Mines du Laurion
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31865318
2008-07-25T02:23:46Z
Huesca
374587
[[Image:Carte du Laurion antique.jpg|thumb|450px|Carte du Laurion antique]]
Les '''mines du [[Laurion]]''' sont d'anciennes mines d'[[Argent (métal)|argent]], situées au sud de l'[[Attique]], entre [[Thorikos]] et le cap [[Sounion]], en Grèce.
Les mines du Laurion étaient exploitées peut-être dès le [[IIIe millénaire av. J.-C.]], de manière certaine à l'époque mycénienne<ref>Léopold Migeotte, ''L'économie des cités grecques'', Ellipses, 2007, p. 89.</ref>, au {{-s|XIV|e}}, comme l'attestent des exportations d'argent du Laurion vers la [[Crète]], [[Santorin]] et l'[[Égypte]]. L'exploitation était alors de surface, le minerai affleurant au contact du schiste et du calcaire. L'exploitation devint plus systématique au {{-s|VI|e}} sous [[Pisistrate]] et surtout au {{-s|V|e}}, avec la découverte d'un filon souterrain dont
l'exploration fut intense : on dénombre aujourd'hui plus de {{formatnum:2000}} puits et 120 à 150 km de galeries datant de cette époque<ref>Charles Daremberg, Edmond Saglio ''Dictionnaire des antiquités grecques et romaines'', tome 3, volume 2, Hachette, 1877-1914, p. 1860.</ref>. Cette grande activité minière entraîna à [[Thorikos]], sur la côte Est, la création d'une zone urbaine, voire d'une véritable petit « centre industriel »<ref>L. Migeotte, ''ibid''</ref> rassemblant les ateliers de surface autour du noyau civique et d'un théâtre de {{formatnum:2700}} places construit à cette époque<ref>Pierre Briant et Pierre Lévêque (dir), ''Le monde grec aux temps classiques'', tome 1, PUF, 1995, p. 326.</ref>.
== Une source de richesse pour Athènes ==
[[Image:SNGCop 039.jpg|thumb|290px|Tétradrachme d'Athènes, frappé avec du minerai d'argent, après -449]]
Le Laurion devint au {{-s|V|e}} une source importante de revenus pour les [[Athènes|Athéniens]], « une source d'argent, un trésor que leur fournit la terre » écrit [[Eschyle]] dans ''[[Les Perses]]''. La cité exploita en effet à cette époque un nouveau filon particulièrement riche, près du bourg de Maronée, qui, contrairement aux précédents, n'apparaissait pas à la surface et nécessitait donc une exploitation souterraine.
La découverte de ce filon , en [[-483|483 av. J.-C.]], peu de temps avant la [[guerres médiques|deuxième guerre médique]], permit à Athènes de disposer d'un revenu d'environ cent [[talent]]s par an (600 000 drachmes)<ref>[[Edouard Will]], ''le monde grec et l'orient'' tome 1, PUF, 1994, p. 102.</ref>. Plutôt que de partager cette plus-value entre tous les citoyens comme il était d'usage, [[Thémistocle]] proposa que les revenus de la mine soient distribués aux plus riches des Athéniens, à charge pour eux de faire construire, en deux tranches annuelles, 200 [[trière]]s<ref>[[Edmond Levy]], ''la Grèce au Vème siècle'', Seuil, 1995 ; « Les Athéniens avaient coutume de se partager le revenu des mines d'argent du Laurion ; Thémistocle, tout d'abord, osa seul se présenter devant le peuple pour dire qu'il fallait arrêter ce partage et, avec ces sommes, équiper des trières » [[Plutarque]], ''Vie de Themistocle'', 4, 1 ; « Il y avait dans le trésor public de grandes richesses provenant des mines de Laurium. On était sur le point de les distribuer à tous les citoyens qui avaient atteint l'age de puberté, et chacun d'eux aurait reçu pour sa part dix drachmes. Thémistocles persuada aux Athéniens de ne point faire cette distribution, et de construire avec cet argent deux cents vaisseaux pour la guerre. » [[Hérodote]], VII, 144.</ref>. En [[-480|480 av. J.-C.]], Athènes possédait ainsi ces 200 trières, ce qui en faisait la plus puissante flotte grecque. La [[bataille de Salamine|victoire de Salamine]] et, par la suite, la prépondérance de l'empire athénien dans le cadre de la [[ligue de Délos]] sont les conséquences directes de cette suprématie<ref>En outre, cela permit aux citoyens pauvres ([[thètes]]), rameurs dans ces trières et donc responsables de la victoire déterminante de Salamine, d'augmenter leur poids dans la cité et d'obtenir un approfondissement de la démocratie, comme le souligne Edouard Will, ''op. cit.'', p. 102.</ref>.
Ces revenus importants étaient constitués des loyers versés à la cité par les concessionnaires. En effet, si le sous-sol appartenait exclusivement à la cité d'Athènes, cette dernière ne les exploitait pas directement, mais les affermait ; d'où la nécessité pour les détenteurs de ces baux d'une exploitation maximale des filons qui leur étaient affectés et la pression exercée sur la main-d'œuvre servile employée sur le site ; d'où également le grand nombre de puits, parfois très proches les uns des autres, correspondant chacun à une concession différente. En revanche, les terres elles-mêmes, agricoles ou non, sous lesquelles se trouvaient les mines, restaient la propriété de particuliers, de même par conséquent que les établissements de surface (laveries, ateliers métallurgiques) qui y étaient implantés.
Les mines constituaient par ailleurs une autre source de revenu pour les Athéniens, dans la mesure où, le plus souvent, les [[esclavage en Grèce antique|esclaves]] exploitées appartenaient à des particuliers qui les louaient au concessionnaire pour une [[obole]] par homme et par jour, soit 60 [[drachme]]s par an. Cette location d'esclaves représentait un placement très prisé à Athènes<ref>Pierre Carlier, ''Le IVème siècle grec'', Seuil, 1995, p. 202.</ref> : certains Athéniens riches, comme [[Nicias]]<ref>« Jadis Nicias, fils de Nicératos, avait mille ouvriers dans les mines, qu’il louait à Sosias de Thrace, à condition que celui-ci lui paierait une redevance nette d’une obole par jour et par homme. » [[Xénophon]], ''Sur les revenus'', IV.</ref> au {{-s|V|e}}, se spécialisèrent dans ce type d'activité et [[Xénophon]] suggéra même que la cité investisse dans un nombre important d'esclaves (trois par citoyen) pour les louer dans les mines et s'assurer ainsi des revenus réguliers<ref>Xénophon, ''Sur les Revenus'', IV.</ref>.
La possession et l'exploitation des mines pouvaient entraîner la constitution de riches dynasties familiales, comme le montrent les surnoms évocateurs des ascendants d'Hipponichos (II), qui possédait 600 esclaves au Laurion à la fin du Ve siècle : son grand père Hipponichos (I) était surnommé ''Ammôn'' « l'homme du sable » dans la mesure où il exploitait les gisements argentifères de surface au début du Ve siècle, et son père Callias, au moment où on exploitait le troisième contact de Maronée, était surnommé ''Lakoploutos'' « riche par ses trous »<ref>Raymond Descat, ''Le monde grec aux temps classiques'', PUF, 1995, p. 327.</ref>.
Les filons s'épuisèrent peu à peu, devenant moins importants au {{IVe siècle av. J.-C.}} L'exploitation connut une nette reprise en [[-355|355 av. J.-C.]]<ref>Pierre Carlier, ''op. cit.'', Seuil, 1995.</ref>, mais au temps de l'occupation [[Empire romain|romaine]], les revenus de la mine étaient négligeables, et les mines furent finalement abandonnées au [[Ier siècle av. J.-C.]]<ref>L. Migeotte, ''ibid.''</ref>.
== Une main d'oeuvre servile et abondante==
[[Image:Mineurs grecs 2.jpg|thumb|350px|Mineurs au travail (reproduction d'une plaque de terre cuite corinthienne)]]
Les mineurs étaient presque exclusivement de condition servile. Des hommes libres pouvaient les côtoyer, mais uniquement en tant que propriétaires de petites concessions, et dans des fonctions de direction : si un client de Démosthène, propriétaire d'une mine, dit dans un de ses plaidoyers<ref>Démosthène, XLII, 20</ref> y avoir travaillé « de son corps », on doit relativiser ses efforts, sachant qu'il fait également partie des 7 % des citoyens les plus riches, ceux astreints aux [[liturgie|liturgies]]<ref>Claude Mossé, ''Le monde grec et l'Orient'', tome 2 : le IVème siècle, PUF, 1975, p. 112</ref>... En tout état de cause, on n'a aucune trace d'homme libre employé dans les mines avec un statut de salarié<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op.cit.'', p. 1866.</ref>. Les [[barbares]] étaient nombreux parmi les esclaves employés au Laurion : en consultant les listes de travailleurs enregistrées au {{-s|IV|e}}, on constate ainsi qu'un tiers d'entre eux étaient des [[Thraces]]<ref>Olivier Picard, ''Guerre et économie dans l'alliance athénienne'', Sedes, 2000, p. 21</ref>.
Qu'ils soient loués au concessionnaire ou qu'ils lui appartiennent directement, ces esclaves étaient très nombreux à travailler dans les mines. Même si une évaluation précise est délicate<ref>E. Ardaillon, ''op. cit.'', p. 96-102. Voir aussi C. Mossé ''op. cit.'', p. 113</ref>, on estime par exemple qu'ils étaient peut-être 20 000, dans les galeries et dans les ateliers de surface, à l'époque de [[Périclès]]<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1866.</ref>, en s'appuyant sur un passage de [[Thucydide]] où il explique que les Spartiates contrôlant la forteresse de [[Décélie]], pendant la [[guerre du Péloponnèse]], « les Athéniens se trouvaient privés de toute leur campagne ; plus de vingt mille esclaves avaient déserté »<ref>[[Thucydide]], ''[[Histoire de la guerre du Péloponnèse]]'', VII, 27.</ref>. Les mines du Laurion constituent d'ailleurs le seul exemple connu de concentration importante d'esclaves en Grèce ancienne<ref>Marie-Claire Amouretti, Françoise Ruzé, ''le monde grec antique'', Hachette, 1990, p. 172</ref>.
Les conditions de vie de ces esclaves étaient, comme dans toutes les mines antiques, particulièrement éprouvantes, puisque certains étaient enchaînés<ref>« ces myriades nombreuses d'esclaves des Athéniens ne travaillaient aux métaux que dans les fers. » Athénée de Naucratis, ''Les Deipnosophistes'', VI, 272e.</ref> (« on a retrouvé au Laurion les anneaux de fer qui servaient à les entraver. »<ref> E. Ardaillon, ''op.cit.'', p. 94</ref>) et se déplaçaient dans des galeries étroites et insalubres<ref>[[Plutarque]] parle du « travail des mines, où l'on n'emploie ordinairement que des malfaiteurs ou des barbares, la plupart enchaînés, et qui périssent par l'insalubrité de l'air de ces lieux souterrains. » ''Vie de Nicias et de Crassus, 34, 1.</ref> qui les contraignaient à extraire le minerai accroupis, à genoux et même couchés, dans une atmosphère surchauffée par la chaleur des lampes et des corps, et cela en général pendant dix heures, rythme selon lequel se succédait les équipes et qui impliquait que les ouvriers se nourrissent au fond : des restes de repas, en l'occurrence des ossements de [[Cervidae|cerfs]], ont été retrouvés dans les galeries<ref>Jacques Dumont, ''Les animaux dans l'Antiquité grecque'', L'Harmattan, 2003, p. 15.</ref>.Ces conditions de travail déplorables n'étaient pas sans provoquer des résistances, ce qui amenait le personnel chargé de la surveillance à multiplier les coups<ref>C. Daremberg, E. Saglio, ''ibid''</ref>.
A la surface, un système de surveillance des esclaves était sans doute organisé : on suppose ainsi que les tours qui parsèment le Laurion et dont il reste des vestiges, constituaient des postes d'observation et de garde pour des garnisons d'[[hoplite]]. La présence de ces infrastructures, tout comme la construction des forteresses de Sounion et de Thorikos vers -410, indiquent à quel point la cité craignait un soulèvement généralisé des esclaves du Laurion, même si les témoignages de rébellion sont peu nombreux à nous être parvenus. Outre la désertion lors de l'occupation spartiate de Décélie en 413, on sait que le Laurion subit deux révoltes d'esclaves à l'époque hellénistique : l'une en 134, en écho à la grande révolte servile de [[Sicile]], est évoquée par [[Paul Orose]] citant un passage perdu de [[Tite-Live]]<ref>« Dans les mines des Athéniens également, une même révolte servile fut brisée par le prêteur Héraclitus ; à Délos aussi les esclaves qui fomentaient une nouvelle émeute furent écrasés par les citoyens qui prirent les devants ; sans compter ce premier foyer du mal sicilien d'où s'élançaient ce qu'on pourrait appeler des flammèches qui propagèrent ces divers incendies. » Paul Orose, ''Histoires'', V, 9, 5</ref> ; l'autre, plus sérieuse, vers 100 av J.-C.<ref>Christian Habicht, ''Athènes hellénistique'', Les Belles Lettres, 1999, p. 322</ref>, est connue grâce à [[Athénée]], citant le philosophe [[Posidonius]], qui rapporte « que s'étant révoltés, ils égorgèrent les officiers préposés à la sûreté des mines ; en outre, qu'ils s'emparèrent de la forteresse de [[Sounion]], et fourragèrent longtemps l'Attique. »<ref>Athénée de Naucratis, ''ibid''</ref>. Malgré tout, notre documentation donne le sentiment qu'il s'agit de cas isolés, les précautions prises ayant suffit à en limiter la multiplication. Du reste, comme le souligne Édouard Ardaillon, « on ne peut guère rêver meilleur cachot qu'une mine antique : le relèvement d'une échelle, l'obstruction d'une galerie, étaient des moyens bien faciles pour emprisonner des esclaves révoltés et arrêter la propagation d'un mouvement séditieux »<ref>E. Ardaillon, ''op. cit.'', p. 96</ref>.
== Les techniques minières du Laurion ==
=== Techniques d'abattage ===
On trouve au Laurion les [[mines|exploitations minières]] les plus profondes de l'[[Antiquité]]. Les puits de mines descendent parfois jusqu'à plus de cent mètres (119 mètres pour le plus profond), mais plus généralement entre cinquante et soixante mètres<ref>M. C. Amouretti et F. Ruzé, ''ibid''</ref>. Chaque puits est d'une section carrée de moins de deux mètres de côté et permet l'accès à des galeries suffisamment étroites (50 cm de largeur, 60 à 90 cm de hauteur) pour limiter les risques d'effondrement. Quand les excavations étaient plus grandes, on utilisait différentes techniques : dans les parties les plus pauvres de minerai, les ouvriers laissaient subsister des portions de roches qui servaient de piliers ; sinon ils étayaient le plafond de la galerie avec des déblais ou des poutres de bois<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1858.</ref>.
L'abattage des puits et des galeries se faisait à l'aide d'un [[marteau]] ou ''tukos'' et d'une sorte de [[burin]] appelé [[pointerolle]] ou ''xois''. Compte tenu du caractère très dur du [[marbre]] dans lequel étaient creusées les galeries, on estime qu'un ouvrier devait utiliser entre dix et treize pointerolles en dix heures de travail, outils qu'il devait régulièrement réparer et affûter. Les ouvriers utilisaient également des crochets en [[fer]] pour ramasser les déblais qui étaient rassemblés dans des paniers qu'un autre esclave traînait jusqu'en bas du puits, d'où ils étaient remontés par un système de poulie<ref>M. C. Amouretti et F. Ruzé, ''ibid''</ref>. On peut observer aujourd'hui à la surface les vestiges des murets qui servaient d'ancrage aux grues de levage.
Les mineurs utilisaient pour s'éclairer de petites [[lampe à huile|lampes à huile]] en terre cuite, qui fumaient abondamment et consommaient une part du rare oxygène de l'air. Leur contenance permettait environ dix heures d'éclairage, ce qui devait correspondre à la journée de travail d'un ouvrier. À ce terme, une nouvelle équipe prenait le relais car les mines étaient exploitées jour et nuit<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1866.</ref>.
=== Le problème de l'aérage<ref>{{CNRTL|aérage}}</ref> de la mine ===
À ces profondeurs l'[[oxygène]] est rare et cela d'autant plus que l'activité qui s'y déroule rend l'[[air]] particulièrement vicié ([[respiration]] des hommes<ref>Selon les calculs faits au XIXème siècle, un mineur au repos consomme 750 litres d'air par heure, un mineur au travail 2340 litres.</ref>, consommation de l'oxygène par les lampes, abattage par le [[feu]], [[poussière]]s). C'est pourquoi l'aération artificielle est un enjeu essentiel pour les mineurs. De ce point de vue, le mouvement de va-et-vient des récipients suspendus à la poulie qui remontait le minerai à la surface provoquait un appel d'air qui rendait les galeries partiellement plus respirables<ref>Cependant, pour extraire les gravats et le [[plomb]] [[argent]]ifère, il convenait d'empêcher tous mouvements oscillatoires à la benne.</ref>. {{Référence nécessaire|À chaque remontée de la benne, frangée de végétaux souples, était ainsi mise en mouvement une centaine de m{{exp|3}} d'air frais.}}
Toujours pour favoriser le renouvellement de l'air, mais également pour en sécuriser l'accès, les puits étaient séparés en deux espaces inégaux par une cloison étanche de bois, cloison sans doute constituée de rondins de bois fixés sur des traverses, elles même placées dans des encoches ménagées dans la paroi du puits, encore visibles aujourd'hui. D'un côté de la cloison étaient fixés des marches de bois rudimentaires pour permettre aux mineurs de descendre dans la mine et remonter à la surface ; les deux tiers restant étaient affectés à la remontée des stériles et du minerai.
La distinction de ces deux colonnes provoquait un mouvement d'air qui contribuait au renouvellement de l'atmosphère de la mine, et cela d'autant plus quand un des deux compartiments était prolongé par une cheminée en surface<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1858</ref>. Si cela n'était pas suffisant, on forçait la circulation de l'air en allumant un feu au fond du puits, sous l'un des conduits : l'air chaud, plus léger, aspirait ainsi l'air ambiant en remontant à la surface, tandis que de l'air frais descendait par le conduit resté libre<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1859</ref>. Dans le même ordre d'idée, on constate l'existence de puits parallèles, destinés à créer un courant d'air, et quand deux puits éloignés accédaient aux mêmes galeries, on veillait à ce qu'ils soient creusés à des hauteurs différentes pour favoriser l'aérage<ref>Daremberg et Saglio ''op. cit.'', précisent p. 1859 que pour économiser l'air dans mines, « on avait soin de boucher avec des déblais les galeries inutiles »</ref>.
== La préparation du minerai ==
=== Tri et concassage ===
Avant d'être transporté à la surface, le [[minerai]] abattu était soumis à un premier triage. Les éléments inutiles pouvaient être utilisés dans la mine elle-même pour des opérations de soutènement ou d'aérage.
Ce qui était jugé exploitable était remonté à la surface pour y subir plusieurs opérations de tri et de traitement. Les ouvriers commençaient par le concassage, pour séparer le minerai utile de sa gangue, à l'aide de masses ou de pierres. Les amas de stériles qui en résultaient sont encore visibles aujourd'hui autour des puits, et permettent aux archéologues d'évaluer la quantité de déblais évacués par les mineurs.
=== Broyage ===
[[Image:Moulin Olynthe.svg|thumb|200px|Fig 1 : moulin à [[trémie]] d'Olynthe.]]
[[Image:Meule tournante-tag.svg|thumb|200px|Fig 2 : schéma d'un moulin broyeur conique, tel qu'on en utilisait au Laurion pour calibrer le minerai.]]
Une fois concassé, le [[minerai]] était acheminé à des ateliers de traitement, où il était broyé : d'abord à la main à l'aide de [[pilon]]s sur des tables de broyage en marbre, puis en utilisant un [[moulin]] broyeur de manière à le réduire à la taille voulue.
Ces moulins étaient de deux types :
* Le [[Meule à grains#Le moulin à trémie d’Olynthe|moulin-plan]] (Fig 1) : il s'agit d'un moulin à mouvement alternatif. Sur une dalle immobile, la « meule gisante », on déplace horizontalement une meule plus petite, la « meule courante », à l'aide d'un levier horizontal fixé à un pivot. Dans une [[trémie]], sorte de cuvette en V creusée à l'intérieur de la meule courante, on mettait le minerai à broyer. S'écoulant progressivement à travers la fente de la trémie, il était écrasé et calibré par les mouvements de va-et-vient de la meule courante.
* Le [[Meule à grains#Le moulin pompéien|moulin conique]] (Fig 2) : autour d'un [[Cône (géométrie)|cône]] fixe tournait un anneau de pierre évasé. Le minerai chargé dans la partie supérieure du moulin descendait dans l'interstice entre le cône et l'anneau au fur et à mesure que les ouvriers tournaient à l'aide d'un axe horizontal en bois l'anneau de pierre. Il était ainsi calibré, par frottement entre les deux parties du moulin, à la grosseur voulue, en l'occurrence celle d'un grain de [[millet (graminée)|millet]]<ref name="dasa1862">C. Daremberg, E. Saglio, ''op.cit.'', p. 1862.</ref>. On a retrouvé à [[Pompei]] des moulins de ce type, destinés à moudre la farine.
On taillait ces moulins dans des roches volcaniques très dures<ref name="dasa1862" />, sans hésiter à la faire venir de l'extérieur de la cité. Par exemple, certains moulins retrouvés au Laurion étaient en [[trachyte]] de l'île de [[Milos]].
=== Lavage ===
[[Image:Schéma d'une laverie plane antique.jpg|thumb|200px|Schéma d'une laverie plane.]]
Le tri du [[minerai]] était ensuite effectué à grande eau sur l'une des très nombreuses aires de lavage aménagées : on en dénombre encore aujourd'hui plusieurs centaines dans le Laurion<ref name="dasa1862" />, de taille variable (de quelques mètres carrés à plusieurs dizaines de mètres carrés)<ref>« Les laveries, suivant les effets que les métallurgistes voulaient obtenir, étaient construites sur des dimensions très variables : les unes ont 20 mètres de côté, et d'autres de 4 à 5 mètres. Le réservoir, les orifices d'écoulement y sont placés plus ou moins haut au-dessus de la table de lavage, dont l'inclinaison change aussi de l'une à l'autre. » C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1863</ref>. Le minerai broyé était étalé sur des tables de lavage légèrement inclinées. Depuis un réservoir surélevé, de petits orifices déversaient de l'eau sur ces tables de lavage, afin que les particules de gangue encore attachées au minerai soient entraînées par le courant en laissant sur place les particules minérales, plus lourdes. Pour favoriser cette séparation, les ouvriers brassaient le mélange à l'aide de grandes raclettes. Les sédiments légers entraînés par l'eau partaient dans un canal au bas de la table de lavage. Au fond de ce canal, les particules portées par l'eau rencontraient de petits barrages et se déposaient dans ces compartiments successifs, d'abord les plus lourdes, puis les plus légères. Ces boues étaient récupérées et étalées sur une table de séchage autour de laquelle tournait le canal. Une fois séchés, ces sédiments étaient à nouveau traités sur la table de lavage, de manière à extraire toutes les particules de minerai, même les plus petites<ref>Daremberg et Saglio précisent que les ouvriers « renouvelaient cinq fois l'opération complète. » C. Daremberg, E. Saglio, ''ibid.''.</ref>. L'eau, débarrassée en bout de circuit de ces impuretés, était reversée dans le réservoir pour être réutilisée.
[[Image:Lavrion499.JPG|thumb|upright=1.73|Aire de lavage du minerai, dans les mines du Laurion.]]
Ces laveries planes n'étaient pas les seules à être utilisées. On connaît au Laurion trois vestiges de laveries d'un autre type, hélicoïdales : elles étaient constituées d'une canalisation ouverte circulaire et légèrement en pente au fond de laquelle se succédait une série d'alvéoles. Les sédiments mêlés à l'eau étaient versés au début du circuit ; au fur et à mesure qu'elles descendaient le long de la canalisation, les particules minérales contenues dans le mélange, plus lourdes, se déposaient dans les compartiments et pouvaient être prélevées, les matières plus légères continuant leur chemin. Placés à l'intérieur du cercle, les ouvriers agitaient le mélange pour faciliter le processus. En fin de circuit, l'eau était recyclée de la même manière que dans les laveries planes.
Dans le cadre d'une telle sélection par densité, il était essentiel que les particules soient à peu près toutes de taille égale, d'où l'importance du calibrage obtenu grâce au broyage préalable. Compte tenu des grands volumes d'eau nécessaires à ces travaux, et de leur rareté dans le secteur du Laurion, il était également nécessaire d'en rationaliser la gestion. Cela passait d'abord, outre les aménagements évoqués plus haut pour ne rien perdre de l'eau utilisée, par la couverture des ateliers pour éviter au maximum l'évaporation. Cela nécessitait surtout de recueillir au maximum les eaux de pluie (les sources sont rares) pour alimenter les très nombreuses laveries tout au long de l'année (on a calculé qu'il fallait environ 1000 m³ d'eau par an pour alimenter une laverie de taille moyenne), ce qui contraignait à multiplier les citernes, voire de petits barrages réservoirs. On canalisait l'eau de pluie dans ces ouvrages en les construisant dans le fond des vallées<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''ibid''</ref>. Cette volonté explique qu'ils se succèdent à courte distance sur plusieurs centaines de mètres et, réunis aux aires de lavage auxquelles ils sont raccordés par une canalisation couverte, forment tout un réseau relié par un canal central. Ces citernes, de taille variable (100 à 1000 m³), étaient soit maçonnées, soit directement creusées dans la roche, mais toutes étaient précédées de citernes plus petites où l'eau se débarrassait de ses impuretés par décantation.
[[Image:Laveries et citernes du laurion.jpeg|thumb|700px|center|<center>Succession de citernes et d'aires de lavage dans une vallée du Laurion</center>]]
== Le traitement métallurgique ==
=== Le plomb d'œuvre ===
Le minerai préparé était ensuite placé dans des fours d'un mètre de diamètre et de trois à quatre mètres de haut, fabriqués avec des blocs de roches [[réfractaires]] ou peu fusibles ([[micaschiste]]s, [[trachyte]]s)<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''op. cit.'', p. 1864</ref>. On plaçait alternativement une couche de minerai et une couche de combustible (bois ou [[charbon de bois]]), et on stimulait la fusion grâce à des soufflets en cuir.
La combustion nécessitait de grandes quantités de bois : cinq tonnes de bois étaient nécessaire pour traiter une tonne de minerai (une telle quantité de bois correspond approximativement à la production de cinq hectares de [[maquis (botanique)|maquis]]<ref>Descat, ''op.cit.'', p. 313</ref>). Ces besoins importants expliquent la quasi disparition des quelques forêts que possédait le Laurion de cette époque, et la nécessité de recourir à l'importation. De ce point de vue, la migration progressive des [[fonderies]] vers la côte, à proximité des ports où débarquent le bois venu des futaies de Macédoine, du Pont ou de Carie, devint rapidement une nécessité<ref>Descat, ''op.cit.'', p. 327</ref>.
Quand la combustion était suffisamment avancée, les ouvriers libéraient le trou de coulée à la base du four, et recueillaient le minerai de plomb argentifère. Les [[scorie]]s étaient régulièrement dégagées de l'intérieur du four, et parfois retraitées pour en retirer le minerai qui y restait souvent dans des proportions importantes (entre 12 et 30 %<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''ibid''</ref>).
=== La coupellation ===
Le plomb argentifère subissait enfin une dernière fusion, destinée à séparer les deux métaux, la [[coupellation]]. Il était placé dans une coupelle en argile réfractaire, au centre d'un four voûté. Autour de la coupelle, contre les parois intérieures du four, le bois était enflammé, sa combustion étant entretenue en permanence par des soufflets en cuir ; la chaleur produite se réfléchissait sur la voûte et permettait ainsi de chauffer indirectement le contenu de la coupelle. À ces températures, oscillant entre 900 et 1000°, le plomb s'oxydait en [[litharge]] et s'écoulait par une rigole hors du four à coupellation. L'argent, inoxydable à ces températures, restait dans la coupelle ; il y était recueilli pour être fondu en [[lingot]]s, non sans avoir éventuellement subi à nouveau un traitement du même type pour mieux l'affiner.
Quant au [[plomb]], il était récupéré par les ouvriers métallurgistes en faisant subir à la litharge un nouveau passage dans le four. Les usages de ce « plomb marchand »<ref>C. Daremberg, E. Saglio ''ibid''</ref> étaient nombreux : ils servaient notamment au scellement des blocs dont étaient constitués des bâtiments publics comme ceux de l'[[Acropole (Athènes)|Acropole]].
== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2}}
== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Thorikos|le site de Thorikos]], à proximité immédiate des mines du Laurion, montre encore les traces archéologiques d'une richesse tirée des activités liées au plomb argentifère.
* [[Économie de la Grèce antique]]
* [[Esclavage en Grèce antique]]
=== Bibliographie ===
* [[Dictionnaire des antiquités grecques et romaines]] de Daremberg et Saglio, [http://dagr.univ-tlse2.fr/sdx/dagr/feuilleter.xsp?tome=3&partie=2&numPage=963&filtre=laurion&nomEntree=METALLA article « METALLA », tome 3, volume 2, p. 1840 à 1873], DAGR, Université Le Mirail
* E. Ardaillon, ''Les Mines du Laurion dans l'Antiquité'', Fontemoing, Paris, 1897
* C. E. Conophagos, ''Le Laurium antique et la technique grecque de la production de l'argent'', Athènes, 1980
* D. Morin, A. Photiadès, D. Jacquemot, P. Rosenthal ''et alii'', ''Mission géologique et archéologique de reconnaissance au Laurion (Grèce) -Les puits d'extraction antiques de Spitharopoussi : problématique générale de l'extraction des gîtes de contact. Campagne 2002'', Institute of Geology and Mineral Exploration, Department of General Geology & Geological Mapping, IGME-CNRS, avec la participation de l'[[École française d'Athènes]], 2002
* A. Photiadès, « Nouvelles recherches sur les mines antiques du Laurion (Grèce) », ''Pallas'' 67, 2005
=== Lien externe ===
* [http://members.aol.com/arkmetal/LAURION.html Les mines dans leur contexte géologique et gîtologique]
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