Littérature de la Shoah 3078070 31747558 2008-07-21T01:57:09Z Daniel*D 103148 /* BD et Shoah */ typographie - lien redondant L'anéantissement des [[Juifs]] par le [[nazisme]] est souvent considéré comme une marque distinctive du {{s-|XX|e}}. L'unicité et la monstruosité des faits se sont traduites par l'incapacité même de les nommer : {{Guillemets|[[génocide]] juif}}, {{Guillemets|[[Holocauste]]}}, {{Guillemets|[[Shoah]]}} ont successivement été utilisés pour l'évoquer. Finalement, le terme Shoah s'est imposé dans le monde et plus particulièrement en [[France]] à travers le film de [[Claude Lanzmann]] datant de [[1985]]. Les textes de la Shoah se heurtent à la difficulté de raconter un événement sans précédent, des actes parfois innommables. Le fondement de leur parole ne peut jamais être à la mesure de ce qu'elle cherche à dire. En même temps, pour les survivants, se manifeste l'impératif de dire ce qui s'est passé, de témoigner. À ce titre, la '''littérature de la Shoah''' commence avant même l'anéantissement dans les camps, dans les [[ghetto]]s où sont entassés les Juifs de toute l'Europe allemande. {{Guillemets|Tout le monde écrivait}} dans les ghettos, note l'historien [[Emanuel Ringelblum|Ringelblum]]<ref>Emanuel Ringelblum, ''Chronique Du Ghetto De Varsovie'', Robert Laffont, 1993, {{p.}}21</ref>. Ce dernier crée d'ailleurs l’''[[Oyneg Shabbos]]'', organisation clandestine, suscitant et recueillant les archives du [[ghetto de Varsovie]]. Il s'agit d'un ensemble unique et irremplaçable de témoignages, d'analyses sur les conditions de vie, d'alimentation. Ces archives ont été enfouies avant la destruction du ghetto et ont été exhumées après la [[Seconde Guerre mondiale|guerre]]. On y trouve aussi des écrits littéraires, [[poème]]s, [[prose]]s, [[pièce de théâtre|pièces de théâtre]]. Après la guerre, la Shoah est devenu un objet littéraire et philosophique de premiers plan. Témoignages, [[Roman (littérature)|roman]]s, poèmes, [[essai]]s continuent à être publiés jusqu'à nos jours. [[Image:Alinas PL Maceba miejsce zamordowania 18400 zydow na MajdankuP5130082.JPG|thumb|Stèle en mémoires des Juifs anéantis à [[Majdanek]]]] == Les traditions littéraires juives et la littérature de l'anéantissement == === Rupture ou continuité des traditions littéraires juives? === Les soubresauts de l'histoire juive : [[diaspora]], persécutions régulières à partir de la [[Persécution des Juifs pendant la première croisade|première croisade]], mises à l'écart de la société, [[pogrom]]s, avaient conduit l'imaginaire juif à élaborer au cours des siècles de multiples figures pour dire le désastre. De plus, la culture religieuse juive nourrit une injonction mémorielle liée à l'exil, celle du [[Zakhor]] ({{Citation|souviens-toi}}). Cette injonction qu'on retrouve dès le Moyen Age dans les [[Memorbuch|Memorbücher]] vise à préserver les traces du peuple juif menacé de destruction. Elle reflète aussi le culte de l'écrit née d'une conception théologique du langage. La transposition de cette loi dans le monde civil est déjà à l'œuvre au moment des [[pogrom]]s d'Europe orientale et d'Ukraine autour du début du XXe siècle. [[Shalom Anski]] et [[Isaac Leib Peretz]] lancent alors un appel pour écrire et conserver les traces du monde juif. La nouvelle difficulté réside dans le témoigne d'une destruction totale. Cela donne à l'écrit un caractère sacré et définitif nouveau<ref name="Coquio">Catherine Coquio, « L'émergence d'une « littérature » de non-écrivains : les témoignages de catastrophes historiques », ''Revue d’Histoire Littéraire de la France'', mai 2003 {{lire en ligne|lien=http://aircrigeweb.free.fr/ressources/shoah/Shoah_Coquio_catastrophe.html}}</ref>. Les langues juives, l'[[hébreu]] et le [[yiddish]] utilisent les références aux textes sacrés pour évoquer les catastrophes qui jalonnent leur Histoire, se chargeant de significations nouvelles, proposant des raccourcis où passé et présent se télescopent : Élection et [[Alliance (Bible)|Alliance]], [[Déluge]], [[Job (Bible)|Job]], [[Ligature d'Isaac|Akedah]] (le sacrifice d'Isaac), la destruction du Temple. Mais chaque chute était suivie d'une restauration. L'anéantissement, lui, échappe à toute tentative de dénomination. Il ne trouve pas sa place dans des canons préexistants et peut pas s'inscrire dans un temps cyclique de la Bible. La brutalité et la soudaineté de l'extermination et suppriment non seulement la possibilité d'un présent et de l'avenir, mais également le passé. Les anciens codes, jadis immédiatement déchiffrables par la communauté ashkénaze, se révèlent soudain inappropriés, et pourtant irremplaçables. {{Guillemets|Après Auschwitz, écrire de la poésie est barbare.}} affirme [[Theodor W. Adorno|Theodor Adorno]] peu après la catastrophe<ref name="Riglet">Marc Riglet, « Écrire la Shoah », ''Lire'', mars 2008</ref>. De même, le survivant français qui veut témoigner par la littérature se trouve {{Guillemets|privé de toute référence [...] Ce qui frappe c'est [...] l'absence de matrice littéraire, due d'ailleurs à l'étrangeté d'un phénomène, celui du camp de concentration, totalement extérieur à la culture politique et littéraire française}}<ref>[[Annette Wieviorka]], ''Déportation et génocide, entre la mémoire et l'oubli'', Plon, Paris, 1992 ; 1998</ref>. [[Elie Wiesel]] affirme : {{Guillemets|Auschwitz nie toute littérature, comme il nie tous les systèmes, toutes les doctrines ; l'enfermer dans une philosophie, c'est le restreindre, le remplacer par des mots, n'importe lesquels, c'est le dénaturer. La littérature de l'Holocauste ? Le terme est un contre-sens}}<ref name="Riglet"/>. Charlotte Wardi, professeur de littérature à l'université de [[Haïfa]] et rescapée de la Shoah, dénonce toute tentative d'esthétisation de la Shoah. Pour elle, la tentation de {{Guillemets|faire du beau avec la Shoah}} est dangereuse<ref name="Rérolle">Raphaëlle Rérolle, Nicolas Weill , « La parole contre l'extermination », ''Le Monde'', 25 février 1994, <small>mis en ligne le 23 avril 2005</small> {{lire en ligne|lien=http://www.lemonde.fr/shoah-les-derniers-temoins-racontent/article/2005/04/23/la-parole-contre-l-extermination_642454_641295_1.html}}</ref>. === La mort du yiddish === [[Image:Lakhva1926.jpg|thumb|Le [[shtetl]] de [[Lakhva]], en [[Pologne]], en [[1926]]]] À la fin du {{s-|XIX|e}}, le [[yiddish]] était devenue la langue d'une grande partie des Juifs d'Europe. Il y avait, en 1930, huit millions yiddishophones principalement en Europe centrale et orientale<ref>Il y avait onze millions de locuteurs dans le monde, trois millions de yiddishophones ayant émigré en Amérique et en Australie.</ref>. Les six millions de Juifs assassinés étaient essentiellement des yiddishophones. Le yiddish a donc été presque entièrement anéanti en même temps que le monde juif pendant la [[Shoah]], appelée le ''khurbn'' en yiddish. Les lieux de la vie juive (écoles, théâtres, journaux, [[synagogue]]s, centres culturels, [[shtetl|shtetlech]]...) ont eux aussi été détruits, ainsi que l'immense patrimoine littéraire de l'YIVO de [[Vilnius]]<ref name="coe">{{lien_web |url=http://assembly.coe.int/Documents/WorkingDocs/doc96/FDOC7489.htm |titre=Le yiddish : langue et littérature |auteur=Conseil de l'Europe |site=[http://assembly.coe.int] |consulté le=27 juin 2008 }}</ref>. C'est pourquoi Rachel Ertel<ref>Docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-VII</ref> parle d'anéantissement, car d'une part dynamique de la culture européenne, il ne reste plus que des traces après 1945. Dans ce contexte, écrire en yiddish, prend un sens encore plus lourd. L'écrivain yiddish parle d'une double mort : la mort du peuple et la mort de la langue<ref>En 1981, il y avait quatre millions de locuteurs dans le monde. Il n'y en avait plus que 2 millions en 1995</ref>. L'écrivain se trouve face à l'insoluble : impossibilité d'écrire dans une langue morte s'il veut être entendu, impossibilité d'écrire en toute autre langue pour évoquer les morts, ce qui revient à écrire sans filiation. Une grande partie de la [[littérature yiddish]] a donc surgi de la mort, fait sans équivalent dans l'Histoire. Face à la mort du monde ashkénaze, l'écrivain sacralise les modes de vie détruits, les lieux abolis, les disparus exterminés. Certains de ces témoignages sont collectifs, comme les''Yizker Bikher'', ou livres du souvenir, écrits par les membres survivants d'une communauté disparue dans la Shoah. Écrits les plus souvent en yiddish, ils sont un témoignage de la splendeur de la vie juive détruite, de l'occupation nazie et du martyre de leur ville ou de leur village, le [[shtetl]]. On trouve aussi une liste des membres de la communauté morts pendant la Shoah<ref name="Wievorka 303">Annette Wievorka, « La mémoire de la Shoah », ''Cahiers français'', {{numéro}}303, juillet-août 2001, {{p.}}64</ref>. L'écrivain yiddish a aussi tendance à la sacralisation du yiddish lui-même, la langue réduite en cendres. L'écrivain doit aussi affronter le tabou de la mort à laquelle il a échappé. === La culpabilité des survivants === [[Image:Primo Levi.jpg|thumb|[[Primo Levi]]]] Les écrits des survivants de la Shoah sont marqués par la [[culpabilité]] qui croît au fil des années. [[Primo Levi]] a cherché à la caractériser en lui donnant le nom de {{Guillemets|zone grise}} : {{Guillemets|Tu as honte parce que tu es vivant à la place d'un autre ? Et en particulier d'un homme plus généreux, plus sensible, plus sage, plus utile, plus digne de vivre que toi ?}}<ref>Primo Levi, ''Les naufragés et les rescapés'', Gallimard, 1989</ref>. [[Elie Wiesel]] écrit : {{Guillemets|Je vis donc je suis coupable ; si je suis encore là, c'est parce qu'un ami, un camarade, un inconnu est mort à ma place [...] le système de ''Selekzion'' dans les camps ne tendait pas seulement à en décimer périodiquement les populations mais aussi à amener chaque prisonnier à se dire : cela aurait pu être moi, je suis la cause, peut-être la condition de la mort d'autrui.}}<ref>Elie Wiesel, ''Le chant des morts'', Seuil, 1966</ref>. Cette culpabilité touche non seulement les générations contemporaines du cataclysme mais aussi celles qui lui sont postérieures. Ainsi, la philosophe [[Sarah Kofman]], spécialiste de [[Nietzsche]] et de [[Freud]], publie en 1993 son autobiographie<ref>Sarah Kofman, ''Rue Ordener, rue Labat'', Galilée, 1993. Voir aussi ''Paroles suffoquées'' publié en 1987</ref>. Il s'agit du récit de son enfance juive sous l'occupation nazie. Elle exprime la détresse longtemps muette qu'elle a ressenti après la déportation et la mort à [[Auschwitz]] de son père [[rabbin]]. Peu de temps après elle se suicide.<br /> Même l'écriture romanesque reflète cette culpabilité. ''La Nuit des Girondins'' de Jacques Presser<ref>Jacques Presser, ''La Nuit des Girondins'', Maurice Nadeau, 1998</ref> révèle la honte de l'auteur et sa culpabilité d'avoir survécu dans la clandestinité tandis que sa femme périssait dans les camps. Son roman est un récit à la première personne qui relate la dégradation la plus abjecte imposée par le système nazi à ses victimes, à savoir leur collaboration en tant que gardiens d'un camp, dans le roman, celui de Westerbork aux Pays-Bas. Rien ne peut laver la souillure du narrateur même pas son départ vers une mort certaine à [[Sobibor]]<ref name="Ertel">Rachel Ertel, « La littérature de la Shoah », ''Encyclopaedia Universalis'', DVD, 2007</ref>. == Des témoignages pour la mémoire et pour l'Histoire == {{article_détaillé|Liste des témoignages et journaux intimes écrits pendant la Shoah}} Les bourreaux ont tout fait pour que l'extermination des Juifs soit cachée à la face du monde. La voix des victimes est d'autant plus importante. Les témoignages ont commencé dès les premières années de persécution et dès la naissance des [[ghetto]]s : des cahiers, des lettres, des feuillets, des journaux intimes ont été écrits et conservés parfois dans des conditions extrêmes, dans des caves, greniers, cheminées, doubles cloisons... Michel Borwicz, un des premiers à avoir étudié les témoignages, a constaté que le nombre d'écrits augmente en 1942. Jusque là les Juifs des ghettos croyaient en une prochaine défaite de l'Allemagne et au fait que beaucoup pourraient être sauvés. En 1942, commence la déportation vers les camps de la mort. Les Juifs des ghettos ont alors la conviction qu'ils mourront tous avoir d'avoir vu la défaite nazie. Conserver la mémoire d'événements défiant l'imagination devient alors un impératif aux yeux de beaucoup<ref name="Wievorka 303"/>. Cet impératif se retrouve même au cœur des chambres à gaz : les ''Rouleaux d'Auschwitz''<ref>Collectif, ''Des voix sous la cendre, Manuscrits des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau'', Calmann-Lévy, 2005</ref>, carnets manuscrits, enfouis près du crématoire III d'Auschwitz, ont été enterrés par les membres du ''[[Sonderkommando]]'' : Zalman Gradowski<ref>Zalman Gradowski, ''Au cœur de l'enfer'', Kime, 2001</ref>, Zalmen Lewental, et Leib Langfus<ref>Le texte de Leib Langfus, 62 pages cachées dans un récipient de verre, a été retrouvé en avril 1945 par un jeune polonais qui cherchait « l'or des Juifs » dans le camp d'extermination. Il l'a ensuite caché dans son grenier. Son frère l'a retrouvé après son décès en 1970 et l'a remis au musée d'Auschwitz</ref> ont écrit en yiddish ; Haïm Herman en français ; Marcel Nadsari en grec<ref>[http://www.emilweiss.com/Presse_Sonderkommando.pdf « ''Sonderkommando'', Auschwitz-Birkenau »], consulté le 6 juillet 2008</ref>. Ces cinq textes ont été retrouvés après la guerre. Aucun de leurs auteurs n'a survécu, les équipes étant liquidées et remplacées à intervalles réguliers. Tous les manuscrits retrouvés parlent de la terreur qui règne à Birkenau, du silence, de l'absence d'évasion, de ce monde à l'envers où le meurtre est devenu la norme. Atypique à plus d'un égard, le [[Rapport Vrba-Wetzler]] est le premier témoignage écrit de première main sur Auschwitz à être parvenu en Occident. Cependant, il ne fut, contrairement au souhait des auteurs, deux évadés d'Auschwitz (seules cinq personnes y parvinrent au cours de l'existence du camp), pas diffusé, ce qui aurait permis d'éviter, selon [[Rudolf Vrba]], la déportation des Juifs de Hongrie. === Journaux intimes d'adolescentes === [[Image:Anne Frank stamp.jpg|thumb|Timbre allemand à l'effigie [[Anne Frank]]]] Les journaux intimes, écrits au jours le jour pendant les périodes noires permettent de mieux appréhender l'état d'esprit des victimes et de comprendre de l'intérieur une partie de leur vécu. Le plus connu de ces journaux intimes est celui d'[[Anne Frank]], retrouvé par des amis hollandais après la déportation de la famille Frank. Avec une une maîtrise de l'écriture époustouflante pour une adolescente, elle y reflète ses émotions et ses aspirations face aux épreuves. Elle écrit ainsi : {{Guillemets|Pourtant je m'y accroche, malgré tout, car je continue à croire à la bonté innée de l'homme. Il m'est absolument impossible de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion}}<ref>Anne Frank, ''Journal'', Calmann-Lévy, 1950, {{p.}}279</ref>. Il existe aussi d'autres journaux intimes de jeunes filles possédant, ou non, la même force et la même qualité d'écriture mais qui sont beaucoup moins célèbres. [[Ana Novac]] fut déportée à l'âge de quatorze ans à [[Auschwitz]] où elle réussit à tenir un journal. C'est le seul journal jamais sorti d'un camp d'extermination nazi<ref>Ana Novac, ''Les beaux jours de ma jeunesse'', Balland, 2006 et Folio</ref>. L'auteur y décrit le côtoiement continuel de la mort. Elle fait preuve d'une remarquable lucidité sur les misères de l’homme, sur l’absurdité de la guerre, sur l’intangibilité de la frontière entre bourreaux et victimes. Mascha Rolnikaite<ref>Mascha Rolnikaite, ''Le journal de Mascha, De Vilnius à Stutthof (1941-1945)'', Liana Levi, 2003</ref> qui avait le même âge qu'Anne Frank au moment de l'entrée des Allemands à [[Minsk]], tint un journal qu'elle apprit par cœur pour échapper à la surveillance des bourreaux. Elle le transcrivit de mémoire, à la Libération. Outre son talent de narratrice, elle possède la capacité de se mettre à la place des autres et de donner une voix à leurs souffrances<ref>Volker Ullrich, « Critique du journal de Mascha », ''Die Zeit'', supplément pour la Foire du Livre de Francfort, 2 octobre 2002</ref>. [[Rutka Laskier]], surnommée la « Anne Frank polonaise » évoque la ghettoïsation puis la déportation de la communauté juive de [[Będzin]] vers Auschwitz, où elle sera gazée avec son frère et sa mère, dès leur arrivée<ref>''Le Journal de Rutka, janvier – avril 1943'', suivi de ''Ma sœur Rutka'' par Zahava (Laskier) Sherz, et de ''Les Juifs et la Pologne'' par [[Marek Halter]], éd. Robert Laffont, {{ISBN|2221110277}} ; {{ISBN|978-2221110270}} ; selon une amie de Rutka, elle aurait cependant échappé à la ''Selektion'', et aurait été victime d'une épidémie de typhus, suite à quoi elle aurait été jetée dans un four crématoire – [http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/314675.FR.php « Journal d’outre-tombe »], par N. Dubois et M. Zoltowska, ''[[Libération_(journal)|Libération]]'' du 10 mars 2008</ref>. Il convient de citer aussi les journaux intimes d'[[Etty Hillesum]]<ref>Etty Hillesum, ''Une vie bouleversée'', coll. « Points », Paris, 1995</ref>, d'Abraham Cytryn<ref>Abraham Cytryn, ''Les Cahiers d'Abraham Cytryn. Récits du Ghetto de Lodz'', Albin Michel, Paris, 1995</ref> du [[ghetto de Lodz]] et de Mary Berg<ref>Mary Berg, ''Le ghetto de Varsovie. Journal de Mary Berg'', Paris, Albin Michel, 1947</ref> du [[ghetto de Varsovie]]. De nombreux témoignages ont été retrouvés dans des caves, greniers, cheminées, doubles cloisons. Tous ne sont pas publiés. C'est le cas du journal d'Elsa Binder conservé à l'institut historique juif de Varsovie. Dans son journal intime, la jeune fille de 18 ans évoque le massacre des Juifs de [[Stanislawow]] en [[Galicie]] perpétré par les ''[[Einsatzgruppen]]'', le {{date|12|octobre|1941}}, dans le cadre des opérations mobiles de tuerie qui accompagnent l'[[opération Barbarossa]]. Lorsqu'elle parle de son amie Tamarczyk  assassinée, elle écrit simplement : {{Citation|J'espère que la mort s'est bien passée pour elle [...] Et qu'elle n'a pas dû souffrir comme sa camarade Esterka qui, comme on l'a vu, a été étranglée<ref>Nicolas Weill, « La Shoah ou la solitude des Justes », entretien avec Saul Friedlander, ''Le Monde'', 7 janvier 2007</ref>.}} === Chroniques et journaux intimes === [[Image:Kiev Jew Killings in Ivangorod (1942).jpg|thumb|Les unités de tueries mobiles (''Einsatzgruppen'') en [[URSS]]]] D'autres journaux ont été rédigés pendant cette période comme celui de Leyb Rokhman du [[ghetto de Minsk]]<ref>Leyb Rokhman, ''Un in dayn blut zolstu lebn : Tog-bukh 1943-1944'' ; (''Et dans ton sang tu vivras'', ''Journal 1943-1944''), Les Amis de Minsk-Mazowiecki, Paris, 1949 (écrit en yiddish)</ref>. Le journal débute le {{date|17|février|1943}}. Leyb Rokhman y décrit la résistance, d'abord juive autonome, ensuite commune avec Russes et Polonais puis l'extermination des Juifs. Avraham Tory<ref>Avraham Tory, ''Surviving the Holocaust: The Kovno Getto Diary'', Harvard University Press, 1991</ref>, avocat de formation, était secrétaire du ''[[Judenrat]]'' du [[ghetto de Kaunas]]. À ce titre il a accès aux décrets imposés par les nazis, aux réunions secrètes ou non du ''Judenrat'', qu'il consigne à l'insu des autres membres dans son journal : {{Guillemets|J'écrivais à toute heure, dans les premières heures du matin, dans mon lit la nuit, entre les réunions du ''Judenrat''. Durant les réunions, j'écrivais quelquefois l'ordre du jour, des citations, des résumés, des dates le nom des lieux et des personnes sur des bouts de papiers ou un carnet de notes de peur d'oublier}}<ref>[http://www.eilatgordinlevitan.com/kovno/kovno_pages/kovno_stories_tory.html « The Story of Avraham Tory and his Kovno Ghetto Diary »], consulté le 27 juin 2008</ref>. Tory parvient à s'échapper du ghetto de [[Kaunas]] en 1944 après avoir caché son journal. Il expliqua plus tard : {{Citation|Je cachais dans une caisse ce que j'avais écrit avec frayeur et anxiété car cela pouvait servir de preuve, de ''corpus delicti'', temoignage accablant quand le jour du jugement viendrait}}. À [[Varsovie]], citons les témoignages du président du ''Judenrat'' [[Adam Czerniakow]]<ref>Adam Czerniakow, ''Carnets du ghetto de Varsovie'', La Découverte, Paris, 1996</ref>, du pédagogue [[Janusz Korczak]]<ref>Janusz Korczak, ''Journal du ghetto (1942)'', Éd. R. Laffont, coll. « Pavillons », 1998 et Éditions 10/18, Paris, 2000</ref>, de Chaim Kaplan<ref>Chaim Kaplan, ''Chronique du ghetto de Varsovie'', Calmann-Levy, 1966</ref>, d'Abraham Lewin<ref>Abraham Lewin, ''Journal Du Ghetto De Varsovie. Une Coupe De Larmes'', Plon, 1990</ref>. Il faut aussi parler du bibliothécaire Hermann Kruk<ref>Herman Kruk, ''Chronicles from the Vilna Ghetto and the Camps, 1939-1944'', Yale University Press, YIVO Institute for Jewish Research, 2002</ref>, qui, à [[Vilnius]], prend la tête des ''Brigades des papiers'' et s'efforce de soustraire aux Allemands tous les biens culturels qu'il peut. Beaucoup de notes prises par les victimes ont été enfouies puis déterrées par les survivants, sont souvent fragmentaires, incomplètes, partiellement illisibles à cause des intempéries. Certains prennent la forme d'invocations, plaintes ou cris d'alarme et de détresse. Parmi les journaux écrits dans ces périodes sombre, il y en a un particulier. Il s'agit du ''journal'' de [[Victor Klemperer]]<ref>Victor Klemperer, ''Journal (1933-1945)'', coffret deux tomes : - ''Mes soldats de papier 1933-1941'' - ''Je veux témoigner jusqu'au bout 1942-1945'', Seuil, 2000</ref>, une œuvre de premier plan. Vivant en Allemagne, Victor Klemperer, Juif allemand converti, a échappé à la déportation parce qu'il était marié à une non-juive. Il a tenu au jour le jour un journal de sa vie à [[Dresde]]. Exclu de l'université parce que Juif, Klemperer rédige son journal tous les matins. Il y consigne tout ce qu'il a observé et entendu la veille : {{Guillemets|Je me disais : tu écoutes avec tes oreilles et tu écoutes ce qui se passe au quotidien, juste au quotidien, l'ordinaire et la moyenne, l'anti-héroïque sans éclat [...]}}<ref>Victor Klemperer, ''LTI, la langue du Troisième Reich. Carnets d'un philologue'', Albin Michel, coll. « Bibliothèque Idées », 1947 ; rééd. 1996, {{p.}}361</ref>. Son journal a été publié sans avoir été retouché. Il mêle les détails de la vie quotidienne, les observations politiques et sociales, les réflexions sur la nature humaine et sur la nature de la langue, toutes deux perverties par le III{{e}} Reich. Klemperer décrit les privations, les humiliations, l'asphyxie progressive d'une existence de paria, les disparitions successives des amis<ref name="Ertel"/>. === Les archives des ghettos === [[Image:Old Jew in Warsaw Ghetto.jpg|thumb|Vieux Juif dans le [[ghetto de Varsovie]]]] Témoigner devient parfois un travail minutieux d'historien ou d'archiviste. L'historien [[Emanuel Ringelblum]], le fondateur de l'[[Oyneg Shabbos]] rassemble tous les documents qu'il peut trouver sur le ghetto de Varsovie. L'objectif était d'élaborer une étude exhaustive de la vie et de l'histoire des Juifs sous l'occupation nazie. Sauvées des ruines du ghetto, elles forment un ensemble de {{unité|25000|pages}} appelé les ''Archives Ringelblum'' dont les {{unité|6000|pièces}} sont conservées à l’Institut historique juif de Varsovie. Une partie seulement a été publiée en français<ref>Emanuel Ringelblum, ''Archives clandestines du ghetto de Varsovie'', (traductions du yiddish, de l’hébreu et du polonais), Tome 1 : ''Lettres sur l'anéantissement des Juifs de Pologne'', Tome 2 : ''Les enfants et l'enseignement clandestin dans le ghetto de Varsovie'', Fayard, 2007</ref>. Le groupe de Ringelblum a fait un véritable travail d'archivage en collectant aussi bien des documents officiels (annonces des autorités d'occupation, formulaires, cartes de rationnement) et personnels (cartes d'identité, cartes de logement ou certificats d'embauche) que tous des document relatifs aux actions commerciales ou culturelles. D'autre part, Le groupe a mené des enquêtes et couché par écrit des témoignages concernant la situation des différents groupes professionnels et des différentes tranches d'âge<ref>[http://www.archiwa.gov.pl/memory/sub_ringelblum/index.php?va_lang=fr&fileid=001_1 « Oneg Shabbat*, la joie des réunions du samedi »], consulté le 4 juillet 2008</ref>. Presque tous les auteurs des documents des ''Archives Ringelblum'' sont morts, soit dans le ghetto, soit dans les camps d'extermination. Il convient également de citer les ''chroniques quotidiennes du ghetto de Lodz'', chronique minutieuse de quelque {{unité|6000|pages}} écrites par les membres du Département des archives dans la clandestinité et qui retrace la vie quotidienne dans le ghetto. Ces émanations clandestines du ''Judenrat'', apportent des informations capitales sur une période sombre de la vie d'une communauté juive. Selon [[Saul Friedländer]], ces journaux intimes ont été insuffisamment exploitée par les historiens<ref>Laurent Theis, « L'industrie de mort nazie », ''Le Point'', 21 février 2008</ref>. Pour lui : {{Guillemets|fonction perturbatrice est essentielle à la représentation historique de l'extermination de masse [...] et peut ébranler l'idée confortable que nous nous étions faite auparavant d'événements historiques extrêmes}}. Pourtant les témoins cherchent à retranscrire le plus fidèlement possible ce qu'ils ont vécu. == La mémoire des rescapés == {{article_détaillé|Liste de récits de rescapés de la Shoah}} La voix des rescapés fait écho à celle des disparus. Elle cherche à traduire pour les vivants le langage des exterminés qu'ils ont laissés là-bas, celui des survivants qu'ils sont devenus, mais avec ce quelque chose de mort en eux qui parle. Pour tous, l'impératif de témoigner se confond avec la pulsion de vivre<ref name="Ertel"/> {{Citation|Je ne suis rien d'autre que ces feuillets}}, dit [[Ana Novac]]. Nadine Heftler<ref>Nadine Heftler, ''Si tu t'en sors'', La Découverte, 1992</ref> explique : {{Guillemets|Je me suis seulement contentée de me remettre dans les événements, depuis que la Gestapo a frappé à ma porte jusqu'à la fin de la guerre}}<ref name="Rérolle"/>. La dureté du témoignage des premiers écrits tranche avec la plus grande retenue des écrivains des années 1970. === Les récits d'après-guerre === Dans le monde yiddish, les survivants écrivent par centaines. Mordekhai Strigler<ref>Mordekhai Strigler, ''Maidanek, Lumières consumées'', Éditions Honoré Champion</ref>, dans son livre publié en yiddish en 1947, relate son expérience dans le camp de travail et d'extermination de [[Majdanek]] où il a été détenu pendant plusieurs semaines avant d'être envoyé dans un autre camp. L'auteur ne s'est pas contenté d'un simple récit factuel de la vie et des souffrances des déportés, mais il a profondément réfléchi à la psychologie et aux réactions tant des victimes que des bourreaux confrontés à des situations exceptionnelles. Il faut aussi parler d'[[Avrom Sutzkever]]<ref>Avrom Sutzkever, ''Où gîtent les étoiles'', Seuil, 1989</ref> rescapé du [[ghetto de Vilnius]], de l'acteur de théâtre Jonas Turkow<ref>Jonas Turkow, ''C'était ainsi, 1939-1943, la vie dans le ghetto de Varsovie'', Austral, 1995</ref>, membre de l'Oneg Shabbat pour lequel il écrivit un essai sur le théâtre dans le ghetto de [[Varsovie]] ou d'[[Élie Wiesel]] dans son célèbre récit ''[[La Nuit (Wiesel)|La Nuit]]''<ref>Élie Wiesel, ''Et le monde se taisait'' (témoignage en yiddish, traduit/condensé en français sous le titre ''La Nuit'', 1956) </ref>. Certains de ces témoignages sont publiés. La plupart sont déposés dans les archives du musée d'Histoire juive de Varsovie, dans celles du Yivo ou de [[Yad Vashem]], et paraissent au hasard des découvertes des chercheurs<ref name="Ertel"/>. [[Image:Gusen-survivor.jpg|thumb|Survivant d'un camp de concentration]] Il existe aussi de nombreux témoignages qui n'ont pas été écrit en [[Yiddish]]. Le témoignage de Pelagia Lewinska<ref>Pelagia Lewinska, ''Vingt mois à Auschwitz'', Éditions Nagel, première édition 1945</ref> relate les exactions des [[Schutzstaffel|SS]] et de leurs exécutants en mettant en lumière les fournées successives qui doivent disparaître. Elle explique qu'il faut éliminer au plus vite les plus faibles en ajoutant aux appels meurtriers des scènes de sport imposées à celles qui chancelaient<ref>''Vingt mois à Auschwitz'', Nagel, 1945, {{p.}}87-88</ref>. On retrouve les mêmes considérations sur le [[sadisme]] des bourreaux dans le récit de Moshé Garbarz<ref>Moshé Garbarz, ''Un survivant Auschwitz-Birkenau, 1942-1945'', Ramsay, 2006</ref>. Il y décrit l'habitude des SS consistant à tuer systématiquement celui qui ne se relevait pas pendant un tabassage. Les témoignages ont été très nombreux dans l'immédiat après guerre et dans les années 1970-2000. Après guerre, les rescapées pensaient qu'ils avaient le devoir impérieux d'exposer l'inouï à la face du monde. [[Primo Levi]]<ref>Primo Levi, ''[[Si c'est un homme]]'', Pocket, première édition, 1947</ref> et [[Robert Antelme]]<ref>Robert Antelme : ''L'espèce humaine'', Gallimard, 1947</ref> sont les deux auteurs les plus connus. La précision de leur témoignage atteint une grande profondeur philosophique comme le montre cet extrait : {{Citation bloc|Nous sommes complètement épuisés, incapables même de courir […] La colonne marche dans l’ordre, puis le ''Blockführer SS'' qui se trouvait en tête descend vers le milieu de la colonne. Il s’arrête sur le bord de la route, les jambes écartées, et regarde la colonne passer. Il observe. Il cherche. « ''Du, komm hier !'' » C’est un autre Italien qui sort. Sa figure est devenue rose. J’ai encore ce rose dans les yeux. Personne ne le tient au corps […] il attend Fritz, il va se donner à Fritz. La « pêche » continue […] On croirait qu’on est de connivence avec eux […] On a vu la mort sur l'Italien. Il est devenu rose après que le SS lui a dit « ''Du, komm hier !'' » Le SS qui cherchait un homme, n’importe lequel, pour faire mourir, l’avait « trouvé », lui […] On ne parle pas. Chacun essaie d’être prêt. Chacun a peur pour soi […] Prêt à mourir, je crois qu’on l’est, prêt à être désigné au hasard pour mourir, non. Si ça vient sur moi, je serai surpris et ma figure deviendra rose comme celle de l’Italien<ref> ''L’espèce humaine'', {{p.}}241-242</ref>.}} Les deux hommes ont ressenti cruellement la difficulté d'être entendus et crus dans leurs efforts de reconstituer la réalité et établir pour l'Histoire la matérialité des faits. Les récits des déportés reprennent indéfiniment la scène de l'arrivée dans le camp de concentration, la course hors du train, l'appel dans la cour du camp au milieu des prisonniers hébétés, le froid... Dans l'immédiat après-guerre, en France, Le pays traumatisé par la défaite et l'occupation a envie de tourner la page. De ce fait, les premiers témoignages peinent à trouver un éditeur et des lecteurs. La première édition de ''Si c'est un homme'', de Primo Levi (réédité en Pocket), n'excède pas {{unité|2500|exemplaires}}, en 1947<ref name="Rérolle"/>. Sur la difficulté de se faire comprendre David Rousset écrit : {{Citation|Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. Même si les témoignages forcent leur intelligence à admettre, les muscles ne suivent pas. [...] La mort habitait parmi les concentrationnaires toutes les heures de leur existence. Elle leur a montré tous ses visages. Ils ont touché tous ses dépouillements [...] Ils ont cheminé des années durant dans le fantastique décor de toutes les dignités ruinées. Ils sont séparés des autres par une expérience impossible à transmettre<ref>David Rousset, ''L'Univers concentrationnaire'', première édition 1947 ; réédition Hachette Littératures, 1998</ref>.}} === Les derniers témoins === À partir des années 1970, des derniers témoins oculaires ont pris la parole. Ainsi, [[Marek Edelman]], un des commandants de l'[[Soulèvement du ghetto de Varsovie|insurrection du ghetto de Varsovie]], qui avait toujours gardé le silence et refusé toute participation officielle aux commémorations, livre ses souvenirs en 1977 dans un entretien avec Hannah Kroll<ref>Hanna Krall, ''Prendre le bon Dieu de vitesse'', Paris, Éditions Gallimard, 2005</ref>. « Antek » Itzhak Zukerman, membre du mouvement juif de résistance du ghetto de Varsovie ''Ha'Chalutz'' attend les dernières années de sa vie pour dicter ses souvenirs. Il raconte le soulèvement du ghetto de Varsovie. [[Aba Kovner]], combattant du ghetto de Vilnius, rédige les siens<ref>Abba Kovner, ''The Mission of the Survivors, The Catastrophe of European Jewry'', Éd. Yisrael Gutman, Ktav Publishing House, New York, 1977</ref>. Parmi les témoignages les plus terribles, se trouve celui de [[Filip Müller]], un des rares survivants des ''[[Sonderkommando (camps d'extermination)|Sonderkommandos]]'' d'Auschwitz <ref>Filip Müller, ''Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz'', Pygmalion, 1997</ref>. Il décrit sa sinistre tâche : sortir les corps des [[Chambre à gaz|chambres à gaz]], vérifier la présence d’or (dentaire inclus) et tous objets de valeur qui seraient remis aux [[Schutzstaffel|SS]], tondre les cheveux des femmes puis incinérer les corps. Il est plus facile pour ces derniers témoins de communiquer leur expérience. Les temps ont changé. L'écoute et la compréhension sont plus importantes. Seule [[Ruth Klüger]] bouscule le consensus sur le devoir de témoigner. Dans son livre ''Refus de témoigner''<ref>Ruth Klüger, ''Refus de témoigner'' (''Weiter leben'', 1992, trad. de l’allemand par Jeanne Etoré), Viviane Hamy, 1997</ref>, paru en 1992, cette spécialiste de la littérature allemande cherche à tordre le cou à ce qu'elle appelle des idées reçues. Pour elle, le souvenir, pour qu'il existe, demande un lien. Mais il est difficile à établir car il y a {{Guillemets|un intervalle béant}}. Il est aussi difficile et même « absurde » de décrire les camps avec des mots car {{Guillemets|le langage humain a été inventé pour autre chose}}. Ses souvenirs n'évoquent que très peu les nazis et les camps de concentration<ref>[http://www.lmda.net/mat/MAT02253.html « Fantômes et fantasmes »], consulté le 28 juin 2008</ref>. Dans le marché du livre de la décennie 2000, la publication de nouveaux témoignages pose problème : beaucoup n'ont pas les qualités littéraires qui font un bon livre ; le nombre des ventes est très limité, rarement plus de {{unité|1000|exemplaires}}. De fait, l'édition de ce genre d'ouvrages apparente à un acte militant et se heurte à la conviction que {{Guillemets|la Shoah n'est pas seulement l'affaire des Juifs et des fédérations de déportés}}<ref>François Gèze, PDG des éditions de la découverte qui publie beaucoup de témoignages de rescapés de la Shoah</ref>. De plus, bien qu'il possède la légitimité de la souffrance vécue, le récit du déporté demeure souvent, aux yeux des historiens, l'expression individuelle d'un malheur collectif. Il est donc susceptible de distorsions. L'historien [[Raul Hilberg]] déclare à ce sujet : {{Guillemets|Bien que je me sois assez peu servi des témoignages, mais ils m'ont fait commettre des erreurs<ref name="Rérolle"/>}}. == Penser la Shoah == {{article_détaillé|Liste d'essais sur la Shoah}} === La Shoah, un événement unique dans l'histoire? === Le [[génocide]] des Juifs a eu des conséquences dans le domaine de la pensée philosophique. Ainsi, [[Theodor W. Adorno|Adorno]] s'est posé la question : {{Guillemets|Comment penser après [[Auschwitz]] ?}}. Pour lui la pensée occidentale, issue de la [[Renaissance (période historique)|Renaissance]] et des [[Lumières (philosophie)|Lumières]] est devenue caduque. En effet, la philosophie occidentale a maintenu des rapports autres qu’épisodiques avec les structures totalitaires ayant pour conséquence Auschwitz. [[Aimé Césaire]] avance lui que la pensée que révoque Adorno devant la [[barbarie]] nazie frappant en Europe des Européens tout blancs est la même qui philosophait tranquillement des siècles durant, se souciant éperdument de la barbarie européenne sévissant dans d'autres contrées où elle pensait qu'il n'y avait des hordes sauvages sans foi ni loi et surtout sans droit<ref name="Molins">Louis Sala Molins, Article « Génocide », ''Encyclopaedia Universalis'', DVD, 2007</ref>. Ainsi se trouve posé d'une manière radicale la question de l'unicité de la Shoah. Alan S. Rosenbaum<ref>Alan S. Rosenbaum, ''Is the Holocaust Unique? : Perspectives on Comparative Genocide'', Westview Press, 1996</ref> reprend les arguments en faveur de l'unicité de la Shoah : l'intention délibérée d'un État moderne d'exterminer un peuple ; l'instrumentalisation à cette fin d'un [[antisémitisme]] installé depuis des siècles ; la mobilisation de tout un appareil social et administratif ; l'effort immense pour rafler dans les pays occupés tous les Juifs pour les soumettre à un processus pour les réduire en [[esclavage]] et de les éliminer<ref name="Molins"/>. [[Christian Delacampagne]] pense que l'entreprise génocidaire obéit à quatre critères : volonté de détruire physiquement un groupe en tant que tel pour des raisons d'ordre national, ethnique, racial ou religieux, utilisation, à ces fins, des ressources de la [[bureaucratie]] et de la [[technologie]], des moyens d'action {{Guillemets|collectifs et modernes<ref>Christian Delacampagne, ''Une histoire du racisme'', Le Livre de Poche, 1998</ref>}}. Dans cette acception, le [[génocide arménien]], la [[Shoah]] et le [[Génocide au Rwanda|génocide rwandais]] sont de même nature. === La Shoah et la question humaine === [[Image:Four4ruine.jpg|thumb|left|Ruine du crématoire IV]] La [[Shoah]] est une telle négation de l'Homme dans ses fondements sociaux, moraux et philosophiques qu'elle amène les témoins à se pencher sur la question humaine. De fait, Primo Levi et Robert Antelme s'interrogent tous deux en 1947 afin de savoir {{Guillemets|si c'est un homme}} et ce qu'est {{Guillemets|l'espèce humaine}}. [[Bruno Bettelheim]] a connu en 1938, la déportation à [[Dachau]] puis à [[Buchenwald]] avant de pouvoir émigrer aux États-Unis en 1939<ref>Pamela Tytell, article « Bruno Bettelheim », ''Encyclopaedia Universalis'', DVD, 2007</ref>. Il consacre plusieurs livres à ce qu'il nomme l'analyse de « l'expérience de l'extrême », des effets de la terreur, de l'humiliation, et à la dégradation psychologique et morale qu'ils entraînent chez les victimes<ref>Bruno Bettelheim, « Comportement individuel et comportement de masse dans les situations extrêmes (1943) », dans ''Survivre'', Robert Laffont, 1979 et ''Le Cœur conscient'', Robert Laffont, 1997</ref>. [[Hannah Arendt]] débarrasse l'extermination de toute dimension mystique ou théophanique dans sa thèse célèbre sur la banalité du mal<ref>Hannah Arendt, ''Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal'', Gallimard, 1966, Folio, 1991 — Ouvrage compte-rendu du procès du responsable nazi à l'occasion duquel elle inventa l'expression {{Guillemets|banalité du mal}} et met en question l'action des Conseils juifs dans la déportation.</ref>. Elle analyse les [[nazi]]s comme des serviteurs du crime, simples rouages d'une énorme machine administrative devenue folle et inhumaine. Les interrogations sur la nature de l'espèce humaine nées après [[Auschwitz]] continuent à questionner les philosophes et les intellectuels. Pour [[Giorgio Agamben]], un philosophe italien né en 1942, Auschwitz est {{Citation|un lieu où l’état d’exception coïncide parfaitement avec la règle, où la situation extrême devient le paradigme même du quotidien<ref>Giorgio Agamben, ''Ce qui reste d’Auschwitz'', Rivages/poche, 2003</ref>}}. Pour lui, ni les règles de droit, ni la morale, ni les référence culturelles ou philosophiques ne peuvent expliquer le réel alors que le musulman, celui qui est chargé dans le camp de gérer les chambres à gaz et le four crématoire ne le peut plus<ref>[http://remue.net/spip.php?article116 Agamben, « Ce qui reste d’Auschwitz »], consulté le 26 juin 2008</ref>. Les philosophes questionnent le lien entre l'humain et l'inhumain, entre l'homme et le non-homme, l'individu et le collectif, l’intimement singulier et le général. La culpabilité n'est pas seulement celle des rescapés, elle est ici celle des contemporains de l'extermination que l'Histoire a épargnés mais qui ont perdu des proches<ref name="Ertel"/>. Les psychanalystes se sont eux aussi emparés de la Shoah à travers les notions de [[perlaboration]], de [[Travail de deuil|travail du deuil]], de [[Résilience (psychologie)|résilience]]. Parmi les nombreux ouvrages consacrés à ce sujet on peut citer ''L'Absence'' de [[Pierre Fédida]]<ref>Pierre Fédida, ''L'Absence'', Gallimard, Coll. « Connaissance de l'inconscient », 1978</ref> et ''Ce Temps qui ne passe'' pas [[Jean-Bertrand Pontalis]] <ref>Jean-Bertrand Pontalis, ''Ce temps qui ne passe pas'', suivi de ''Le compartiment de chemin de fer'', Gallimard, 1997</ref>. === Dieu et la Shoah === La [[Shoah]] a poussé les penseurs à s'interroger sur le silence de [[Dieu]]. En effet, pour beaucoup de Juifs, à l’heure de l’épreuve, le silence de Dieu est un scandale. Le [[rabbin]] [[Emil Fackenheim]], héritier de la pensée de [[Franz Rosenzweig]] et de [[Martin Buber]], et tributaire des interrogations d'Elie Wiesel, affirme que seule la tradition juive peut répondre à la question : malgré le mal, Dieu est-il présent dans l’histoire ? Pour lui, les Juifs sont {{Guillemets|Témoins pour Dieu et pour l'homme, même si nous (les Juifs) sommes abandonnés par Dieu et par l'homme}}<ref>Emil Fackenheim, '' Penser après Auschwitz'', Le Cerf, 1986</ref>. En 1938, emprisonné avec d’autres Juifs, Emil Fackenheim se fait interpeller par l’un d’eux : {{Guillemets|Vous avez étudié la [[théologie]] juive, n’est-ce pas Fackenheim ? Vous en savez donc bien plus que nous tous ici. Alors je vous demande ce que le [[judaïsme]] pourrait nous dire aujourd’hui}}. Fackenheim se promit alors de pouvoir répondre un jour à cette question. Après [[Auschwitz]], il pense que pour ne pas donner à [[Hitler]] la victoire à titre posthume, il est interdit au Juif de désespérer de l’homme et de son monde et de s’évader dans le cynisme ou dans le détachement. Si l'on peut parler, avec Martin Buber, d’éclipse de Dieu, il n’y a pas lieu de s’attarder sur la mort de Dieu, car cette image de Dieu est bien éloignée de la représentation que s'en fait le judaïsme<ref>[http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-presencedieu.html « La Présence de Dieu dans l'histoire »], consulté le 26 juin 2008</ref>. Le philosophe allemand [[Hans Jonas]] a tenté de définir ''[[Le Concept de Dieu après Auschwitz]]''<ref>Hans Jonas, ''Le Concept de Dieu après Auschwitz'', Paris, Rivages, 1994</ref>. Pour lui, une certitude émerge du désastre : après Auschwitz, le concept de la toute-puissance divine doit être abandonné. Ou alors, il faudrait admettre que Dieu a voulu ou permis l'extermination des Juifs.<br />. Pour le psychiatre juif [[Henri Baruk]], cet événement peut se concevoir comme une [[théophanie]], c'est à dire une manifestation divine négative. Pour lui, la Shoah est l'application des menaces de Dieu à [[Moïse]] en cas de rupture de l'[[Alliance (Bible)|Alliance]]. Selon Baruk, [[Karl Marx|Marx]] et [[Freud]], ces deux dissidents du [[judaïsme]] que la [[Bible]] désigne sous le nom de « faux prophètes » sont les grands responsables de cette rupture de l'Alliance qui entraîne une menace contre l'existence même du peuple juif. La Shoah est donc interprétée comme une punition. Dans une ligne proche, [[André Néher]] parle à propos de la Shoah d'un « échec de Dieu. » === Le témoignage et le Dire === [[Image:Stolperstein für Max Eichholz im Mittelweg 89 in Hamburg-Harvestehude.jpg|thumb|Stolperstein à Hambourg ([[:de:Max Eichholz|Max Eichholz]])]] L'essai, forme hybride entre document historique, récit biographique et réflexion philosophique, est devenu une des formes majeures de l'écriture de la Shoah. C'est un genre autonome qu'on peut retrouver dans le roman et même de la poésie. Adorno, en s'interrogeant sur la possibilité d'écrire de la poésie après Auschwitz ouvre un champ qui mobilise une grande partie de la réflexion contemporaine sur l'esthétique. Les essais se multiplient : [[Maurice Blanchot]] s'interrogent sur ''L'Écriture du désastre''<ref>Maurice Blanchot, ''L'écriture du désastre'', Gallimard, 1980</ref>. [[Jacques Derrida]] consacre plusieurs livres à la question : ''L'Écriture et la différence'' (1967), ''Schibboleth'' (1986), ''Feu la cendre'' (1986), ''Sauf le nom'' (1993), ''Khôra'' (1993), ''Apories'' (1996)<ref name="Ertel"/>. Le philosophe [[Paul Ricœur]] a développé une philosophie de la mémoire, définissant le [[devoir de mémoire]] comme une certaine forme d'injonction à se souvenir d'événements horribles, qui ne prend son sens que par rapport {{Guillemets|à la difficulté ressentie par la communauté nationale, ou par des parties blessées du corps politique, à faire [[Mémoire (sciences humaines)|mémoire]] de ces événements de manière apaisée}}. Il relève qu'il y a un glissement du bon usage à l'abus du {{Guillemets|[[devoir de mémoire]]}}, lorsque {{Guillemets|le devoir de rendre justice, par le souvenir, à un autre que soi}}, aux victimes à l'égard desquelles nous avons une dette à payer, s'érige en {{Guillemets|direction de conscience qui se proclame elle-même porte-parole de la demande de justice des victimes}} par une sorte de {{Guillemets|captation de la parole muette des [[victime]]s}}. L'interrogation sur le possibilité ou l'impossibilité du ''Dire'' traverse donc tous les essais, toutes les réflexions sur la [[Shoah]]. Comment dire le néant ? La parole des témoins doute de sa capacité à dire la réalité des faits dans leur vérité. L'indicible est devenu une sorte de lieu commun mais il soulève une vraie question sur l'articulation entre réalité et langage qui permet d'atteindre la vérité du dire<ref name="Ertel"/>. {{Guillemets|Effectivement. Comment peut-on décrire des choses qui « ne peuvent se décrire » et pour lesquelles « il n'y a pas de mots » ? Et pourtant il a fallu trouver des mots, parce que hormis les mots, il n'y avait presque rien[...]}}<ref>Simon Laks, ''Mélodies d'Auschwitz'', Le Cerf, 1991</ref>. C'est un musicien, [[Simon Laks]] qui le dit. == La littérature romanesque de la Shoah == {{article_détaillé|Liste de romans sur la Shoah}} Les questions posées par la littérature romanesque de la Shoah peuvent être résumées en deux phrases. La première d'Adorno : « Quelle est la légitimité de l'art confrontée à la souffrance extrême ? ; La seconde d'Aharon Appelfeld : « Seul l'art a le pouvoir de sortir la souffrance de l'abîme<ref>« Témoignages de la Shoah », ''Le Monde'', 11 mai 2007</ref> ». === L'écriture romanesque des rescapés des camps et des ghettos === ==== Les romans en yiddish ==== [[Image:Ruins of Warsaw (1945) 4.jpg|thumb|left|Les ruines du [[ghetto de Varsovie]] photographiées en 1945]] Les premières œuvres romanesques sont, comme les témoignages, dictées par la volonté de transmettre, de rendre cette expérience intelligible mais cette fois-ci dans une reconstitution utilisant les codes fictionnels. C'est en [[Yiddish]] que sont écrits les premiers romans. [[Chava Rosenfarb]] publie ''L'Arbre de vie'' (''Der boym fun lebn'' ; דער בוים פֿון לעבן), trilogie commencée dans le [[ghetto de Lodz]] et achevée en 1972. Elle est aussi l'auteure de poèmes écrits à [[Auschwitz]] où elle fut internée en 1944. Mordekhai Strigler relate sous forme romancée sa vie dans le camp de travail de Skarzysko-Kamienna où il fut envoyé après avoir passé sept semaines à [[Majdanek]]<ref>Mordekhai Strigler, ''Dans les usines de la mort'', ''In di Fabriken fun Toit'', Buenos Aires Tsentral Farband fun Poilshye yidn in Argentine, 1948</ref>. Il écrit ensuite ''Fabrique C'' en 1950 et les deux volumes de ''Destins'' en 1952. Isaïe Spiegel écrit plusieurs séries de nouvelles : ''Lumière d'abîme'' en 1952, ''Vent et racines'' en 1955 et ''Les Flammes de la terre<ref>Isaïe Spiegel, ''Les Flammes de la terre'', Gallimard, 2001. Ce roman d'amour, d'horreur et de mort se déroule pendant les derniers mois du ghetto de Lodz (hiver 1943 – été 1944) et correspond exactement à la vérité historique </ref>'' en 1966. [[Yehiel De-Nur]] utilise la forme romanesque pour livrer ses souvenirs sous le nom de « Ka-Tzetnik 135633 » ce qui signifie KZ (''Konzentrationslager'') 135633 en référence au numéro que les nazis ont tatoué sur son bras à son arrivée dans le camps d'Auschwitz.. Son œuvre sur la [[Shoah]] donnera naissance à un cycle de six romans étalés dans le temps. En 1946, Il écrit ''Salamandra''<ref>Ka-Tzetnik 135633, ''Salamandra'', Dvir, Tel Aviv, 1946</ref>, où il décrit le sadisme des nazis à Auschwitz. La ''Maison de filles'' de 1955 raconte l'histoire de Daniella, quatorze ans au début du récit, qui finit par aller travailler dans « la Maison de filles »<ref>Ka-Tzetnik 135633, ''Maison de filles'', Gallimard, 1958</ref>. Ka-Tzetnik évoque dans ce roman un bordel de [[prostitution]] forcée situé à l'intérieur du camp, un quartier cyniquement appelé « Division de la Joie » (en anglais, ''Joy Division''), d'après la terminologie nazie. Sont décrites les atrocités subies par les jeunes filles et les femmes juives, recrutées par les officiers nazis dans les camps pour être violées. ''Rachmil Bryks'' écrit des nouvelles en yiddish traduites en anglais sous le titre de ''A Cat in the Ghetto : Four Novelettes''<ref>Rachmil Bryks'', ''A Cat in the Ghetto : Four Novelettes'', Bloch Pub. Co, 1959</ref>. Elles parlent de la mort lente dans le ghetto. ==== Témoignages romanesques dans d'autres langues ==== [[Image:Sculpture - Dachau.JPG|thumb|Mémorial à tous ceux morts en tentant de s'enfuir du camp. Une sculpture semblable est exposé au [[Mémorial de Yad Vashem]] à [[Jérusalem]] en [[Israël]]]] D'innombrables romans sont écrits en diverses langues. Le français [[David Rousset]] écrit ses souvenirs d'ancien déporté dans ''Les Jours de notre mort''<ref>David Rousset, ''Les Jours de notre mort'', Hachette Littératures, coll. « Pluriel », 2004</ref> et dans ''Le pitre ne rit pas''<ref>David Rousset, ''Le pitre ne rit pas'', Éditions Du Pavois, 1948</ref>. Il dit l'abjection et la grandeur humaines qui se côtoient dans les camps. En langue allemande, on peut citer [[Lion Feuchtwanger]], l'un des chefs de file des intellectuels allemands qui luttent contre le [[nazisme]] avant guerre. Réfugié en [[France]] puis aux [[États-Unis]] à partir de 1940, il publie ''Le Diable en France''<ref>Lion Feuchtwanger, ''Le Diable en France'', Belfond, 1996</ref> en 1942. Il y raconte son internement en 1940 au [[camp des Milles]], près d'[[Aix-en-Provence]] ; il évoque les humiliations que la France a fait subir aux Allemands et Autrichiens antinazis qui avaient, en 1933, choisi ce pays comme terre d'asile<ref>[http://www.bibliomonde.com/auteur/lion-feuchtwanger-687.html « Lion Feuchtwanger »], consulté le 30 juin 1940</ref>. [[Fred Uhlman]], exilé d'Allemagne en 1933 écrit ''[[L'Ami retrouvé]]''<ref>Fred Uhlman, Léo Lack, ''L'Ami retrouvé'', Gallimard, 2001 et Coll. « Folio junior », 1999</ref>. [[Anna Seghers]] avec ''Transit'' (1944) livre aussi sous forme romanesque son histoire de réfugiée en France<ref>Anna Seghers, ''Transit'', Le Livre de Poche, 2004</ref>. Ils ont décrit dans des œuvres de facture classique l'étouffement progressif des exilés et des condamnés<ref name="Ertel"/>. En langue tchèque, l'écrivain le plus emblématique est [[Jiri Weil]]. En 1949, il publie plusieurs livres sur le thème de la Shoah et de l'exclusion des Juifs du monde par les nazis : un roman d'inspiration autobiographique ''Vivre avec une étoile''<ref>Jiri Weil, ''Vivre avec une étoile'' (''Život s hvězdou'', 1949), Éditions Denoël, 1992 ; réédition Éditions 10-18, Paris, « Domaine étranger » {{numéro}}2764, 1996</ref>, un impressionnant collage littéraire, ''Complainte pour 77&nbsp;297 victimes'' (''Žalozpev za 77297 obetí'') (1958) et un roman posthume ''Mendelssohn est sur le toit''<ref>Jiri Weil, ''Mendelssohn est sur le toit'' (''Na střeše je Mendelssohn'', 1960), Éditions Denoël, {{Guillemets|Empreinte}}, 1993 ; réédition 10-18, « Domaine étranger » {{numéro}}2888, 1997</ref>(1960). En langue polonaise, il faut citer deux auteurs : Tadeusz Borowski qui fait revivre l'horreur des camps avec une cruauté à peine soutenable dans un recueil de nouvelles ''L'Adieu à Marie'' (''Pożegnanie z Marią'' ), ou ''Le Monde de Pierre''<ref>Tadeusz Borowski, ''Le Monde de Pierre'', 1948, éd. Christian Bourgois, 2002</ref> ; [[Adolf Rudnicki]] qui montre la vie du ghetto avec un regard plein de compassion dans ''les Fenêtres d'or''<ref>Adolf Rudnicki, ''les Fenêtres d'or'', 1954 ; Gallimard, 1966</ref>. [[Ida Fink]], née en 1921 à Zbarav a pu s'échapper du ghetto de [[Lviv|Lwow]] en 1944. Elle écrit en polonais uniquement sur la Shoah. ''Dans Le Jardin à la dérive''<ref>Ida Fink, ''Le Jardin à la dérive'', Point, 1991</ref>, un recueil de nouvelles, elle trace le portrait de gens ordinaires confrontés à l'inimaginable. Dans ''Le Voyage''<ref>Ida Fink, ''Le Voyage'', Robert Laffont, 1992</ref>, elle raconte sous une forme romanesque son odyssée douloureuse sous l'identité d'une petite fille catholique pour échapper à ses bourreaux.<br /> L'écriture romanesque de ces écrivains décrit parfois avec un hyper-réalisme saisissant les situations, parfois même des visions de cauchemar, relevant du fantastique de l'horreur<ref name="Ertel"/>. Comme dans les récit des déportés, les scènes d'arrivée dans le camp de concentration reviennent comme dans des cauchemars. On peut citer le roman de Ka-Tzetnik 135633, ''La Pendule au-dessus de la tête'', paru en 1961. Les œuvres romanesques écrites en langue française par les rescapés de la Shoah empruntent différentes voies littéraires. ''Le Sel et le soufre'' d'[[Anna Langfus]] paru en 1960, évoque son périple pendant la guerre, ses qualités littéraires retiennent immédiatement l'attention de la critique et du public. Elle reçoit pour ce livre le prestigieux prix Charles Veillon. Le roman suivant, ''[[Les Bagages de sable]]'' obtient le prix Goncourt en 1962. Elle y présente sous la forme d'une aventure amoureuse râtée, le douleur d'une rescapée de la Shoah incapable de revenir au monde. Piotr Rawicz, né en [[Ukraine]] et exilé à Paris en 1947 après avoir miraculeusement survécu à l’extermination des Juifs d’Europe, cherche à élucider les raisons de sa survie dans ''Le Sang du ciel'', un roman étonnant qui oscille entre macabre et grotesque, violence et tendresse<ref>[http://remue.net/spip.php?article1907 Henri Meschonnic, « Pour Piotr Rawicz, à l’heure des ''Bienveillantes'', et la mise en crise du langage sur l’art »], consulté le 7 juillet 2008</ref>. Le premier roman de [[Jorge Semprun]] ''Le grand voyage''<ref>Jorge Semprun, ''Le grand voyage'', Gallimard, 1963</ref>, écrit à 40 ans, a comme thème la déportation. Ce roman autobiographique a la structure d'un récit oral. La trame chronologique est sans cesse perturbée par des digressions qui apparaissent au gré de la mémoire, par des mots-clés ou même une volonté rationnelle de souvenir. La narration est une odyssée de cinq jours dans le cadre unique d'un wagon de marchandise entre [[Camp de Royallieu|Compiègne]] et le camp de concentration de [[Buchenwald]]. Gérard, le narrateur repense à son passé et raconte des événements relatifs<ref>[http://www.hoffilux.lu/memoire/index.php?part=memoire&page=212 « La structure du roman ''Le Grand Voyage'' »], consulté le 7 juillet 2008</ref>. ==== Les enfants de la Shoah ==== [[Image:Gueto de v.jpg|thumb|Enfants dans le [[ghetto de Varsovie]]]] Ceux qui ont vécu la Shoah enfants livrent un regard différent. Ainsi [[Jurek Becker]], enfant du [[ghetto de Lodz]], des camps de [[Ravensbrück]] et de [[Sachsenhausen]], utilise le mode de dérision tragi-comique dans Jakob le menteur<ref>Jurek Becker, ''Jakob le menteur'', Grasset, 1999</ref>. Jakob répand la rumeur de libération prochaine du ghetto. Mais il finit, prisonnier de son mensonge avec tous les autres en route vers une destination non nommée : {{Citation|Nous allons où nous allons<ref name="Ertel"/>.}} [[Uri Orlev]], né en 1931, survivant du ghetto de Varsovie et du camp de [[Bergen-Belsen]], invente l'histoire d'Alex, gamin débrouillard, qui parvient à survivre avec sa souris blanche dans un abri clandestin qu'il a lui-même construit au sein du ghetto de Varsovie, ''Une île, Rue des Oiseaux''.<br /> Jaroslaw Marek Rymkiewicz, né en 1935, livre dans une œuvre inclassable, ''La dernière gare, Umschlagplatz''<ref>Jaroslaw Marek Rymkiewicz, ''La dernière gare, Umschlagplatz'', Robert Laffont, 1989</ref>, à la fois roman, essai et récit autobiographique ses souvenirs d'enfant polonais vivant tout près du ghetto de Varsovie. ''Umschlagplatz'', la « place du Transbordement » est la lieu d'où sont partis vers les camps de la mort, {{unité|310000|Juifs}} en 1942. L'œuvre d'Henryk Grynberg, né en 1936 à [[Varsovie]], a été caché pendant la guerre dans des familles « aryennes ». Il témoigne de ses expériences à travers des nouvelles et des romans comme ''L'enfant de l'ombre''<ref>Henryk Grynberg, ''Child of the Shadows'', Valentine, Mitchell, Londres, 1969</ref> où il raconte l'errance éperdue de son enfance, ''Drohobycz, Drohobycz and Other Stories : True Tales from the Holocaust and Life After'', un ensemble de nouvelles qui racontent entre autre l'assassinat de l'artiste [[Bruno Schulz]]<ref>Henryk Grynberg, ''Drohobycz, Drohobycz and Other Stories : True Tales from the Holocaust and Life After'', Penguin, 2002</ref> ou ''Children of Zion (Jewish Lives)'' où il raconte l'évacuation d'enfants d'Union soviétique vers la [[Palestine]] en 1943<ref>Henryk Grynberg, ''Children of Zion (Jewish Lives)'', Northwestern University Press, 1998</ref>. [[Louis Begley]], né en 1933, se penche sur son passé dans ''Une éducation polonaise''<ref>Louis Begley, ''Une éducation polonaise'', Cahiers rouges, 2002</ref>. Il évoque {{Citation|sa propre honte d'être en vie}}, la blessure d'une enfance polonaise passée dans la peur, le mensonge, le secret. [[Jerzy Kosiński]], autre enfant caché raconte lui aussi dans son premier roman, ''L'Oiseau bariolé''<ref>Jerzy Kosiński, ''L'Oiseau bariolé'' (''The Painted Bird''), 1966 ; J'ai Lu, 2007</ref>, en 1966, l'épopée d'un enfant juif dans les campagnes polonaises durant la [[Seconde Guerre mondiale]]. Le lecteur est confronté à une suite de scènes atroces dans lesquelles la violence et la cruauté atteignent leur paroxysme. Les tortures, tant morales que physiques, subies par l'enfant, sont contées avec monotonie dans un style sec, toujours sur le même tempo, comme si elles étaient les conséquences d'un mal inéluctable qui habite l'homme<ref>Christophe Mercier, Article « Jerzy Kosiński », ''Encyclopaedia Universalis'', DVD, 2007</ref>.<br /> Le hongrois [[Imre Kertész]], né en 1929 dont l'œuvre est profondément marquée par son expérience des camps. Dans son roman ''Être sans destin''<ref>Imre Kertész, '' Etre sans destin'' (''Sorstalanság''), Éditions 10/18, novembre 2002</ref>, le héros est un adolescent juif de quinze ans, comme lui à l'époque de son internement, Le jeune homme est arrêté puis déporté dans un camp de concentration nazi. Là, il considère les événements qui s'y déroulent comme quelque chose de « naturel compte tenu des circonstances ». De ce fait, la barbarie qu’il subit ne semble susciter en lui qu’indifférence (comme dans ''[[L'Étranger]]'' de [[Albert Camus|Camus]]). Kertész raconte, sans aucun effet pathétique, les crimes atroces qui se déroulent dans le camp. Il tente au contraire de s'en distancier, et de garder le point de vue d'un adolescent étonné. L'auteur pense qu'il est impossible d'écrire un roman sur la réalité d'Auschwitz sans choquer le lecteur. On ne peut que tenter de faire comprendre, par le trouble que suscite le récit, cette monstruosité humaine<ref>Fridrun Rinner, Article « Imre Kertész », ''Encyclopaedia Universalis'', DVD, 2007</ref>. ==== Pseudo-témoignages ==== La portée de la Shoah, et l'impact des témoignages, ont encouragé divers auteurs à publier des récits purement fictifs, les faisant passer pour d'authentiques récits de survivants. Parmi ceux-ci, [[Misha Defonseca|Monique De Wael, dite Misha Defonseca]] s'invente une [[Survivre avec les loups (roman)|jeunesse sibérienne passée avec les loups]]<ref>Misha Defonseca, ''Survivre avec les loups'', Robert Laffont, 1997</ref>, dont elle a reconnu le caractère fictionnel suite à la polémique déclenchée autour du livre ''Survivre avec les loups'', et du film qui en avaient été tirés<ref>[http://archives.lesoir.be/t-20080228-00F2CQ.html Marc Metdepenningen, « Les Aveux de Misha Defonseca », ''Le Soir'', 28 février 2008]</ref>. Elle avait été précédée en la matière par Bruno Grosjean, qui avait publié ses « souvenirs » sous le nom de [[Binjamin Wilkomirski]]<ref>{{en}} Binjamin Wilkomirski, ''Fragments. Memories of a Childhood, 1939–1948'', Schocken Books, New York, 1996</ref>, avant que les incohérences et le caractère fictionnel du récit ne soient définitivement établis en 1999<ref>Stefan Maechler, ''The Wilkomirski Affair: A Study in Biographical Truth'', traduit en 2001 de l'allemand par John E. Woods, en appendice au livre de Grosjean, Schocken Books, New York, {{ISBN|0-8052-1135-7}}</ref>. === La Shoah, un thème fictionnel devenu universel === Le choc de la Shoah a été tel dans le monde que de nombreux romanciers en ont fait un thème central pour leurs fictons romanesques. tous les pays d'Europe ont été touchés ainsi que toutes les communautés juives du monde. Mais pour la plupart de ces auteurs, qui n'ont pas fait l'expérience des camps, toute tentative de représentation directe semble impossible, voire indécente. Il faut donc trouver d'autres moyens pour parler de la Shoah, sans décrire les camps et ce qui s'y passait. ==== Les pionniers ==== La première tentative indirecte est certainement due à [[Saul Bellow]], l'un des maîtres du roman juif américain. Dans son premier roman, ''L’homme de Buridan'' (''Dangling Man'') publié en 1944, il évoque les exactions des [[Garde de fer|Gardes de fer]] roumains pendant la [[Seconde Guerre mondiale]]<ref>En février 1941, les fascistes de la Garde de Fer perpètrent un pogrom sanglant à Bucarest. 118 morts, des Juifs, sont identifiés. Les cadavres sont atrocement mutilés.</ref>. En Israël, [[Haïm Gouri]] s'inspire de ses expériences européennes en 1947<ref>Haïm Gouri, ''L'affaire chocolat'', Denoel, 2002 </ref>, pour écrire ''L'Affaire chocolat''. Il y dépeint deux survivants se retrouvant dans la Varsovie d'après-guerre, Robi, débordant d'initiative et d'esprit d'entreprise, qui réalise l'affaire en question, tandis que son compagnon Mordy se laisse submerger par la douleur et en meurt. [[Bernard Malamud]], l'autre grand maître du roman juif américain, oppose, dans sa nouvelle ''La Dame du lac''<ref>''The Lady of the Lake'' fait partie du recueil de nouvelles ''The Magic Barrel'' publiée en 1959</ref> de 1958, deux Juifs : une jeune femme italienne qui assume le numéro tatoué de déportée à Buchenwald, à celui de l'Américain Henry Levin, devenu Freeman qui, en changeant de nom, a renié son identité<ref name="Ertel"/>. Saul Bellow et Bernard Malamud reviendront plusieurs fois dans leur œuvre sur la Shoah, le premier dans ''La planète de M. Sammler''<ref>Lire le résumé et l’analyse du livre sur [http://www.saulbellow.org/NovelOverviews/Sammler.html saulbellow.org]</ref>, le second dans ''L'Homme de Kiev'' en 1966 et ''La Grâce de Dieu'', son dernier roman en 1982. Ils ouvrent la voie à toute une série de romans qui sans avoir comme sujet principal la Shoah, y font références par les biais d'un personnage ou d'un retour en arrière.<br /> Lorsque [[André Schwarz-Bart]] publie ''[[Le Dernier des Justes]]'' en 1959, la littérature romanesque de la Shoah en est encore à ses balbutiements en France. Ce roman qui raconte par le truchement une saga familiale, l'histoire des Juifs d'Europe du XIIe siècle à Auschwitz connaît un succès phénoménal (plus d'un million d'exemplaires vendus et un [[prix Goncourt]]). Le public français prend conscience de l'horreur du génocide juif qu'il peut situer dans la perspective historique du vieil antisémitisme européen. L'impact fort de ce livre est tel que le « [[Kaddish]] » qui termine le livre est aujourd'hui inscrit en lettres géantes sur un mur de [[Yad Vashem]]<ref name="schwbart">Francine Kaufmann, « André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part », ''L’Arche'', {{numéro}}583, décembre 2006, {{p.}}84-89, disponible sur [http://judaisme.sdv.fr/perso/schwbart/arche.pdf judaisme.sdv.fr] {{pdf}}</ref>. ==== Les romanciers anglo-saxons ==== [[Image:YadVashemBazan1.jpg|thumb|Fresque de [[Yad Vashem]]]] En 1961, l'américain Edward Lewis Wallant publie ''Le Prêteur sur gages''. Sol Nazerman, le prêteur, est un rescapé de [[Dachau]] et de [[Bergen-Belsen]]. [[Philip Roth]] dont les romans racontent l'histoire de Juifs américains, évoque souvent le souvenir de la Shoah. Dans son premier opus, ''Goodbye, Columbus''<ref>Philip Roth, ''Goodbye, Columbus'', Gallimard, 1959</ref>, la Shoah apparaît dans une des six nouvelles, ''Eli le Fanatique''. Dans le petite communauté de Woodenton, ''Eli Peck'', un avocat juif assimilé de la petite ville, est chargé de faire partir une communauté juive fraîchement émigrée d'Europe de l'Est. Il se retrouve face à une communauté qui a tout perdu<ref>Une analyse intéressante de la nouvelle est disponible dans : [http://209.85.129.104/search?q=cache:S8Uw0diIfBUJ:www.univ-brest.fr/amnis/documents/Pinconnat2001.doc+%22Eli+le+fanatique%22&hl=fr&ct=clnk&cd=6&gl=fr Crystel Pinçonnat, ''Assimilation ou fidélité aux valeurs du Vieux Monde ? La nouvelle et sa représentation de l'immigration juive aux États-Unis'', Université de Bretagne Occidentale (Brest), mai 2001]</ref>. Par la suite, l'écriture de Philip Roth n'aborde la Shoah que sous les formes de l'absurde, du grotesque, du macabre. Roth donne naissance à son double littéraire dans ''L'écrivain des ombres'', « Nathan Zuckerman ». Celui-ci rencontre une belle inconnue qu'il imagine être une [[Anne Franck]] rescapée de Bergen-Belsen qui, apprenant sur le tard la survie de son père lors de la publication de son fameux journal, choisit de garder le silence pour laisser à son témoignage « posthume » toute sa force d'impact sur la prise de conscience de la Shoah<ref>[http://www.babelio.com/critiques/Roth-LEcrivain-des-ombres/10732 « L'écrivain des ombres »], consulté le 9 juillet 2008</ref>. Dans ''Opération Shylock'' l'écrivain aborde une nouvelle fois le thème de la judéïté au XXe siècle et se demande comme être Juif au XXe siècle, après l'holocauste, alors qu'un État juif, existe désormais. Le narrateur, Philip Roth lui-même, apprend qu'un certain « Philip Roth » sévit en Israël, donnant des conférences sur le diasporisme ou le retour des Juifs ashkénazes dans leurs patries respectives.<br /> [[Cynthia Ozick]] propose une œuvre, elle aussi étonnante. Le héros du ''Messie de Stockholm'' est un critique littéraire suédois qui se prend pour le fils naturel de [[Bruno Schulz]], l'écrivain polonais assassiné par les nazis. Il recherche le manuscrit d'un roman mythique et perdu de son père imaginaire, ''Le Messie''<ref>Cynthia Ozick, ''Le Messie de Stockholm'', Seuil, 2005</ref>. ''Le Châle'', tourne autour de ''Rosa Lublin''. survivante d'un camp de la mort, elle ne se remet pas de la perte de son bébé qu'elle avait enveloppé dans un châle pour le cacher aux nazis : {{Citation|Ma nièce Stella, énonça lentement Rosa, dit qu’en Amérique les chats ont neuf vies, mais nous, nous sommes moins que les chats, alors nous en avons trois. La vie avant, la vie pendant, la vie après<ref>Cynthia Ozick,'' Le châle'', 1991 ; Seuil, 2005</ref>.}} Chez les auteurs anglais, la Shoah n'apparait que très tardivement comme thème romanesque. D.M. Thomas écrit en 1981, ''L'hotel blanc''<ref>D.M. Thomas, ''L'hôtel blanc'' (''White Hotel''), Le Livre de Poche, 1983</ref> livre au ton ironique et grave, mélant la psychanalyse et la Shoah<ref>Richard Pedot propose une analyse du livre dans : [http://www.paradigme.com/sources/SOURCES-PDF/Pages%20de%20Sources10-2-2.pdf ''The White Hotel'' de D. M. Thomas : jeux et enjeux de l'interprétation, Université de Paris X-Nanterre, 2001] {{pdf}}</ref>. ==== La littérature israëlienne de la Shoah ==== [[Image:YadVashemBazan2.jpg|thumb|Fresque de [[Yad Vashem]]]] Comme dans tous les pays d'accueil, les rescapés qui émigrent en Israël arrivent plein de récits horrifiques et comme partout ailleurs, ils constatent vite qu'« une barrière de sang et de silence » les sépare de leurs compatriotes<ref name="CShoah">Nicolas Weill et Annette Wieviorka, « La construction de la mémoire de la [[Shoah]] : les cas français et israélien », ''Les cahiers de la Shoah'' {{numéro}}1, 1994 {{lire en ligne|lien=http://www.anti-rev.org/textes/Weill94a/}} sur anti-rev.org</ref>. Pourtant, on estime qu'un Israélien sur trois est un survivant de la Shoah à la fin de 1949, soit {{unité|350000|personnes}} environ. Mais L'idéologie sioniste met en avant l'héroïsme de l'armée israélienne qu'elle oppose souvent à la soumission des Juifs de la diaspora qui se seraient laissé mener à la mort « comme des moutons à l'abattoir »<ref name="Ertel"/>. Ce n'est qu'en 1953 que la [[Knesset]] vote la loi sur la Shoah et accorde officiellement à [[Yad Vashem]] la fonction de « réunir, rechercher et publier l'ensemble des faits relatifs à la Shoah<ref>Loi du 9 août 1953 sur la Shoah et la Guevoura</ref> ». Mais la parole des témoins reste peu audible. Il n'est donc pas étonnant que les écrivains israéliens de langue hébraïque se soient lancés tard dans l'évocation romanesque de la Shoah. Le réveil vient avec le procès d'[[Adolf Eichmann]] qui s'ouvre à [[Jérusalem]]. Gideon Hausner, le procureur général israélien convoque à la barre un grand nombre de témoins qui bouleversent l'auditeur lors de leur passage à la barre. Ils provoquent l'identification aux souffrances des victimes<ref name="CShoah"/>. Mais il faut encore beaucoup de temps pour que les écrivains israéliens de langue hébraïque évoque la Shoah dans leurs œuvres, à l'exception notable d'[[Aharon Appelfeld]] et de [[Haim Gouri]]. Yoram Kaniuk l'évoque dans dans ''Le Dernier berlinois'' et ''Adam ressuscité''. De jeunes auteurs, n’ayant vécu la Shoah que dans la mémoire collective d'Israël, se mettent eux aussi à en parler : Savion Liebrecht dans son recueil de nouvelles, ''Un toit pour la nuit'', ou surtout [[David Grossman]] dans ''Voir ci-dessous Amour''. Il présente l'anéantissement comme un événement qui pétrit l'identité d'Israël et détermine le destin, non seulement de ceux qui l'ont affronté, mais aussi de ceux qui ne l'ont pas connu<ref name="Ertel"/>. Amir Gutfreund introduit une dose d'ironie et de tendresse dans ''Les gens indispensables ne meurent jamais''<ref>Amir Gutfreund, ''Les gens indispensables ne meurent jamais'', Gallimard, 2008</ref>. Deux enfants, plein de vie, y harcèlent de questions de vieux survivants pour leur arracher, bribe après bribe, leurs souvenirs de ces années tragiques. [[Aharon Appelfeld]] est né en 1932 en [[Roumanie]] avec comme langue maternelle l'allemand. Il a émigré en 1946 en Israël après qu'il a perdu ses deux parents durant la Shoah. Ses romans inscrivent l'anéantissement dans l'imaginaire littéraire [[hébreu]], langue qu'il a appris à l'âge de quatorze ans<ref name="Ertel"/>. Il n’évoque pas directement la Shoah, un événement réellement innommable, mais le temps d’avant et d’après la tragédie. Ses héros sont des Juifs assimilés, qui ne se reconnaissent pas dans une identité juive. Ils sont d'autant plus désarmés lorsqu’ils doivent affronter leur destin de Juifs. Aharon Appelfeld décrit aussi des rescapés incapables de se libérer d’un passé douloureux qui les poursuit, incapables de se forger une vie nouvelle. Pour montrer l'écroulement du monde autour de ses personnages il décrit un monde d'inquiétante étrangeté, d'espaces qui se rétrécissent, d'horaires qui se dérèglent, de trains sordides qui roulent dans des paysages indistincts<ref name="Ertel"/>. ==== La Shoah dans la littérature allemande ==== [[Image:Buchenwald Forced Labor Gallows 13137.jpg|thumb|Des SS surveillant des déportés dans le camp de [[Buchenwald]]]] Mis à part, [[Peter Weiss]], [[Juif]] allemand ayant échappé à la [[Shoah]], il est impossible aux écrivains allemands d'affronter la Shoah autrement qu'en dénonçant son aspect destructeur sur la société allemande. [[Heinrich Böll]], le premier, à une époque où la [[Allemagne de l'Ouest|RFA]] veut oublier son passé récent et honteux, explore dans ses nouvelle la culpabilité allemande et les désastres psychologiques et humains engendrés par le nazisme et la guerre. Ce catholique aussi sincère qu’atypique, déserteur de la ''[[Wehrmacht]]'', livre dans un court roman publié en 1953, ''Rentrez chez vous Bogner !'' le portrait d'une Allemagne qui ne croit plus en rien et où rôde l'ombre des crimes du [[nazisme]]<ref>Heinrich Böll, ''Rentres chez vous Bogner !'', Seuil, 1990</ref>. Dans ''Les enfants des morts''<ref>Heinreich Böll, ''Les enfants des morts'', Le Seuil, 1955 ; réédition 2001</ref>, il offre la peinture quotidienne d’une nation blessée dont la guerre a désorganisé les structures et démoli les familles. Il dénonce la mise à mort de l'humain, le mensonge et le déni, l'inconscient trouble d'une Allemagne qui refuse d'assumer sa culpabilité, qui masque l'innommable derrière les oripeaux d'une démocratie factice dont la prospérité se construit sur les cadavres<ref name="Ertel"/>.<br /> Peter Weiss, dont la famille s'est exilée en [[Suède]] en 1938, écrit après une visite à [[Auschwitz]] : {{Citation|C'est une localité à laquelle j'étais destiné et à laquelle j'ai échappé<ref>Peter Weiss, « ''Meine Ortschaft'' » dans ''Du palais à l'enfer'', 2000</ref>.}} Il assiste au procès de vingt-deux responsables du camp d’Auschwitz à [[Francfort]]. Comme le procès d'Eichmann à Jérusalem, ce procès de vingt mois (20 décembre 1963-19 août 1965) joue un rôle important dans la prise de conscience de la population allemande. À partir de ses notes et de la transcription intégrale des débats dans le ''Frankfurter Tageszeitung'', Weiss écrit ''L’Instruction'' qui appartient au genre du théâtre documentaire. Les témoignages, les plaidoyers sont organisés sous forme de pièce de théâtre<ref>[http://remue.net/spip.php?article1996 Peter Weiss, « L’Instruction, théâtre documentaire »], consulté le 11 juillet 2008</ref>.<br /> [[Günter Grass]] a reçu le [[prix Nobel de Littérature]] en 1999 {{Citation|pour avoir dépeint le visage oublié de l'histoire dans des fables d'une gaieté noire}}. ''Les années de chien''<ref>Günter Grass, ''Les années de chien'', Seuil, 1999</ref> (1963) racontent l'évolution de l'Allemagne entre 1920 et 1955. C'est l'occasion pour l'auteur engagé de reconstituer la généalogie du mal qui culmine en ce tas d'ossements {{Citation|[...] un monticule blanchâtre, une usine fumant lourdement<ref name="Ertel"/>}}. Mais l’aveu tardif par Günter Grass de son engagement dans la ''[[Waffen SS]]''<ref>Aveux fait dans ''En épluchant les oignons'', Seuil, 2007,</ref>, à 17 ans, à la fin de la guerre, a causé de nombreux remous et interrogations sur le sens de l'œuvre de l’écrivain, dénonciation ou rideau de fumée sur son passé ? Le dramaturge [[Thomas Bernhard]] dénonce, quant à lui l'hypocrisie de l’[[Autriche]]. ''[[Le Liseur]]'' (''Der Vorleser'') de [[Bernhard Schlink]] publié en [[Allemagne]] en 1995 est construit en deux parties : le récit de l’initiation amoureuse du narrateur par une femme qui se révèle être une ancienne gardienne de camp, puis celui de son arrestation, de son procès et de son suicide. Au delà du récit, le livre a pour thèmes les difficultés à comprendre la Shoah pour les générations postérieures à celle-ci, et demande si elle peut se comprendre par le seul langage. ==== La littérature française et la Shoah ==== {{...}} [[Romain Gary]], dans ''[[La Danse de Gengis Cohn]]'' publiée en 1967, donne la parole à un [[dibbouk]], fantôme d'un Juif assassiné qui s'est emparé à jamais de son bourreau<ref name="Ertel"/>. Plus de 20 ans après Schwartz-Bart, [[Marek Halter]] renoue avec le genre de la saga familiale en racontant l'histoire d'une famille ballotée par les persécutions et les aléas de l'histoire de 70 à l'insurrection du [[ghetto de Varsovie]] dans ''La mémoire d'Abraham<ref>Marek Halter, ''La mémoire d'Abraham'', 1983 ; réédition Pocket, 2005</ref>''. ==== La Shoah vue du côté des bourreaux ==== {{...}} [[Image:Buchenwald Hinzert SS 34557.jpg|thumb|Les SS de [[Buchenwald]]]] Philosophes, psychanalystes, historiens, écrivains se sont penchés sur la question : Comment un homme peut-il commettre de telles horreurs ? Certains écrivains ont essayé de se mettre dans la tête des bourreaux écrivant des fictions toujours dérangeantes. La caractéristique de ces romans est en effet la crudité des détails, qu'on ne retrouve guère chez les romanciers de la Shoah qui n'ont pas connu la terrible expérience concentrationnaire. Ils puisent ces détails dans les récits des survivants mais les intègrent comme une donnée banale pour les bourreaux. Le ton est donc cynique et froid, neutre et détaché dans ces ouvrages où les monstruosités sont accomplies en toute bonne foi avec le sentiment d'agir pour « la bonne cause ». En 1991, parait ''La flêche du temps''<ref>Martin Amis, ''La Flèche du temps'', Christian Bourgois, 1993</ref> de [[Martin Amis]]. Le livre, en mode narratif à la première personne, raconte l'histoire de « Tod Friendly », un vieux monsieur qui traverse sa vie en sens inverse, comme un film qu'on regarde en le rembobinant. Le lecteur découvre alors le métier de [[médecin]], les changements d’identité à répétition, les cauchemars de Friendly pour finalement découvrir son terrible passé de médecin nazi à [[Auschwitz]]. Amis dépeint le quotidien d’un médecin et l'univers hospitalier {{Citation|où les atrocités se succèdent sans qu’on puisse les arrêter. Comme s’il fallait de nouvelles atrocités pour valider les atrocités précédentes.}} Le romancier ne passe sur aucun détail du quotidien d'Auschwitz. == La poésie de l'anéantissement == {{article_détaillé|Liste d'œuvres poétiques sur la Shoah}} [[Image:Kacenelson.jpg|thumb|Ytshak Katznelson]] {{...}} {{Guillemets|La poésie en tant que témoignage est la voix humaine qui dit l'irréductible humain}}<ref>Rachel Ertel, ''Dans la langue de personne, Poésie yiddish de l'anéantissement'', Seuil, 1993, {{p.}}28</ref>. [[Ytshak Katzenelson]]<ref>Ytshak Katzenelson, ''le chant du peuple juif assassiné'', (traduit du yiddish par Batia Baum), présenté par Rachel Ertel ; édition française Zulma, 2007 {{ISBN|2-8430-4408-1}}</ref>, écrivain et poète réputé, est enfermé dans le [[ghetto de Varsovie]]. Un faux passeport lui permet alors de gagner la [[France]]. Interné au [[camp de Drancy]] puis de Vittel par le gouvernement de Vichy, il est livré aux Allemands avant qu'il ne soit capturé, puis interné au camp de [[Vittel]], antichambre d'Auschwitz pour lui et son fils. C'est à Vichy que l'on retrouve le manuscrit de son poème en yiddish, ''Le Chant du peuple juif assassiné''. [[Paul Celan]], poète de langue allemande, né roumain et naturalisé français le 8 juillet 1955, écrit : :Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit :nous te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne :nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons :la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu :il te touche d’une balle de plomb il te touche juste :un homme habite dans la maison tes cheveux d'or Marguerite :il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel :il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne == BD et Shoah == {{article_détaillé|Liste de bandes dessinées relatives à la Shoah}} La [[bande dessinée]], considérée comme un art mineur réservé aux enfants pendant très longtemps, s'est intéressée tardivement à la [[Shoah]]. L'album ''La bête est morte''<ref>Edmond-François Calvo, Victor Dancette et Jacques Zimmermann, ''La bête est morte'', 1947 ; réédition Futuropolis, 1977</ref> publié en 1947 et qui raconte la Seconde Guerre mondiale sous forme d'histoire animalière, n'évoque pas du tout la Shoah. En effet, la prise de conscience de la spécificité de la Shoah n'a pas encore eu lieu. De même, le journal catholique ''Cœurs Vaillants'' raconte en 1945, sous forme de BD, un épisode de la vie d’un curé à Buchenwald sans que les Juifs ne soient même mentionnés. Aux [[États-Unis]], le magazine de BD ''Impact {{numéro}}1'' publie en 1955 une histoire de Bernie Krigstein. Elle raconte la rencontre fortuite d’un ancien détenu des camps et de l’un de ses bourreaux. Cette courte histoire (8 pages) dont le titre est ''The Master Race''<ref>Disponible dans ''Les Meilleures histoires d’horreur'', Humanoïdes Associés, collection « Xanadu », 1994</ref> est une leçon de bande dessinée par sa maîtrise narrative, et un magnifique hommage aux victimes juives<ref name="BD">[http://www.actuabd.com/spip.php?article2038 « Il y a 60 ans, Auschwitz... »], consulté le 8 juillet 2008.</ref>. Les années 1980 voient paraître le premier chef d'œuvre de bandes dessinées consacré à la Shoah. Il s'agit de ''Maus'' d'[[Art Spiegelman]] que l'auteur met dix ans à terminer. L'ouvrage raconte à la fois de l’histoire de sa famille à travers ses rapports difficiles avec son père, un survivant des camps, et de la grande histoire grâce aux souvenirs de son père. L’auteur montre la vie dans les camps, le comportement des populations civiles, ce que doivent faire les fugitifs pour survivre. Les Juifs sont représentés par des souris, les Allemands par des chats<ref name="BD"/>.<br /> Une autre œuvre a marqué l'histoire de la BD, ''L’Histoire des 3 Adolf'' d'Osamu Tezuka<ref>Osamu Tezuka, ''L’Histoire des 3 Adolf'', Tonkam, 1983-1985</ref>. Cet auteur de bande dessinée, reconnu dans son pays, mélange l'histoire de trois personnages au même prénom, [[Adolf Hitler]] lui-même, un Juif habitant au Japon et l’autre, dont la mère est japonaise et mariée à un dignitaire nazi<ref name="BD"/> dans une série de [[manga]]s en quatre volumes et plus de {{unité|1200|pages}}. == Voir aussi == === Bibliographie === NB : ''Les références complètes des livres mentionnés dans l'article sont disponibles dans les notes au bas de page. Elles sont aussi consultables ainsi qu'un choix plus important d'ouvrage dans les articles [[Liste des témoignages et journaux intimes écrits pendant la Shoah]], [[Liste de romans sur la Shoah]], [[Liste de récits de rescapés de la Shoah]], [[Liste d'essais sur la Shoah]] et [[Liste d'œuvres poétiques sur la Shoah]].'' * Collectif, ''Littérature européenne des camps de concentration et d'extermination nazis ; Dictionnaire critique'', CILEC, 2008 * Collectif, {{Guillemets|La Shoah dans la littérature française}}, ''Revue d'histoire de la Shoah'', {{numéro}}176, mai 2006 * Collectif , « La littérature et les camps » , ''Le Magazine littéraire'' {{numéro}}438, janvier 2005 * Mounira Chatti, ''L'écriture de la Déportation et de la Shoah ou la double impossibilité : entre le silence et le dire'', Septentrion, Paris, 2000 * Anny Dayan, ''Les alphabets de la Shoah. Survivre. Témoigner. Écrire'', CNRS Éditions, 2007 * Rachel Ertel : ** ''Le Roman juif américain : une écriture minoritaire'', Payot, 1980 ** ''Dans la langue de personne, Poésie yiddish de l'anéantissement'', Seuil, coll. « Bibliothèque du {{s-|XX|e}} », 1993 ** ''Brasier de mots'', Liana Levi, 2003 * Alain Goldschläger, ''La Shoah : témoignage impossible'', éd. Presses de l'Université de Bruxelles, 1998 * Béatrice Gonzalés-Vangell, ''Kaddish et Renaissance - La Shoah Dans Les Romans Viennois (1991-2001) De Robert Schindel, Robert Menasse et Doron Rabinovici'', Presses Universitaires Du Septentrion, 2005 * Clara Lévy, ''Les écrivains juifs après la Shoah'', Presses Universitaires de France, 1998 * Annelies Schulte Nordholt, Perec, Modiano, Raczymow, ''La génération d’après et la mémoire de la Shoah'', Rodopi, 2008 *[[Annette Wieviorka]], ''Déportation et génocide, entre la mémoire et l'oubli'', Plon, Paris, 1992 ; 1998 * Alain Parrau, ''Écrire les camps'', éd. Belin, 1995. === Liens internes === * [[Cinéma et Shoah]] * [[Devoir de mémoire]] === Liens externes === * Archives ** [http://www.archiwa.gov.pl/memory/sub_ringelblum/index.php?va_lang=fr&fileid=001 Oneg Shabbat], quelques documents rassemblés par l'Oneg Shabbat. ** [http://pagesperso-orange.fr/d-d.natanson/litterature_shoah.htm Littérature et Shoah], poème, contes et berçeuses de déportés juifs. ** [http://www.cicad.ch/index.php?id=44 Bibliographie de la Shoah] ** [http://www.glenatbd.com/pageshtm/12vecu/124mag/41diaspora.pdf Bandes dessinées et judéité] * Analyses ** Philippe MESNARD, [http://www.revue-texto.net/Inedits/Mesnard_Levi.html Primo Levi, du rapport sur Auschwitz à la littérature] ** Peter Kuon, [http://www.campmauthausen.org/Ch.%20enseigner/nanteskuon.html Homme ou bête : Les réflexions sur le statut du déporté dans le récit concentrationnaire] ** Patrick Bruneteaux, [http://www.cairn.info/revue-sud-nord-2003-1-page-39.htm Figures du dédoublement : la mort lente ou le travail de divinisation du bourreau] ** [http://www.anti-rev.org/textes/ Ressources documentaires sur le génocide nazi et sa négation] == Notes et références == {{Références|colonnes=2}} {{Portail|Littérature|Nazisme}} [[Catégorie:Littérature de la Shoah|*]] [[Catégorie:Œuvre ayant pour thème le nazisme]] [[Catégorie:Mémoire de la Shoah]]