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    <title>Ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns</title>
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      <contributor>
        <username>Antonov14</username>
        <id>59074</id>
      </contributor>
      <minor />
      <text xml:space="preserve">[[Image:Localisation ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns.svg|thumb|right|upright=1.25|Localisation et tracé de la ligne.]]
La '''[[ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns]]''' est une [[voie ferrée d'intérêt local]] à [[Écartement des rails|écartement standard]] sise en Seine-Inférieure (aujourd'hui [[Seine-Maritime]]) qui relia, de [[1900 dans les chemins de fer|1900]] à [[1953 dans les chemins de fer|1953]], la petite ville de [[Saint-Saëns (Seine-Maritime)|Saint-Saëns]] à la [[gare de Montérolier-Buchy]], située sur la [[ligne Amiens - Rouen]] exploitée, pour le compte du département, par la [[Compagnie des chemins de fer du Nord]].

Cette courte antenne d'une longueur de 10 kilomètres fut la voie d'intérêt local la plus rentable du département grâce à ses {{formatnum:40000}} voyageurs annuels et à un important trafic marchandises lié à l'exploitation de la [[forêt d'Eawy]], et joua un rôle important durant les deux guerres mondiales. Ce fut le dernier chemin de fer départemental de Seine-Inférieure à être fermé au début des [[années 1950]] après avoir durablement marqué la mémoire des populations locales.

== Une longue gestation ==
=== De multiples projets ===
[[Image:Diligence de Saint-Saëns.jpg|right|thumb|Avant l'arrivée du chemin de fer, les habitants de Saint-Saëns devaient prendre la diligence pour se rendre jusqu'à la gare de Montérolier-Buchy.]]
La ville de Saint-Saëns, située à une trentaine de kilomètres à l'est de [[Rouen]], avait été tenue à l'écart de la [[Ligne Amiens - Rouen|transversale Amiens - Rouen]] mise en service le [[8 avril dans les chemins de fer|8 avril]] [[1867 dans les chemins de fer|1867]] par la Compagnie des chemins de fer du Nord&lt;ref&gt;André Dubuc, « La ligne de chemin de fer de Rouen à Amiens » in ''Les transports de 1610 à nos jours'', Actes du 104e congrès national des sociétés savantes (Bordeaux, 1979), Paris, Bibliothèque Nationale, 1980, p. 287.&lt;/ref&gt;. Dix kilomètres séparaient Saint-Saëns de la station la plus proche, [[Montérolier]]-[[Buchy (Seine-Maritime)|Buchy]], et seules, quelques rares voitures publiques permettaient aux habitants de la commune d'accéder au [[chemin de fer]]&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 39&lt;/ref&gt;. L'absence de voie ferrée nuisait à l'activité économique de la cité ; les [[Filature textile|filatures]] de [[coton]] et les ateliers de traitement des [[cuir]]s ([[tannerie]]s et corroieries) rencontraient des difficultés d'approvisionnement et d'écoulement de leurs productions&lt;ref&gt;José Banaudo, ''Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures'', p. 158.&lt;/ref&gt;.

Le rail avait pourtant été évoqué à Saint-Saëns depuis [[1853 dans les chemins de fer|1853]] lorsque le [[Charles Lemercier de Longpré, baron d'Haussez|baron d'Haussez]] donna lecture au [[conseil municipal]] d'une ligne projetée entre Rouen et [[Saint-Quentin]] passant par la commune. En [[1857 dans les chemins de fer|1857]], une autre proposition, enterrée aussi rapidement que la première, envisageait la construction d'un itinéraire [[Clères]] - [[Neufchâtel-en-Bray]] traversant le territoire de la ville&lt;ref name=&quot;bertin38&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 38&lt;/ref&gt;. Après [[1870 dans les chemins de fer|1870]], trois autres projets furent présentés sans qu'aucune suite ne leur soit donnée : un tronçon de [[Mathonville]] à [[Abbeville]] en [[1871 dans les chemins de fer|1871]], un chemin de fer de Saint-Saëns à [[Blangy-sur-Bresle]] en [[1878 dans les chemins de fer|1878]], une voie ferrée de [[Malaunay]] à Saint-Saëns par [[Fontaine-le-Bourg]] en [[1884 dans les chemins de fer|1884]]. Ces diverses propositions du passage du train sur le territoire de la commune n'eurent jamais de suites&lt;ref name=&quot;bertin38&quot; /&gt;. Au début des [[années 1890]], le [[Conseil général (France)|conseil général]] prit conscience qu'il fallait doter d'un chemin de fer ce petit centre régional. Il fut alors décidé de se rallier à la solution la plus simple consistant à construire un embranchement entre la gare de Montérolier-Buchy et la ville délaissée.

=== Des études à l'enquête d'utilité publique ===
[[Image:Gare de Montérolier-Buchy 1.jpg|left|thumb|upright=1.1|La gare de Montérolier-Buchy sur la [[ligne Amiens - Rouen]]. À gauche, un train à destination de la gare de Rouen-Martainville, à droite celui en provenance Saint-Saëns.]]
Une étude fut demandée, en [[1894 dans les chemins de fer|1894]], au service vicinal que dirigeait M. Genevrière. Son rapport fut présenté et discuté lors de la session du conseil général qui se tint le [[28 août dans les chemins de fer|28 août]] [[1895 dans les chemins de fer|1895]], M. Genevrière y évoquait les buts et avantages de la voie ferrée à établir&lt;ref name=&quot;bertin38&quot; /&gt; :
{{Citation bloc|''La ligne projetée a pour objectif principal de relier la ville de Saint-Saëns, siège d'une importante industrie de la tannerie, avec la ligne de Rouen à Amiens et, par là, lui assurer une communication directe avec Paris, Rouen et Le Havre, ses marchés principaux, en améliorant ses moyens de transport et en les rendant plus économiques. Elle permettra à cette industrie, qui lutte difficilement contre la concurrence, de se maintenir et même de se développer. Elle desservira sur son parcours les communes de Saint-Martin-Osmonville, Bosc-Mesnil, Bradiancourt et Neufbosc. Indirectement, elle assurera également la desserte du canton de Bellencombre dont le chef-lieu ne se trouve qu'à 6 kilomètres de Saint-Saëns. Cet embranchement est aussi appelé à développer l'exploitation de la belle forêt domaniale d'Eawy et à élever la valeur de ses produits.''}}
Les édiles départementaux s'accordant sur la nécessité de la ligne, il restait à statuer sur l'écartement à adopter et sur son concessionnaire. La [[voie métrique]] fut écartée même si le coût d'établissement de la ligne et l'économie dans l'achat du matériel roulant jouaient en sa faveur. L'écartement standard de 1,435 m fut décidé en raison de la faible longueur de la ligne projetée (10 km) qui entraînait une faible augmentation des dépenses d'établissement, de l'absence de transbordement à la gare d'interconnexion avec le réseau d'intérêt général, d'un gabarit supérieur mieux adapté au transport des grumes en provenance de la [[forêt d'Eawy]]&lt;ref name=&quot;bertin38&quot; /&gt;. L'argument décisif était la quasi impossibilité de trouver un concessionnaire si la [[voie étroite]] était adoptée car la [[Compagnie des chemins de fer du Nord]] paraissait la seule candidate possible et il était exclu qu'elle accepta la construction d'une ligne à voie étroite. Des négociations s'engagèrent donc avec elle alors que l'[[enquête d'utilité publique]] était ouverte le [[17 février dans les chemins de fer|17 février]] [[1896 dans les chemins de fer|1896]] pour tenter de concilier des intérêts locaux parfois contradictoires&lt;ref name=&quot;bertin38&quot; /&gt;.

=== La construction de la ligne ===
[[Image:Gare de Saint-Saëns 1.jpg|thumb|right|upright=1.1|La gare de Saint-Saëns construite grâce aux subventions de la ville.]]
L'enquête terminée, le [[16 avril dans les chemins de fer|16 avril]] [[1896 dans les chemins de fer|1896]], le conseil général statua sur le tracé de la nouvelle ligne et choisit l'itinéraire le plus direct, écartant la variante par les communes de [[Montérolier]], [[Neufbosc]], [[Mathonville]] et [[Bradiancourt]]&lt;ref name=&quot;bertin40&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 40.&lt;/ref&gt;. Ce tracé, qui passait plus au nord pour satisfaire les autorités demanderesses, allongeait le parcours de 1,7 km, augmentait les dépenses de premier établissement et, surtout, rencontrait l'hostilité de la ''Compagnie des chemins de fer du Nord''. Cette société rassurée, le [[préfet]], M. Hendlé, put signer les [[4 août dans les chemins de fer|4]] et [[8 août dans les chemins de fer|8 août]] [[1896 dans les chemins de fer|1896]] une [[convention]] stipulant que la voie ferrée, établie aux frais du département, serait remise à la Compagnie qui en assurerait l'exploitation en fournissant le personnel et le matériel roulant nécessaires. Cette convention d'une durée de cinq ans était renouvelable par tacite reconduction si elle n'avait pas été dénoncée un an avant l'expiration de cette période&lt;ref&gt;''Encyclopédie générale des transports - Chemins de fer'', tome 12, 76.15.&lt;/ref&gt;.

La ville de Saint-Saëns, ravie de la prise en compte de ses intérêts, tenait à s'associer, dans la limite de ses possibilités financières, à cette œuvre de désenclavement. Elle s'engagea, le [[18 mai dans les chemins de fer|18 mai]] [[1897 dans les chemins de fer|1897]], à fournir une somme de {{formatnum:60000}} [[Franc français|francs]] comme participation aux frais de construction de l'embranchement&lt;ref name=&quot;bertin40&quot; /&gt;. En fait, cette subvention équivalait aux fonds nécessaires à l'édification de sa propre [[gare]]. Les travaux de la voie ferrée purent commencer une fois obtenue la [[déclaration d'utilité publique]], le [[15 avril dans les chemins de fer|15 avril]] [[1898 dans les chemins de fer|1898]]&lt;ref&gt;José Banaudo, ''Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures'', p. 200.&lt;/ref&gt;. La construction fut menée promptement même si deux accidents mortels endeuillèrent le chantier en décembre [[1899 dans les chemins de fer|1899]]&lt;ref name=&quot;bertin40&quot; /&gt;. La ligne fut mise en service dans les délais prévus et ouverte à l'exploitation le [[14 octobre dans les chemins de fer|14 octobre]] [[1900 dans les chemins de fer|1900]]&lt;ref name=&quot;encyclopédie&quot;&gt;''Encyclopédie générale des transports - Chemins de fer'', tome 12, 76.2.&lt;/ref&gt;.

== Une ligne rentable et bien gérée ==
=== Les premières années d'exploitation ===
[[Image:Ligne de Saint-Saëns - Gare de Saint-Martin-Osmonville.jpg|thumb|left|upright=1.1|Arrivée d'un train en gare de Saint-Martin-Osmonville.]]
La voie ferrée que l'on venait d'inaugurer avait une longueur de 10,2 km ; à voie normale, elle était entièrement établie en site propre&lt;ref name=&quot;bertin41&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 41.&lt;/ref&gt;. À l'exception de son statut juridique, rien ne la distinguait d'un itinéraire secondaire du réseau d'intérêt général.

La ligne prenait naissance en gare de Montérolier-Buchy, courait sur quelques centaines de mètres le long de la transversale Amiens - Rouen, franchissant avec elle un passage supérieur. Après ce dernier, la voie s'engageait vers le nord, descendant du plateau du [[Pays de Bray]] par une rampe continue n'excédant pas 20 ‰ et comportant des courbes de 200 m de rayon&lt;ref&gt;Profil de la ligne d'après le ''Carnet de marches-types Nord'' in José Banaudo, ''Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures'', p. 195.&lt;/ref&gt;. À un peu plus de la moitié du parcours, elle atteignait la seule gare du parcours, Saint-Martin-Osmonville, et à partir de ce lieu, suivait le cours de la [[Varenne (rivière de Seine-Maritime)|Varenne]] le long de ses rives boisées avant de parvenir à Saint-Saëns. La ligne comportait également trois arrêts facultatifs : la Briqueterie, Osmonville, le Pont-du-Thil&lt;ref name=&quot;domengie103&quot;&gt;Henri Domengie, ''Les petits trains de jadis - Ouest de la France'', p. 103.&lt;/ref&gt;. Au début de l'exploitation, l'antenne de Saint-Saëns voyait circuler quatre trains mixtes quotidiens (des [[wagon]]s étant attelés en fonction du trafic à une ou deux [[voiture de chemin de fer|voitures]]) dans chaque sens (deux le matin, un en début d'après-midi, un le soir) auxquels s'ajoutaient un aller et retour (mixte également) le jeudi et des convois de marchandises&lt;ref&gt;''Indicateur Chaix'', 1913.&lt;/ref&gt;. Les trains accomplissaient le trajet en 20 minutes à la descente, en 25 minutes à la montée. Malgré le profil difficile de la ligne, les retards étaient rares tout comme les correspondances non assurées en gare de Montérolier-Buchy. Les habitants de la région desservie ainsi que M. [[Richard Waddington]], responsable des voies ferrées d'intérêt local au conseil général, ne tarissaient pas d'éloges sur la Compagnie du Nord&lt;ref&gt;« ''Elle'' (la Compagnie du Nord) ''apporte au département un concours des plus précieux, elle s'intéresse à l'exploitation de la ligne au même titre que si elle faisait partie de son réseau.'' » Richard Waddington ''in'' Hervé Bertin, p. 41.&lt;/ref&gt; et le grand sérieux de son exploitation&lt;ref name=&quot;bertin41&quot; /&gt;.

Les débuts de celle-ci confirmaient cette satisfaction, la ligne enregistra de bons résultats financiers avec un coefficient d'exploitation&lt;ref&gt;Le coefficient d'exploitation d'une voie ferrée est normalement calculé en divisant les dépenses par les recettes. Comme dans beaucoup d'articles sur le [[chemin de fer]], il a été fait ici l'inverse ; ainsi un résultat positif apparaît supérieur à 1, ce qui est nettement plus clair pour le lecteur.&lt;/ref&gt; de 1,19 pour les cinq premières années de service&lt;ref name=&quot;bertin41&quot; /&gt;. Le trafic des voyageurs dépassait de loin les espérances les plus optimistes : alors que les études escomptaient, dans l'avant-projet détaillé, {{formatnum:16000}} passagers annuels, les trains en véhiculaient {{formatnum:40000}}&lt;ref name=&quot;bertin41&quot; /&gt;. En revanche, bien que correct les premières années, le trafic marchandises décevait quelque peu les responsables. On espérait {{formatnum:15000}} tonnes par an, on arriva tout juste à {{formatnum:10500}} tonnes les deux premières années d'exploitation&lt;ref name=&quot;bertin41&quot; /&gt;. Une analyse rapide de la situation montra que les tarifs pratiqués étaient trop élevés. La clientèle agricole, surtout, n'avait pas été séduite par le chemin de fer et préférait expédier ses marchandises directement par [[chariot|charroi]] à Montérolier-Buchy&lt;ref&gt;Jean-Claude Marquis, ''Petite histoire illustrée des transports en Seine-Inférieure'', p. 78.&lt;/ref&gt;. Des tarifs spéciaux furent progressivement mis en place en [[1902 dans les chemins de fer|1902]] et [[1903 dans les chemins de fer|1903]] pour les produits susceptibles d'être récupérés par la voie ferrée, les résultats furent probants car le trafic s'accrut de 30 % durant ces deux années&lt;ref name=&quot;bertin41&quot; /&gt;.

=== La ligne jusqu'en 1914 ===
[[Image:Ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns - Horaires 1900.jpg|thumb|left|upright=1.1|Les horaires de la ligne en 1900.]]
Dans les années précédant la [[Première Guerre mondiale]], la ligne apparaissait comme la plus rentable des voies ferrées d'intérêt local du département de Seine-Inférieure avec un coefficient d'exploitation dépassant 1,15 entre [[1905 dans les chemins de fer|1905]] et [[1913 dans les chemins de fer|1913]]&lt;ref name=&quot;bertin77&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 77.&lt;/ref&gt;. Même si une légère baisse fut enregistrée en [[1912 dans les chemins de fer|1912]] et [[1913 dans les chemins de fer|1913]] en raison du fléchissement du trafic des [[traverse]]s destinées aux grands réseaux, l'importance des voyageurs et des tonnages transportés obligea la Compagnie du Nord à procéder, en [[1909 dans les chemins de fer|1909]] et en [[1910 dans les chemins de fer|1910]], à des aménagements en gare de Saint-Saëns. Des travaux furent entrepris pour agrandir la partie réservée aux [[marchandise]]s avec l'ajout d'un nouveau pont-bascule et la mise en place de voies de service supplémentaires tandis que les voyageurs bénéficiaient de [[quai]]s et de trottoirs pavés&lt;ref name=&quot;bertin77&quot; /&gt;.

Cette rentabilité avait incité les communes du canton de [[Bellencombre]] et de la vallée de la [[Varenne (rivière de Seine-Maritime)|Varenne]] a demandé dès [[1903 dans les chemins de fer|1903]] le prolongement de la ligne jusqu'à [[Dieppe (Seine-Maritime)|Dieppe]]. Une étude très approfondie avait été menée par le service vicinal et présentée le [[26 août dans les chemins de fer|26 août]] devant le conseil général&lt;ref name=&quot;bertin42&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 42.&lt;/ref&gt;. Ce projet, à voie normale, prenait son origine en gare de Saint-Saëns et, établi en site propre, desservait les principales localités de la vallée : [[Bellencombre]], [[Saint-Hellier]], [[Muchedent]], [[Torcy-le-Grand (Seine-Maritime)|Torcy-le-Grand]], [[Torcy-le-Petit (Seine-Maritime)|Torcy-le-Petit]], [[Martigny (Seine-Maritime)|Martigny]], avant de rejoindre la [[Ligne Pontoise - Dieppe|ligne Paris-Dieppe]], gérée par la [[Compagnie des chemins de fer de l'Ouest]], à [[Arques-la-Bataille]]&lt;ref name=&quot;bertin42&quot; /&gt;. Long de 27,6 km, ce tronçon apparaissait comme le prolongement naturel de la ligne existante et se présentait, d'après l'étude, comme rentable mais il ne fut pas retenu dans un premier temps comme prioritaire, les autorités départementales ayant d'autres cantons dépourvus à satisfaire&lt;ref&gt;Philippe Manneville, ''Les chemins de fer d'intérêt local à la fin du {{XIXe siècle}} et au début du {{XXe siècle}} : l'exemple d'un département, la Seine-Inférieure'', p. 275.&lt;/ref&gt;. Ce projet revint à l'ordre du jour lorsque le conseil général décida de lancer une grande étude pour l'établissement d'un réseau départemental. Les différentes propositions qui furent soumises aux élus, en [[1910 dans les chemins de fer|1910]], [[1911 dans les chemins de fer|1911]] et [[1914 dans les chemins de fer|1914]], classaient toujours la ligne Saint-Saëns - Arques-la-Bataille dans les itinéraires prioritaires&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 69.&lt;/ref&gt;. La séance du [[19 mars dans les chemins de fer|19 mars]] [[1914 dans les chemins de fer|1914]], qui décidait enfin la construction d'un ensemble de voies ferrées d'intérêt local, laissait augurer une mise en service dans les trois à quatre années à venir mais la [[Première Guerre mondiale]] repoussait à nouveau ce projet&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 71.&lt;/ref&gt;.

== L'exploitation de 1914 à la fermeture ==
=== La Première Guerre mondiale et les années 1920 ===
[[Image:Gare de Saint-Saëns - Soldats britanniques en 1916.jpg|thumb|left|Des soldats britanniques sur un wagon chargé de grumes en gare de Saint-Saëns.]]
Comme sur les autres voies ferrées d'intérêt local du département, le service d'exploitation de la ligne fut placé, le [[2 août dans les chemins de fer|2 août]] [[1914 dans les chemins de fer|1914]], la veille de la déclaration du guerre, directement sous le contrôle de l'autorité militaire, puis le trafic s'interrompit presque complètement durant les deux premiers mois du conflit&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 82.&lt;/ref&gt;. L'itinéraire vit seulement circuler de rares trains de [[bois]] auxquels on attelait une [[voiture de chemin de fer|voiture]] et parfois un [[Fourgon ferroviaire|fourgon]]. À partir du mois d'octobre, l'exploitation reprit partiellement et la ligne vit circuler de un à trois trains de voyageurs par jour (en fonction des disponibilités en matériel et en personnel) durant toute la durée du conflit et, irrégulièrement, des convois de marchandises&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 83.&lt;/ref&gt;. L'année [[1916 dans les chemins de fer|1916]] coïncida avec l'installation à Saint-Saëns d'une base de l'armée britannique qui entreprit d'exploiter la [[forêt d'Eawy]] pour ravitailler en bois les zones de combat. La ligne supporta, à partir de cette date, un très important trafic de [[grume]]s, ce qui mobilisa de nombreux matériels et améliora de manière spectaculaire les recettes&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 85.&lt;/ref&gt;. Ainsi le coefficient d'exploitation passa de 0,63 en [[1915 dans les chemins de fer|1915]] à 1,08 en [[1916 dans les chemins de fer|1916]] et à 5,14 en [[1917 dans les chemins de fer|1917]]&lt;ref name=&quot;bertin86&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 86.&lt;/ref&gt;. À la fin du conflit, l'antenne bénéficia des puissants moyens de la Compagnie du Nord qui mena rapidement les travaux de réparation nécessaires et l'exploitation put reprendre dans des conditions normales dès [[1919 dans les chemins de fer|1919]]&lt;ref name=&quot;bertin86&quot; /&gt;.
[[Image:Ouvriers à l'usine de fabrication et de créosotage de traverses de Montérolier-Buchy.jpg|thumb|right|Ouvriers de l'usine de fabrication et de créosotage de traverses de Montérolier-Buchy au début des années 1930.]]
Durant les [[années 1920]], la ligne de Saint-Saëns fut la seule voie ferrée d'intérêt local de Seine-Inférieure à vivre sans avoir recours aux subsides départementaux. Les transports militaires avaient certes disparu, mais la ligne était parcourue par de nombreux trains de bois. Ce trafic fut stimulé par la création à Montérolier-Buchy d'une usine spécialisée dans la fabrication et le [[créosote|créosotage]] des traverses&lt;ref name=&quot;bertin87&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 87.&lt;/ref&gt;. Le trafic des voyageurs se maintenait au même niveau qu'avant-guerre, pourtant il était assuré seulement par trois trains mixtes contre quatre convois avant [[1914 dans les chemins de fer|1914]]&lt;ref&gt;José Banaudo, ''Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures'', p. 159.&lt;/ref&gt;. Les différents relèvements de tarifs aboutissaient à un relatif équilibre de la situation financière du chemin de fer, le coeffficient d'exploitation était tout à fait convenable (1,10 en [[1920 dans les chemins de fer|1920]], 1,01 en [[1921 dans les chemins de fer|1921]])&lt;ref name=&quot;bertin87&quot; /&gt;. La dégradation enregistrée durant les trois années suivantes (0,91 en [[1922 dans les chemins de fer|1922]], 0,82 en [[1923 dans les chemins de fer|1923]], 0,91 en [[1924 dans les chemins de fer|1924]]) n'était pas due à un fléchissement du trafic mais à de coûteuses opérations d'entretien et de modernisation : renouvellement des traverses, réfection des peintures et des toitures des bâtiments, mise en place de l'éclairage électrique à la gare de Saint-Saëns, achat d'un treuil roulant supplémentaire pour le chargement des grumes&lt;ref name=&quot;bertin87&quot; /&gt;. D'ailleurs lors de la séance du conseil général du [[27 avril dans les chemins de fer|27 avril]] [[1923 dans les chemins de fer|1923]], il fut de nouveau question du prolongement jusqu'à Arques-la-Bataille. Le projet fut pris très au sérieux et le dossier confié aux services préfectoraux pour une étude plus approfondie avec l'espoir d'une mise en service avant la fin de la décennie&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 88.&lt;/ref&gt;. Alors que les autres lignes d'intérêt local du département étaient confrontées à de graves difficultés financières, l'itinéraire voyait le trafic passagers se maintenir à un niveau élevé et même progresser le transport des marchandises ; entre [[1925 dans les chemins de fer|1925]] et [[1930 dans les chemins de fer|1930]], le coefficient d'exploitation dépassa systématiquement 1,15 (dont 1,25 en [[1926 dans les chemins de fer|1926]])&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 103.&lt;/ref&gt;.

=== Les difficultés des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale ===
[[Image:Ligne de Saint-Saëns - Gare de Saint-Martin-Osmonville 1.jpg|thumb|left|upright=1.1|La gare de Saint-Martin-Osmonville ne vit plus passer de trains de voyageurs à partir de la fin du mois d'octobre 1934.]]
La [[Grande Dépression|crise]] qui allait frapper la [[France]] mit un terme à la bonne santé financière de la ligne. Dès [[1931 dans les chemins de fer|1931]], le trafic chuta dans des proportions très importantes (de 60 %), surtout dans le domaine des marchandises, en raison de la diminution du transport du bois de la forêt d'Eawy. L'administration forestière n'avait vendu que la moitié des coupes habituelles, les grands réseaux ayant très fortement réduit leurs commandes. Une nouvelle dégradation fut enregistrée en [[1932 dans les chemins de fer|1932]], la voie ferrée perdit encore {{formatnum:6000}} voyageurs et {{formatnum:6000}} tonnes de marchandises, le coefficient d'exploitation s'abaissa à 0,60&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 104.&lt;/ref&gt;. Le déficit continuait de se creuser, en [[1934 dans les chemins de fer|1934]] le conseil général envisagea la fermeture de l'ensemble des voies ferrées d'intérêt local du département dont la ligne de Saint-Saëns. Finalement, cet expédient ne fut pas mis en œuvre mais l'assemblée s'attaqua pour la première fois à l'antenne gérée par la ''Compagnie du Nord'' décidant brutalement, le [[29 octobre dans les chemins de fer|29 octobre]] [[1934 dans les chemins de fer|1934]]&lt;ref name=&quot;banaudo200&quot;&gt;José Banaudo, ''Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures'', p. 200.&lt;/ref&gt;, la fermeture de la ligne au service des voyageurs et la mise en place d'une rotation par un [[autobus]] de la ''Société des Transports Auxiliaires de la région Nord'' (S.T.A.R.N.)&lt;ref name=&quot;domengie103&quot; /&gt;. Les trains de marchandises furent maintenus mais, malgré un redressement du trafic à partir de [[1938 dans les chemins de fer|1938]], première année d'exploitation dans le cadre de la [[Société nationale des chemins de fer français]], le coefficient d'exploitation resta bas (0,55) jusqu'à la [[Seconde Guerre mondiale]]&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 111.&lt;/ref&gt;.

Comme lors de la Grande Guerre, le trafic fut suspendu durant les premiers mois de conflit ; seuls des convois de marchandises irréguliers assuraient la desserte réduite des riverains et l'approvisionnement en bois de l'armée durant la [[drôle de guerre]]&lt;ref name=&quot;bertin112&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 112.&lt;/ref&gt;. À partir de l'[[Armistice du 22 juin 1940]], l'antenne de Saint-Saëns fut placée sous l'autorité de l'[[Wehrmacht|armée allemande]] qui contribua, en exploitant intensivement la forêt d'Eawy, à une forte augmentation du trafic. Le trafic quadrupla entre [[1938 dans les chemins de fer|1938]] et [[1943 dans les chemins de der|1943]] ; paradoxalement, en pleine période de guerre, le coefficient d'exploitation remonta de 0,55 à 0,90&lt;ref name=&quot;bertin112&quot; /&gt;. Mais cette amélioration ne devait faire oublier le manque d'entretien du matériel, l'usure des voies liée au non-respect des tonnages à l'[[essieu]] et les destructions provoquées par les [[bombardement]]s. Les principales destructions eurent lieu à l'extrémité de la ligne en raison des nombreuses attaques aériennes dont fut victime la gare de Montérolier-Buchy ; le [[27 avril dans les chemins de fer|27 avril]] [[1944 dans les chemins de fer|1944]], une [[Bombe (militaire)|bombe]] coupa ainsi la ligne peu avant cette station et le trafic fut suspendu jusqu'à la fin du mois de juillet [[1945 dans les chemins de fer|1945]]&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 113.&lt;/ref&gt;.

=== La fermeture de la ligne ===
[[Image:Ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns - Dans les années 1930.jpg|thumb|right|upright=0.9|Un long train de marchandises s'apprête à quitter la gare de Saint-Saëns pour monter à Montérolier-Buchy, au milieu des années trente.]]
À la [[Libération (histoire)|Libération]], d'importantes réparations furent menées par les services de la SNCF pour remettre la voie ferrée en état. À partir de juillet [[1945 dans les chemins de fer|1945]], la ligne vit à nouveau circuler des trains de marchandises à raison de cinq par semaine, mais le [[déficit]] devenait de plus en plus lourd : {{formatnum:966000}} francs en [[1946 dans les chemins de fer|1946]], {{formatnum:1088000}} francs en [[1947 dans les chemins de fer|1947]], {{formatnum:1527000}} francs en [[1948 dans les chemins de fer|1948]], les industriels préférant utiliser des [[camion]]s pour rallier l'itinéraire Amiens - Rouen&lt;ref name=&quot;bertin118&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 118.&lt;/ref&gt;. Le [[25 janvier dans les chemins de fer|25 janvier]] [[1949 dans les chemins de fer|1949]], le conseil général décida de limiter le trafic à trois allers et retours hebdomadaires, mesure qui entra en application le [[4 avril dans les chemins de fer|4 avril]] suivant. Des travaux de modernisation de grande ampleur (renouvellement des traverses, des appareils de voie en gare de Saint-Saëns) eurent lieu en [[1949 dans les chemins de fer|1949]]-[[1950 dans les chemins de fer|1950]], le déficit d'exploitation baissa dans de sensibles proportions mais la suppression de la ligne était envisagée à plus ou moins long terme&lt;ref name=&quot;bertin118&quot; /&gt;.

Une bataille s'engagea alors pour la survie de la ligne et, contrairement aux événements qui s'étaient déroulés dans les mêmes circonstances pour d'autres voies ferrées d'intérêt local, la défense de l'antenne de Saint-Saëns fut active. Son principal avocat, M. Paumelle, conseiller général du canton concerné, ne cessait de stigmatiser ses collègues, de vilipender la SNCF accusée d'incohérence et de mauvaise gestion. Ainsi s'exprimait-il, le [[4 décembre]] [[1951 dans les chemins de fer|1951]] devant l'assemblée départementale&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 118-119.&lt;/ref&gt; :
{{Citation bloc|''On m'a déjà qualifié de chef de gare et mes paroles ont suscité quelques critiques de la part de l'assemblée. Mais vous voudrez bien me permettre de vous dire que si la ligne de Saint-Saëns à Buchy est en déficit, il serait bon que l'on connaisse aussi les recettes qu'elle produit (…). Il y a des quantités de marchandises de toutes sortes qui partent de Saint-Saëns et qui rapportent à la SNCF car les industries de Saint-Saëns et de la région expédient des grumes dans tous les coins de France et cela rapporte à la SNCF. Je considère que la ligne de Saint-Saëns permet d'atténuer le déficit de la SNCF. Le département n'encaisse les recettes que pour 10 kilomètres de ligne, mais sur le reste du trajet qui représente parfois des centaines de kilomètres, c'est la SNCF qui en profite. La ligne est intéressante au point de vue national, elle a un bon rendement''}}
Les efforts déployés furent vains, la décision de transférer sur route le trafic marchandises fut adoptée à la fin de l'année [[1952 dans les chemins de fer|1952]]. Le [[1er janvier dans les chemins de fer|1er janvier]] [[1953 dans les chemins de fer|1953]]&lt;ref name=&quot;encyclopédie&quot; /&gt;, la ligne Saint-Saëns - Montérolier-Buchy fermait et, avec elle, disparaissait la dernière voie ferrée d'intérêt local de Seine-Inférieure. Elle fut déclassée par décret du [[12 novembre dans les chemins de fer|12 novembre]] [[1954 dans les chemins de fer|1954]] et sa voie déposée quelques années plus tard&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 119.&lt;/ref&gt;.

== La ligne dans la culture populaire ==
Les populations riveraines de la ligne se montrèrent très attachées à leur train auquel elles avaient donné le surnom de « coucou » car la ''Compagnie du Nord'' engagea systématiquement sur l'itinéraire de vieilles machines qui peinaient dans les rampes de 20 ‰&lt;ref name=&quot;bertin154&quot;&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 154.&lt;/ref&gt;.
[[Image:Ligne de Saint-Saëns - Pont-du-Thil.jpg|left|thumb|Un convoi à l'arrêt du Pont-du-Thil.]]
La mise en service de la ligne fut une première occasion pour les habitants de manifester leur intérêt pour la voie ferrée. Le convoi inaugural, qui empruntait le nouveau chemin de fer, le 14 octobre [[1900 dans les chemins de fer|1900]], fut accueilli avec enthousiasme par les populations massées le long du parcours et en gare de Saint-Saëns. Le ''Journal de Rouen'' relatait, dans son édition du lendemain, « .''..la joie qui illuminait tous les visages...les acclamations qui retentissaient de toutes parts à l'arrivée du train officiel'' ». Les discours, l'hymne national joué par les fanfares municipales, l'organisation d'un grand banquet et d'un [[feu d'artifice]] à Saint-Saëns qui rythmèrent la journée illustraient la satisfaction de voir arriver le nouveau mode de locomotion désenclavant la haute vallée de la Varenne&lt;ref&gt;''Journal de Rouen'', édition du 15 octobre 1900, cité sur [http://pagesperso-orange.fr/ridel/chfer/soif_rail.html ce site] et ''in'' Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 166-169.&lt;/ref&gt;. En [[1901 dans les chemins de fer|1901]], l'établissement d'un arrêt au Pont-du-Thil, [[hameau]] proche de Saint-Saëns, témoigna également de l'intérêt des populations pour le chemin de fer. Les habitants, qui avaient vu avec satisfaction la construction de la ligne, regrettaient l'absence d'un arrêt sur leur territoire. Après de multiples démarches, un agriculteur influent, M. Guise, avait réussi à arracher l'approbation de la ''Compagnie du Nord'' pour l'établissement de cet arrêt (un simple terre-plein agrémenté d'un panneau). Très dubitative sur sa rentabilité économique, la société le considérait comme une « fumisterie » et prévoyait sa suppression rapide. Le jour de la mise en service, plus d'une trentaine de personnes se trouvaient sur le [[Quai de gare|quai]] (en fait toute la population du Pont-du-Thil) pour prouver qu'il ne s'agissait pas d'une halte fantôme ; les cheminots furent chaleureusement salués par les voyageurs occasionnels, un généreux pourboire leur fut remis et l'arrêt fut maintenu jusqu'à la fermeture de la ligne, même s'il ne retrouva pas l'affluence du premier jour&lt;ref name=&quot;bertin41&quot; /&gt;.

L'exploitation sérieuse de la ligne, la ponctualité des trains (peu fréquente sur les voies ferrées d'intérêt local), la rareté des accidents liée à une construction en site propre avaient conduit la population à apprécier tout particulièrement leur chemin de fer. La surprise fut grande à Saint-Saëns quand, en octobre [[1934 dans les chemins de fer|1934]], l'itinéraire fut fermé aux voyageurs. Pendant longtemps les habitants de la commune pensèrent qu'il s'agissait d'une erreur de l'administration qui avait confondu leur ligne avec un quelconque ''tortillard'' à voie métrique&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 110.&lt;/ref&gt;. La fermeture définitive de l'antenne à tout trafic en [[1953 dans les chemins de fer|1953]] fut tout aussi douloureusement ressentie et les habitants n'hésitèrent pas à composer une chanson en l'honneur de leur défunt coucou, intitulée « '''Le dernier voyage''' »&lt;ref&gt;Citée dans Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 181.&lt;/ref&gt;.
[[Image:Gare de Montérolier-Buchy 2.jpg|right|thumb|Le « coucou » de Saint-Saëns (à droite) en gare de Montérolier-Buchy.]]
[[Image:Ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns, la gare de Saint-Saëns.jpg|right|thumb|À l'autre extrémité de la ligne, la gare de Saint-Saëns.]]
{| width=&quot;70%&quot;
|----- valign=&quot;top&quot;
|''1{{er}} couplet''
À la grande gare de Saint-Saëns,&lt;br /&gt;
Quel triste événement ;&lt;br /&gt;
Car le « rapide » de Buchy va être supprimé.&lt;br /&gt;
C'est aujourd'hui l' dernier jour&lt;br /&gt;
Qu'il va faire son p'tit tour,&lt;br /&gt;
On l'a repeint en noir et bleu&lt;br /&gt;
Pour son voyage d'adieu,&lt;br /&gt;
Aussi tout l'monde est v'nu&lt;br /&gt;
Pour le train qu'est foutu.

''Refrain''

M'sieur Hartout, les adjoints,&lt;br /&gt;
M' Delaunay, M'sieur l' doyen,&lt;br /&gt;
Sur le quai de l' gare au bout du quai&lt;br /&gt;
L' père Lemasle, M'dame Hardier,&lt;br /&gt;
Sabonne et son ratier&lt;br /&gt;
Sur le quai de l' gare au bout du quai&lt;br /&gt;
Monsieur Pruvost et ses bambins&lt;br /&gt;
Sont v'nus dare-dare&lt;br /&gt;
On a mêm' vu venir à jeun&lt;br /&gt;
Le chef de gare ;&lt;br /&gt;
C'est-à-dire tout Saint-Saëns&lt;br /&gt;
S' trouvait là en pleurant&lt;br /&gt;
Sur le quai de l' gare au bout du quai.
|''2{{e}} couplet''
Puis c'est l' tour de la fanfare&lt;br /&gt;
Qui joue l'chant du départ,&lt;br /&gt;
Et l'on admire l' fils Buzot&lt;br /&gt;
Qui lui sue sang et eau,&lt;br /&gt;
Monsieur le maire passe ses gants&lt;br /&gt;
Car voilà le moment&lt;br /&gt;
Où va falloir serrer la main&lt;br /&gt;
De ce pauvre chef de train&lt;br /&gt;
V'là qu'tout l' monde est rangé&lt;br /&gt;
Et l'on voit défiler.

''3{{e}} couplet''

Mais voilà l'heure qui s'avance&lt;br /&gt;
Et le train qui s'élance,&lt;br /&gt;
Quand toutes les autorités&lt;br /&gt;
Occupées à pleurer&lt;br /&gt;
Voient tout à coup Monsieur Thomas&lt;br /&gt;
Qui sanglote tout bas,&lt;br /&gt;
Son train est déjà tout là-bas&lt;br /&gt;
Et il ne reviendra pas.&lt;br /&gt;
Aussi tout le monde est là&lt;br /&gt;
Pour consoler M'sieur Thomas.&lt;br /&gt;
|}

== Personnel ==
[[Image:Cantonniers du Nord sur la ligne de Saint-Saëns.jpg|thumb|right|upright=0.65|Une équipe de cantonniers de la ''Compagnie du Nord'' chargée de l'entretien de la ligne.]]
Les cheminots, présents sur l'antenne de Saint-Saëns, étaient tous des employés de la ''Compagnie du Nord'' qui avait détaché du personnel de son réseau d'intérêt général pour l'entretien et l'exploitation de la voie ferrée d'intérêt local. Les quatorze salariés se répartissaient de la manière suivante avant la [[Première Guerre mondiale]] :
* quatre membres parmi le personnel de traction : deux [[Mécanicien de locomotive|mécaniciens]], deux [[Chauffeur (chemin-de-fer)|chauffeurs]] ;
* deux membres parmi le personnel des [[train]]s : deux [[Chef de train|chefs de train-receveurs]] ;
* cinq membres parmi le personnel des [[gare]]s : deux chefs de gare à Saint-Martin-Osmonville et Saint-Saint-Saëns, un employé de bureau et deux agents de manutention à la gare de Saint-Saëns ;
* trois membres du personnel de voie : trois [[cantonnier]]s.

Ces informations, données au conseil général, par la compagnie concessionnaire étaient d'ordre indicatif pour l'affectation des personnels (les agents de manutention, détachés à Saint-Saëns, pouvaient fort bien se rendre à la gare de Saint-Martin-Osmonville qui disposait d'une petite halle à marchandises) et pour leur nombre (le personnel affecté à la gare de Montérolier-Buchy intervenait sur la ligne à l'occasion d'un fort trafic saisonnier de marchandises ou lors des opérations lourdes d'entretien)&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 129.&lt;/ref&gt;.

== Description technique ==
=== Voie, signalisation et bâtiments ===
[[Image:Gare de Saint-Saëns 2.jpg|thumb|right|La « grande » gare de Saint-Saëns.]]
La voie de la ligne, entièrement établie en site propre, était équipée en [[rail]] du type « Vignole » de 25 kg/m. L'itinéraire était à voie unique ; un évitement, au niveau de la gare de Saint-Martin-Osmonville, permettait le croisement des convois&lt;ref name=&quot;domengie103&quot; /&gt;. La [[Signalisation ferroviaire|signalisation]] fixe n'existait qu'au contact avec la transversale Rouen - Amiens, le faible trafic de la ligne ne nécessitait pas d'installations particulières. Les passages à niveau n'étaient pas munies de barrières mais, non gardés, ils étaient seulement signalés par un panneau « Attention au train », complété, à partir du début des [[années 1930]], par la [[Croix de saint André|croix de Saint-André]]. Une ligne téléphonique reliait les gares entre elles et permettait de signaler si un train circulait sur un [[Canton ferroviaire|canton]] selon le système du [[cantonnement téléphonique]]&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 132.&lt;/ref&gt;.

Sur cette courte antenne, les bâtiments étaient peu nombreux. Les vastes installations de Montérolier-Buchy étaient communes à la transversale Amiens -Rouen et à la voie ferrée d'intérêt local. Les deux [[gare]]s de la ligne ne présentaient pas le même aspect. À Saint-Saëns, le bâtiment-voyageurs ou B.V. était vaste ; au rez-de-chaussée se trouvaient un bureau avec le guichet et les locaux d'enregistrement des bagages et [[messagerie]]s, la salle d'attente mais également la cuisine de la famille du chef de gare, à l'étage, deux vastes chambres dont l'une pouvait être aisément transformée en salle de séjour. La [[halle à marchandises]] était indépendante du bâtiment principal. La station de Saint-Martin-Osmonville était de dimensions inférieures, le B.V. était flanqué d'une petite halle à marchandises sur quai haut d'un côté, d'une annexe (cellier, bûcher et cabinet d'aisances) de l'autre. Les haltes disposaient seulement d'un [[quai]] et d'un poteau sur lequel une pancarte indiquait l'horaire des trains&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 159.&lt;/ref&gt;.

=== Matériel roulant ===
====Les locomotives====
[[Image:Gare de Saint-Saëns - Locomotive 120 T.jpg|thumb|left|upright=1.1|Opération de retournement de la locomotive 120 T n° 2.973 en gare de Saint-Saëns.]]
Sur la ligne, la ''Compagnie du Nord'' banalisa du matériel et fit donc circuler des [[locomotive à vapeur|locomotives]] déjà en service sur son réseau d'intérêt général.

Au début de l'exploitation, la traction était assurée par deux machines de type [[120 (locomotive)|120T]]&lt;ref&gt;Le T accolé au numéro signifie qu'il s'agit d'une [[locomotive-tender]] où les réserves d'eau et de combustible ne sont plus sur un [[tender]] séparé mais sur le châssis de la machine elle-même.&lt;/ref&gt; des séries 2.951 à 2.985
et 2.921 à 2.950. Les plus vieilles, n° 2.951 à 2.985, étaient d'anciennes locomotives-tenders de [[banlieue]] construites en deux lots entre [[1867 dans les chemins de fer|1867]] et [[1875 dans les chemins de fer|1875]]. D'un poids, en ordre de marche de 35 t, à mécanisme à mouvement intérieur et [[Distribution (locomotive)|distribution]] Stephenson, elles dérivaient des « bicyclettes », machines de banlieue de la [[Compagnie des chemins de fer de l'Ouest]] (série 1 à 150). En [[1876 dans les chemins de fer|1876]] et [[1877 dans les chemins de fer|1877]], la ''Compagnie du Nord'' fit construire des engins similaires, mais plus puissants (le [[foyer]] ayant été allongé au détriment du faisceau tubulaire), numérotés de 2.921 à 2.950&lt;ref name=&quot;bertin154&quot; /&gt;. Les 2.950 et 2.973, en service sur la courte antenne, appartenaient donc aux deux séries précitées&lt;ref name=&quot;domengie103&quot; /&gt;. De puissance moyenne, elles étaient parfois bien à la peine pour tracter les lourds convois de marchandises (jusqu'à 230 t à la montée, 300 t à la descente) ; à bout de souffle, elles furent rétirées du service en [[1926 dans les chemins de fer|1926]] (n° 2.973) et en [[1928 dans les chemins de fer|1928]] (n° 2.950)&lt;ref&gt;José Banaudo, Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures, p. 159 et Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 154.&lt;/ref&gt;.
[[Image:Train en gare de Saint-Saëns au début du XXème siècle.jpg|thumb|right|upright=1.2|Une 120T en gare de Saint-Saëns au début de l'exploitation de la ligne.]]
Ces deux locomotives furent remplacées par des machines de type [[040 (locomotive)|040T]], série 4.1801 à 4.1908. Ces dernières étaient d'anciennes locomotives de route des séries {{formatnum:4800}} et {{formatnum:4900}} construites à 108 exemplaires, entre [[1866 dans les chemins de fer|1866]] et [[1882 dans les chemins de fer|1882]], par ''Le Creusot'' et ''Cail'', tendérisées pour 104 d'entre elles entre [[1908 dans les chemins de fer|1908]] et [[1914 dans les chemins de fer|1914]] pour être affectées aux manœuvres dans les [[Triage|gares de triage]]&lt;ref name=&quot;bertin154&quot; /&gt;. Parmi les neuf qui se trouvaient au dépôt de Rouen-Martainville, une fut détachée (sans doute la 4.1801, construite par ''Le Creusot'' en [[1866 dans les chemins de fer|1866]]) sur la petite ligne, alors que d'autres durent y faire des apparitions périodiques. De 59,300 t de poids en ordre de marche, d'une puissance de 600 [[CV]], elles pouvaient remorquer des charges de 380 t dans les rampes de 20 ‰. Après la [[nationalisation]] des chemins de fer, ces locomotives devinrent les 040 TA de la SNCF. À deux reprises donc, les exploitants engagèrent leurs vieilles machines sur la voie ferrée d'intérêt local, gardant les meilleures unités pour leurs lignes d'intérêt général&lt;ref name=&quot;bertin154&quot; /&gt;.

D'autres types d'engins moteurs du dépôt de Rouen-Martainville circulèrent également sur l'itinéraire de manière plus ou moins fréquente. Par exemple, la locomotive de type [[130 (locomotive)|130T]] n° 30.1483 fut une habituée de la ligne. D'origine allemande, la machine (construction ''Hohenzollern'') avait été livrée en même temps que 29 de ses consœurs (3.1463 à 3.1491) à la ''Compagnie du Nord'' au titre des dommages de guerre après l'[[Armistice de 1918|Armistice du 11 novembre 1918]]&lt;ref&gt;Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 155.&lt;/ref&gt;.

====Les voitures et wagons====
[[Image:Wagons de la Cie du Nord destinés au transport des traverses en gare de Montérolier-Buchy.jpg|thumb|right|upright=0.95|Wagons de la ''Compagnie du Nord'' destinés au transport des traverses à Montérolier-Buchy.]]
La ligne de Saint-Saëns disposait de :
* deux [[voiture de chemin de fer|voitures]] mixtes ''Nord'' 1ère, 2ème et 3ème classes à deux essieux d'une capacité de 44 places (durant la [[Première Guerre mondiale]] circula une seule voiture de 3ème classe).
* un [[fourgon ferroviaire|fourgon]] à deux essieux de 10 t de [[Tare (masse)|tare]].
* vingt-six [[wagon]]s de marchandises à deux essieux dont seize [[wagon plat|wagons plats]] affectés au transport des grumes, six [[wagon couvert|wagons couverts]] et quatre [[wagon tombereau|wagons tombereaux]]&lt;ref&gt;José Banaudo, Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures, p. 159 et Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', p. 161.&lt;/ref&gt;.

De nombreux matériels extérieurs à ce parc spécifique étaient régulièrement engagés par la ''Compagnie du Nord'' sur la ligne, tout particulièrement des wagons de marchandises destinés à circuler sur le réseau d'intérêt général bien au-delà de la gare de Montérolier-Buchy.

== Bibliographie ==
[[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]] : source utilisée pour la rédaction de cet article

* Hervé Bertin, ''Petits Trains et Tramways haut-normands'', Cénomane/[[La Vie du Rail]], Le Mans, 1994 {{ISBN|2-905596-48-1|2-902808-52-6}}. [[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]]
* Henri Domengie, ''Les petits trains de jadis - Ouest de la France'', Éditions du Cabri, Breil-sur-Roya, 1990 {{ISBN|2-903310-87-4}}. [[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]]
* José Banaudo, ''Trains oubliés, vol.4 : L'État, le Nord, les Ceintures'', Éditions du Cabri, [[Menton (Alpes-Maritimes)|Menton]], 1982 {{ISBN|2-903310-24-6}}. [[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]]
* ''Encyclopédie générale des transports - Chemins de fer'', tome 12, Éditions de l'Ormet, Valignat, 1994. {{ISBN|2-906575-13-5}} [[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]]
* Jean-Claude Marquis, ''Petite histoire illustrée des transports en Seine-Inférieure au {{s-|XIX|e|}}'', [[Centre national de documentation pédagogique|CRDP]], Rouen, 1983. [[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]]
* Philippe Manneville, ''Les chemins de fer d'intérêt local à la fin du {{XIXe siècle}} et au début du {{XXe siècle}} : l'exemple d'un département, la Seine-Inférieure'', 104{{e}} Congrès national des sociétés savantes, Bordeaux, 1979, Histoire contemporaine, tome 1, p. 271-284. [[Image:Nuvola apps ksig horizonta.png|30px]]

== Notes et références ==
{{Références|colonnes = 2}}

== Voir aussi ==

=== Liens externes ===
{{Commons|Category:Ligne Montérolier-Buchy - Saint-Saëns}}
* [http://pagesperso-orange.fr/ridel/chfer/soif_rail.html Site personnel sur les chemins de fer en Normandie.]

=== Liens internes ===
* [[Voie ferrée d'intérêt local]]
* [[Tramway de Saint-Romain-de-Colbosc]]
* [[Chemin de fer de Normandie]]
* [[Compagnie des chemins de fer du Nord]]

{{Article de qualité|oldid=30330158|date=13 juin 2008}}

{{Portail|Ferrovipédia|Seine-Maritime|Normandie}}

[[Catégorie:Ligne ferroviaire de la Seine-Maritime|Montérolier-Buchy - Saint-Saëns]]
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