le besoin d'un mot pour désigner le milieu où il évolue. « Les jeunes gens élégants font partie de la ''gomme'', écrit Bertall, les gens ''très-chics'' sont de la ''haute gomme''. »<ref>Bertall, ''op. cit.'', p. 112.</ref> Dans ses ''Excentricités du langage'', [[Lorédan Larchey]] cite cette phrase d'un écrivain : « Anna est très-connue dans toute la haute et la demi-gomme. »<ref>Lorédan Larchey, ''Dictionnaire historique d'argot'', 9{{e}} édition des ''Excentricités du langage'', Dentu, Paris, 1881, p. 196.</ref> [[Image:Armand Ben à l'Alcazar d'hiver 1873.jpg|thumb|left|Armand Ben à l'Alcazar en 1873.]] En 1873, une deuxième incarnation du gommeux voit le jour lorsqu'un chansonnier noir du nom d'Armand Ben monte sur la scène du [[cabaret]] parisien l'Alcazar. Habillé en gommeux, il se taille un joli succès avec une chanson aux paroles ridicules intitulée ''Je cherche Lodoïska''. Le chansonnier [[Paulus (chanteur)|Paulus]] raconte dans ses mémoires que cette scie fut reprise ensuite par le chanteur Libert, « le vrai créateur du genre ''gommeux'', genre très démodé aujourd'hui, mais qui eut une grande vogue avec des interprètes de talent, masculins et féminins »<ref>.Paulus, ''Trente ans de café-concert, souvenirs recueillis par Octave Pradels'', Société d'édition et de publcation, Paris, 1908, chap. XV.</ref> Ces dernières, appelées ''gommeuses'',<ref>Le ''[[Dictionnaire de l'Académie française]]'' définit la gommeuse comme une « chanteuse de café-concert au répertoire parfois grivois ». 9{{e}} édition, 1992-.</ref> ont connu vers la fin du siècle une certaine vogue dans les [[Café-concert|cafés-soncerts]] et ont été célébrées à leur tour par des chansonniers tels que [[Gaston Couté]] et [[Georgette Plana]]. == Spéculations étymologiques == L'origine du mot ''gommeux'' a suscité autant de conjectures qu'il y a de sens du mot ''[[gomme]]''. En 1877, un lecteur de ''[[L'Intermédiaire des chercheurs et curieux]]'' affirme que le terme a été emprunté au vocabulaire des jardiniers. La gomme, dit-il, est une maladie des arbres fruitiers. Comme eux, les gommeux deviennent stériles et meurent prématurément. Un autre lecteur écrit : « Considérez l'aspect empésé d'un gommeux, qui semble un bonhomme de bois, habillé de carton, et vous connaîtrez l'origine de ce désagréable, mais très juste qualificatif. »<ref>''L'Intermédiaire des chercheurs et curieux'', 10 mars 1877, col. 154. Ces deux hypothèses sont citées par Littré, ''op. cit.''</ref> Certains auteurs ont avancé d'autres explications. Bertall rapporte qu'on avait l'habitude de « passer à la gomme » le nom des joueurs indélicats dans les clubs parisiens. Ceux dont le nom n'avaient pas été gommé devenaient ainsi des gommeux. Bertall hasarde aussi une autre hypothèse selon laquelle un homme qui perdait sa fortune ou sa position était ''dégommé''. Le gommeux était donc celui qui restait bien en vue et se faisait envier pour sa toilette et son chic.<ref>Bertall, ''op. cit.'', p. 114-115.</ref> Edmond de Goncourt croit savoir qu'il s'agit à l'origine d'un terme de mépris, dont les femmes, dans les cabarets autour de Paris, affublaient ceux qui mettaient de la gomme dans leur [[Spiritueux aux plantes d'absinthe|absinthe]] et n'étaient donc pas de vrais hommes.<ref>''Journal des Goncourt'', 16 mars 1875, vol. V, 1872-1877, Charpentier, Paris, 1891, p. 194.</ref> Les lexicographes sont eux-mêmes partagés. Selon les uns, les gommeux étaient appelés ainsi parce qu'ils n'avaient d'autre occupation que de se gommer, de se pommader, de se parfumer ; selon les autres, parce qu'ils portaient des vêtements passés à la gomme, c'est-à-dire empesés, apprêtés.<ref>Étymologies données respectivement par [[Arsène Darmesteter]] dans ''De la Création actuelle de mots nouveaux dans la langue française'' (1877) et [[Walther von Wartburg]] dans le ''Französisches Etymologisches Wörterbuch'' (1928-). Citées par le ''Le Trésor de la langue française informatisé''.</ref> Le terme subsiste dans la langue familière comme un synonyme de ''prétentieux''.<ref>''Trésor de la langue française informatisé''.</ref> == Notes et références == <references /> {{Portail|France au XIXe siècle|mode}} [[Catégorie:Dandy]] [[Catégorie:Stéréotype]] [[Catégorie:Courant de mode]]