Tiridate Ier d'Arménie 188728 31769503 2008-07-21T18:21:19Z Sardur 303213 taille pics {{titre|Tiridate I<sup><small>er</small></sup> d'Arménie}} {{Infobox Monarque |titre= [[Liste des rois d'Arménie|Roi d'Arménie]] |image= Image:Tiridates.jpg |légende= Statue de Tiridate {{Ier}} d'Arménie par André, dans les jardins du Château de Versailles (rampe nord). |nom= Tiridate I{{er}} |prédécesseur= [[Rhadamiste]]<br />[[Tigrane VI de Cappadoce]] |successeur= [[Sanatruk Ier|Sanatrocès {{Ier}}]] (?) |dynastie= [[Arsacides (Arménie)|Arsacides]] |père= [[Vononès II]] |descendance= Inconnue |règne= [[53]]</br>[[54]] - [[58]]</br>[[63]] - [[72]] }} '''Tiridate I{{er}}''' (en [[arménien]] ''Տրդատ Ա'') est un [[Liste des rois d'Arménie|roi]] d'[[Arménie]] ayant régné de manière discontinue entre [[53]] et [[72]] apr. J.-C. Fils du roi [[Parthie|parthe]] [[Vononès II]], il est le premier roi arménien de la dynastie [[Arsacides (Arménie)|arsacide]]. Son règne est interrompu une première fois en [[54]], puis de [[58]] à [[63]]. La rareté des sources, presque exclusivement [[Rome antique|romaines]], fait que de nombreux aspects de son règne sont inconnus. En [[66]], en vertu d'un accord entre Romains et Parthes au sujet de l'Arménie, Tiridate, frère du roi parthe [[Vologèse Ier|Vologèse I{{er}}]], est couronné roi d'Arménie à [[Rome antique|Rome]] par [[Néron]]. Ses successeurs seront des princes parthes, mais leur accession au trône devra recevoir l'assentiment de Rome, faisant d'eux des vassaux à la fois des Romains et des Parthes<ref>Annie et Jean-Pierre Mahé, ''L'Arménie à l'épreuve des siècles'', Gallimard, Paris, 2005 {{ISBN|978-2070314096}}.</ref>. Plusieurs sources romaines contemporaines n'en ont pas moins considéré que Néron a ainsi ''de facto'' cédé l'Arménie aux Parthes<ref name="Redgate">{{en}} {{ouvrage|auteur=Anne Elizabeth Redgate|titre=The Armenians|année=2000|lieu=Oxford|éditeur=Blackwell Publishers Inc.|passage=88–91|isbn=0-631-22037-2}}.</ref>. Tiridate est en outre mage [[Zoroastrisme|zoroastrien]], accompagné notamment d'autres mages lors de son séjour à Rome en [[66]]<ref name="Dédéyan">Gérard Dédéyan (dir.), ''Histoire du peuple arménien'', Privat, Toulouse, 2007 {{ISBN|978-2-7089-6874-5}}, p. 139-143.</ref>. Au début du {{s|XX|e}}, certains ont considéré qu'il aurait joué un rôle dans le développement du [[culte de Mithra]], vu comme la version romanisée du zoroastrisme<ref>Franz Cumont, ''Les religions orientales dans le paganisme romain'', Conférence faite au Collège de France en 1905.</ref>. Cette théorie a depuis lors largement été réfutée<ref>{{en}} Roger Beck, [http://www.iranica.com/newsite/articles/sup/Mithraism.html « Mithraism »], dans ''Encyclopedia Iranica'', 2002.</ref>. La date de sa naissance ainsi que celle de sa mort sont inconnues. == Ascension == Tiridate est le fils du roi parthe [[Vononès II]] et d'une [[concubine]] [[Grèce antique|grecque]]<ref>Si la mère de Vologèse I{{er}}, Pacorus et Tiridate est bien une seule et même personne : {{en}} [http://www.britannica.com/eb/article-9075687/Vologeses-I « Vologeses I »] dans ''Encyclopædia Britannica''.</ref>. Sa jeunesse, qu'il passe en [[Mèdes|Médie]] (gouvernée par son père au nom du roi [[Gotarzès II de Parthie|Gotarzès II]]), est largement inconnue. Le nom de Tiridate signifie « donné par Tir », dieu arméno-parthe de la littérature, des sciences et des arts trouvant son origine dans le Tištrya [[avestique]] et fusionné avec l'[[Apollon]] [[mythologie grecque|grec]]<ref>{{en}} {{ouvrage|auteur=Mary Boyce|titre=A History of Zoroastrianism|éditeur=Brill Academic Publishers|lieu=Leiden|passage=77|année=1991|isbn=90-04-10474-7}}.</ref>. En [[51]], le [[procurateur]] romain de [[Cappadoce]], Julius Paelignus, envahit l'Arménie et ravage le pays, alors gouverné par l'[[Ibérie|Ibère]] [[Rhadamiste]]. Ce dernier a assassiné son oncle le roi [[Mithridate d'Arménie|Mithridate]] après avoir attiré la garnison romaine qui le protégeait hors de la forteresse de [[Garni|Gorneae]]<ref name="ANRW">{{en}} {{ouvrage|auteur=Robert K. Sherk|titre=ANRW II.7, Politische Geschichte (Provinzen und Randvölker: Griechischer Balkanraum; Kleinasien), Roman Galatia: The Governors from 25 B.C. to A.D. 114|éditeur=Walter de Gruyter & Co.|année=1980|lieu=Berlin & New York|passage=954–1052|isbn=311008015X}}.</ref>{{,}}<ref name="Dédéyan" />. Agissant sans instructions, Paelignus reconnaît toutefois Rhadamiste en tant que nouveau roi d'Arménie. Le [[gouverneur romain|gouverneur]] [[Syrie|syrien]] Ummidius Quadratus envoie Helvidius Priscus à la tête d'une légion avec pour mission de réparer ces outrages, mais il est en fin de compte rappelé afin de ne pas provoquer une guerre avec les Parthes<ref name="ANRW" />. Cependant, en [[52]], [[Vologèse Ier|Vologèse I{{er}}]] saisit l'opportunité et envahit à son tour l'Arménie, prenant [[Artashat|Artaxata]] et proclamant roi son frère cadet Tiridate<ref>[[Tacite]], ''[[Annales (Tacite)|Annales]]'', XII, 50.</ref>. Cette action viole le traité conclu entre l'empereur romain [[Auguste]] et le roi parthe [[Phraatès IV]], qui attribuait aux Romains le droit de désigner et de couronner les rois d'Arménie<ref>{{en}} {{ouvrage|auteur=John Boardman|titre=The Cambridge ancient history|éditeur=Cambridge University Press|lieu=Cambridge|passage=158–159|année=1925|isbn=0521264308}}.</ref>. Vologèse considère pour sa part que le trône d'Arménie était jadis la propriété de ses ancêtres, et qu'il est maintenant occupé par un usurpateur à la suite d'un crime<ref>Vologèse se réfère à [[Vononès Ier|Vononès I{{er}}]] et aux fils d'[[Artaban III]], [[Arsace Ier d'Arménie|Arsace]] et [[Orodès Ier d'Arménie|Orodès]]. Tacite, ''ibid.''.</ref>. Mais une épidémie hivernale et une insurrection menée par son fils [[Vardanès II de Parthie|Vardanès]] l'obligent à retirer ses troupes d'Arménie, permettant à Rhadamiste de revenir et de punir les locaux en tant que traîtres ; ces derniers se révoltent et le remplacent par Tiridate au début de l'année [[55]]<ref>Tacite, ''op. cit.'', XIII, 7 et 34.</ref>. Rhadamiste s'échappe avec son épouse Zénobie, qui est enceinte. Incapable de continuer, elle lui demande de mettre fin à ses jours ; Rhadamiste s'exécute et jette son corps dans l'[[Araxe]]. Mais Zénobie n'est pas morte : recueillie par des bergers, elle est remise à Tiridate qui la traite comme un membre de la famille royale<ref name="Ehsan">{{en}} {{ouvrage|auteur=Ehsan Yarshater|titre=The Cambridge History of Iran|année=1983|lieu=Cambridge|éditeur=Cambridge University Press|passage=80–83|ISBN=052120092X}}.</ref>{{,}}<ref name="Dédéyan" />. Quant à lui, Rhadamiste retourne en [[Ibérie]], où il sera ultérieurement condamné à mort pour complot par son père, [[Pharsman Ier d'Ibérie|Pharsman I{{er}}]]<ref name="ANRW" />. == Guerre contre Rome == [[Image:Arshakuni Armenia 150-fr.svg|thumb|upright=1.7|L'Arménie au siècle suivant (vers 150).]] Mécontent de l'influence croissante des Parthes aux portes de l'empire<ref name="Ehsan"/>, [[Néron]] envoie le général [[Gnaeus Domitius Corbulo]] à la tête d'une grande armée avec pour mission de restaurer les rois [[clientélisme|clients]] romains<ref name="Ehsan" />{{,}}<ref>Tacite, ''op. cit.'', XIII, 9.</ref>. Un [[Hasmonéens|Hasmonéen]] nommé Aristobule se voit attribuer l'[[Arménie mineure]] ([[Nicopolis]] et [[Satala]]), tandis que Gaius Julius Sohaemus, de la maison royale d'[[Homs|Émèse]], reçoit la [[Sophène]]. Au printemps [[58]], Corbulo pénètre en [[Royaume d'Arménie|Arménie majeure ]] à partir de la Cappadoce et avance en direction d'Artaxata, en même temps que Pharsman I{{er}} attaque par le nord et qu'[[Antiochos IV de Commagène]] en fait de même par le sud-ouest. Avec l'aide de son frère, Tiridate envoie des colonnes rapides harceler les Romains ; Corbulo réplique en usant de la même tactique et en envoyant des [[Moschoi]] piller les régions périphériques arméniennes<ref name="Ehsan" />. Tiridate s'enfuit de sa capitale, que Corbulo détruit par le feu<ref name="Dédéyan" />. Pendant l'été, Corbulo commence à se rapprocher de [[Tigranakert|Tigranocerte]] via le [[Taron (Arménie)|Taron]], où plusieurs de ces commandants trouvent la mort dans une embuscade ; la cité lui ouvre toutefois ses portes, à l'exception d'une des citadelles, détruite durant l'assaut qui s'ensuit<ref name="Lindsay">{{en}}{{ouvrage|auteur=John Lindsay|titre=A View of the History and Coinage of the Parthians|éditeur=Adamant Media Corporation|année=2005|lieu=Cork|passage=83–84|ISBN=1-4021-6080-1}}.</ref>. À ce moment, la majorité des Arméniens a cessé de résister et accepté le prince candidat de Rome<ref>Tacite, ''op. cit.'', XIV, 23.</ref>. Néron offre la couronne au dernier descendant des [[Cappadoce#Liste des rois de Cappadoce|rois de Cappadoce]], le petit-fils de Glaphyra (fille d'[[Archélaos de Cappadoce]]) et d'Alexandre de [[Judée]] (fils d'[[Hérode Ier le Grand|Hérode I{{er}} le Grand]])<ref>{{en}}{{lien web|auteur=James D. Tabor|titre=The Jewish Roman World of Jesus|éditeur=Department of Religious Studies — The University of North Carolina at Charlotte|url =http://www.religiousstudies.uncc.edu/jdtabor/john.html|consulté le=23 avril 2008}}.</ref>, qui adopte le nom arménien de [[Tigrane VI de Cappadoce|Tigrane VI]] (son oncle étant [[Tigrane V Hérode|Tigrane V]])<ref>[[Strabon]], ''Géographie'', XII, 3.35.</ref>. Néron est publiquement acclamé pour cette première victoire<ref>Tacite, ''op. cit.'', XIII, 41.</ref> et Corbulo est désigné gouverneur de Syrie en récompense<ref>Tacite, ''op. cit.'', XIV, 26.</ref>. Mille [[légion romaine|légionnaires]], trois [[cohorte romaine|cohortes]] auxiliaires et deux ailes de [[cavalerie]] sont laissés à Tigrane afin de défendre le pays<ref name="Lindsay" />. Des territoires frontaliers sont confiés aux alliés de Rome qui ont assisté Corbulo, comme [[Polémon II du Pont]], Pharsman, Aristobule et Antiochos<ref name="Lindsay" />. [[Image:Corbulo.jpg|thumb|left|Copie d'un buste de Corbulo, [[Musées du Capitole]].]] Vologèse est furieux qu'un étranger occupe le trône arménien mais hésite à restaurer son frère alors qu'il est engagé dans un conflit avec des [[Hyrcanie]]ns en révolte<ref name="Lindsay" />. En [[61]], Tigrane envahit l'[[Adiabène]] et dépose son roi, Monobazès, un vassal des Parthes<ref>Tacite, ''op. cit.'', XV, 1.</ref>. Vologèse considère cet acte comme une agression romaine et lance une campagne visant à restaurer Tiridate sur le trône arménien. Il place sous le commandement du [[spahbod]] Monesès une force bien disciplinée de [[cataphractaire]]s ainsi que des auxiliaires adiabènes, avec pour mission de chasser Tigrane d'Arménie. Après avoir mâté la révolté hyrcanienne, il rassemble ses forces et marche sur l'Arménie<ref name="Lindsay" />. En ayant été informé, Corbulo envoie deux légions sous le commandement de Verulanus Severus et de Vettius Bolanus prêter main forte à Tigrane. Il envoie également un message à Néron, l'enjoignant d'envoyer un second commandant pour défendre l'Arménie, considérant que la Syrie est à présent tout autant en danger. Corbulo dispose le reste des légions sur les rives de l'[[Euphrate]] et arme des troupes irrégulières dans les provinces adjacentes. La région étant peu alimentée en eau, il érige des forts sur les sources et comble les ruisselets avec du sable<ref name="Lindsay" />. Monesès marche sur Tigranocerte mais ne parvient pas à briser les défenses de la cité, ses troupes n'étant pas équipées pour un long siège. Corbulo pense alors tenter sa chance : il envoie un [[centurion]] du nom de Casperius au camp de Vologèse à [[Nusaybin|Nisibe]], à 60 km de Tigranocerte, avec pour mission de demander la levée du siège. En raison d'une récente tempête de [[Sauterelle (insecte)|sauterelles]] et du manque de fourrage de ses chevaux, Vologèse accepte mais exige l'Arménie afin qu'une paix durable soit instaurée<ref name="Lindsay" />. Plus précisément, il demande que les troupes romaines et parthes soient retirées, que Tigrane soit détrôné et que Tiridate soit reconnu roi. Rome décline l'offre et envoie Lucius Caesennius Paetus, gouverneur de Cappadoce, placer l'Arménie sous administration romaine directe<ref name="Smith">{{en}} William Smith, {{lien web|titre=''Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology''|url=http://www.ancientlibrary.com/smith-bio/0860.html|date=1867|consulté le=23 avril 2008}}</ref>{{,}}<ref>Tacite, ''op. cit.'', XV, 1-6.</ref>{{,}}<ref>[[Dion Cassius]], ''Histoire romaine'', LXII, 20.</ref>. Paetus se révèle toutefois piètre commandant et essuie une défaite humiliante lors de la [[bataille de Rhandéia]] en [[62]]<ref name="Dédéyan" />, avec la perte des légions [[Legio XII Fulminata|XII ''Fulminata'']] commandée par Calvisius Sabinus et [[Legio IV Scythica|IIII ''Scythica'']] commandée par Funisulanus Vettonianus. La direction des troupes revient alors à Corbulo, qui fait entrer l'année suivante une forte armée en [[Mélitène]] et par-delà en Arménie, éliminant tous les gouverneurs régionaux soupçonnés d'être pro-parthes. Corbulo et Tiridate se rencontrent enfin à Rhandéia et commencent des pourparlers de paix. À son arrivée au camp romain, Tiridate retire son diadème royal et le dépose sur le sol, à proximité d'une statue de Néron, acceptant de ne le reprendre que de la main de l'empereur à Rome<ref>{{en}} {{ouvrage|titre=The Penny Cyclopædia of the Society for the Diffusion of Useful Knowledge|éditeur=Society for the Diffusion of Useful Knowledge|passage=496|année=1842|lieu=Grande-Bretagne}}.</ref>, à la demande même des Romains<ref name="Dédéyan" />. Tiridate est reconnu roi vassal d'Arménie, une garnison romaine s'installe de manière permanente dans le pays, en Sophène, et Artaxata doit être reconstruite. Corbulo charge son beau-fils Annius Vinicianus d'accompagner Tiridate à Rome et de témoigner de sa propre fidélité envers Néron<ref name="Smith"/>. == Séjour à Rome == [[Image:Nero Glyptothek Munich 321.jpg|thumb|right|Néron, tête conservée à la [[Glyptothèque de Munich]].]] Avant de s'embarquer pour Rome, Tiridate rend visite à sa mère et à ses deux frères en [[Atropatène|Médie Atropatène]] et en Parthie<ref>Tacite, ''op. cit.'', XV, 30.</ref>. Durant son long voyage pour la Ville éternelle, il est accompagné par sa famille et une imposante suite, comprenant de nombreux vassaux et 3&nbsp;000 cavaliers. Sa route passe par la [[Thrace]], l'[[Illyrie]], sur les côtes orientales de la [[mer Adriatique]], et le [[Picéniens#Le Picenum|Picenum]], au nord-est de l'[[Italie]]. Le voyage dure neuf mois, Tiridate l'effectuant à cheval, ses enfants et la reine à ses côtés<ref>Dion Cassius, ''op. cit.'', LXIII, 1.2.</ref> ; les autres enfants de Vologèse, Monobazès and Pacorus, l'accompagnent également<ref name="Dio1">{{en}} {{ouvrage|auteur=Dion Cassius|titre=Dio's Rome Vol. 5|éditeur=Kessinger Publishing|passage=34|année=2004|lieu=Whitefish|isbn=1-4191-1613-4}}.</ref>. Fait notable, le voyage ne peut être maritime en raison des interdits liés à la fonction de mage de Tiridate<ref name="Dédéyan" />. [[Dion Cassius]], un historien romain du début du {{s|III|e}}, décrit Tiridate de manière favorable à son arrivée : « Tiridate lui-même était dans la première partie de sa vie, un figure remarquable en raison de sa jeunesse, de sa beauté, de son ascendance, et de son intelligence<ref name="Dio1" />. » Néron accueille Tiridate à Neapolis ([[Naples]]) en octobre, lui envoyant un char officiel pour les derniers kilomètres. Nul n'est autorisé à approcher l'empereur armé, mais Tiridate refuse de se désarmer (par compromis, il accepte cependant que son épée soit liée à son fourreau). À Puteolis ([[Pouzzoles]]), Néron donne des jeux en l'honneur de son invité<ref name="Dédéyan" />, qui ne manque pas de s'illustrer au tir à l'arc. Cet épisode est la première apparition attestée de femmes [[gladiateur]]s : « Néron l'admira pour cette action (le refus de Tiridate de déposer son épée) et l'amusa de nombreuses façons, en particulier en lui offrant un spectacle de gladiateurs à Puteolis. Il fut dirigé par Patrobius, un de ses affranchis, qui réussit à en faire un événement fort brillant et coûteux, comme on peut le voir par le fait qu'un des jours n'apparurent que des Éthiopiens — hommes, femmes et enfants — dans le théâtre<ref>Dion Cassius, ''op. cit.'', LXII, 3.1.</ref>. » Le point culminant des cérémonies se produit dans la capitale. Rome est copieusement décorée de drapeaux, de torches, de guirlandes et d'étendards, et est illuminée de nuit par de nombreuses personnes<ref name="Lewis">{{en}} {{ouvrage|auteur=Naphtali Lewis|titre = Roman Civilization: Selected Readings : The Empire|éditeur=Columbia University Press|année=1990|lieu=New York|passage=33|année=1990|isbn=978-0231071338}}.</ref>. Le jour de l'arrivée de Tiridate, Néron descend sur le [[Forum Romanum|Forum]] revêtu d'habits de [[triomphe romain|triomphe]] et entouré de dignitaires et de soldats, tous resplendissants dans des atours coûteux et des armures scintillantes. Alors que Néron s'assied sur le trône impérial, Tiridate et sa suite s'avancent entre deux rangées de soldats. Arrivé devant le [[dais]], Tiridate s'agenouille, les mains sur sa poitrine. Une fois le silence revenu, il s'adresse à l'empereur<ref name="Dédéyan" /> : « Ô maître, descendant d’Arsace et frère des rois Vologèse et Pacorus, je me reconnais ton esclave. Et je suis venu à toi, ô mon dieu, pour t’adorer tout comme j’adore Mithra. La destinée que tu as filée pour moi sera mienne, car tu seras ma Fortune et mon Destin. » Ce à quoi Néron répond : « Oui, tu as bien fait de venir à moi en personne ; c’est dans une telle rencontre face à face que je peux répandre ma grâce sur toi. Car ce que ni ton père ni tes frères ne t’ont légué ou donné, moi je t’en fais le don. Je te proclame roi d’Arménie, afin que toi et les tiens comprennent que j’ai la puissance de reprendre les royaumes tout comme j’ai celle de les donner »<ref>Dion Cassius, ''op. cit.'', LXIII, 5.2. Voir également {{en}} {{ouvrage|auteur=Edward Champlin|titre=Nero|éditeur=Belknap Press|année=2003|isnb=0-674-01192-9}}.</ref>. Tiridate gravit alors les marches de la plateforme et met genou en terre, tandis que Néron pose le diadème royal sur sa tête, le relève, l'embrasse et le fait asseoir à ses côtés, sur un siège plus bas. Entre-temps, la foule acclame les souverains alors qu'un [[préteur]] lui traduit les mots de Tiridate, qui s'est exprimé en [[grec ancien|grec]]<ref>[[Suétone]], ''[[Vie des douze Césars]]'', VI, 13.</ref>. Selon [[Pline l'Ancien]], Tiridate entretient Néron des cérémonies des mages (''magicis cenis'')<ref>[[Pline l'Ancien]], ''[[L'Histoire naturelle]]'', XXX, 6.17.</ref>. [[Tacite]] mentionne également que le monarque arménien s'intéresse aux coutumes romaines<ref>Tacite, ''ibid.''.</ref>. Les festivités publiques continuent un certain temps. L'intérieur du [[théâtre de Pompée]] et ses pièces d'ameublement sont dorés spécialement pour l'occasion, raison pour laquelle cette période est appelée par la suite « les jours d'or ». Pendant la journée, Rome s'orne de [[pourpre]] en protection du soleil, et Néron prend part à une [[course de chars]] ; le soir, il chante et joue de la [[lyre]], accompagné à la [[cithare]]. Tiridate est étonné et dégoûté par l'arrogance de l'empereur, ce qu'il confie à Corbulo, qu'il admire<ref name="Dio">{{en}} {{ouvrage|auteur=Dion Cassius|titre=Dio's Rome Vol. 5|éditeur=Kessinger Publishing|lieu=Whitefish|passage=36|année=2004|isbn=1-4191-1613-4}}.</ref>. Pour commémorer ces événements, le [[Sénat romain|Sénat]] octroie à Néron les [[laurier]]s et le titre d'''[[Imperator]]''. Aucune fête d'une telle ampleur et d'une telle splendeur n'est rapportée dans l'histoire de Rome. En plus des coûts faramineux des festivités, le [[Trésor public|Trésor]] supporte les frais occasionnés par le voyage et le séjour de Tiridate. En outre, Néron lui offre cinquante millions de [[sesterce]]s<ref>{{en}} {{ouvrage|auteur=Vahan Kurkjian|titre=A History of Armenia|éditeur=Armenian General Benevolent Fund|année=1958|lieu=New York|lire en ligne=http://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Gazetteer/Places/Asia/Armenia/_Texts/KURARM/15*.html}}.</ref>{{,}}<ref>Cent millions selon Suétone. Suétone, ''op. cit.'', VI, 30.</ref>. == Paix avec Rome et fin de règne == La paix prévaut alors dans l'empire, et Néron referme les portes du temple de [[Janus (mythologie)|Janus]], signe de paix universelle. Lorsqu'il repart pour l'Arménie, Tiridate emmène avec lui un grand nombre d'architectes et d'artisans pour la reconstruction d'Artaxata, qu'il renomme ''Neronia'' en l'honneur de l'empereur<ref name="Dédéyan" />{{,}}<ref name="Bourn">{{en}} {{ouvrage|auteur=George Bournoutian|titre=A Concise History of the Armenian People|éditeur=Mazda Publishers|lieu=Costa Mesa|passage=42|année=2002|isbn=1-56859-141-1}}.</ref> ; il embellit également la résidence royale de [[Garni]] de [[colonne (architecture)|colonnades]] et de riches monuments ainsi que d'un nouveau temple. Le commerce croît, permettant à l'Arménie de sécuriser son indépendance par rapport à Rome<ref name="Bourn" />. Celle-ci considère l'Arménie comme un allié fidèle, même après la mort de Néron et durant le règne de [[Vespasien]] en Orient. La paix a été une victoire politique importante pour Néron<ref>Dion Cassius, ''op. cit.'', LXII, 23.</ref>, l'autorité de Rome sur l'Arménie étant reconnue par les Parthes, tout en réservant le trône à des [[Arsacides (Arménie)|Arsacides]]<ref name="Dédéyan" />. Son dividende immédiat est que Rome peut porter toute son attention sur les problèmes croissants de la [[Judée]], qui mènent à la [[première guerre judéo-romaine]] un an après le couronnement de Tiridate. Plusieurs légions sont déplacées de Syrie en Judée, ce qui n'aurait pas été possible autrement<ref>{{en}} {{ouvrage|auteur=David Shotter|titre=Nero|éditeur=Routledge|lieu=Londres et New York|passage=39–40|année=1997|isbn=0415319420}}.</ref>. Cette période de paix s'achève cependant cinquante ans plus tard, lorsque l'empereur [[Trajan]] envahit l'Arménie, en [[114]]<ref>Dion Cassius, ''op. cit.'', LXVIII, 17.2–3</ref>. À la fin de son règne, Tiridate doit néanmoins faire face à une nouvelle menace : en [[72]], les [[Alains]], des cavaliers [[nomadisme|nomades]] d'origine [[scythes|scythe]], font une incursion en [[Atropatène|Médie Atropatène]] et dans divers districts de l'Arménie septentrionale. Tiridate et son frère [[Pacorus II|Pacorus]], roi de Médie Atropatène, leur font face au cours de plusieurs batailles ; durant l'une d'elles, Tiridate est presque capturé, échappant de peu au [[lasso (arme)|lasso]] qui l'encercle. Les Alains se retirent avec un butin conséquent<ref>[[Flavius Josèphe]], ''[[Guerre des Juifs]]'', VII, 7.4.</ref>. La date exacte de la fin du règne de Tiridate n'est pas connue. Sa succession est incertaine, mais quelques sources de l'[[Antiquité tardive]] lui donnent pour successeur un certain [[Sanatruk Ier|Sanatrocès]]<ref>Cette succession est l'objet d'une polémique ; voir notamment {{en}} Richard G. Hovannisian, ''The Armenian people from ancient to modern times: from antiquity to the fourteenth century'', Palgrave Macmillan, 1997 {{ISBN|0-312-10168-6}}, p. 69.</ref>. Il est par contre établi qu'un parent de Tiridate, [[Axidarès d'Arménie|Axidarès]], règne sur l'Arménie en [[110]]<ref>{{en}} {{lien web|url=http://www.iranica.com/newsite/articles/v2f4/v2f4a071a.html|titre=« Armenia and Iran »}}, dans ''Encyclopædia Iranica''. Consulté le 15 mai 2008.</ref>. == Tiridate dans la culture == Tiridate est un des personnages principaux dans les [[opéra (musique)|opéras]] ''Radamisto'' de [[Georg Friedrich Haendel]] et ''Octavia'' de [[Reinhard Keiser]]. == Notes et références == * {{Traduction/Référence|en|Tiridates I of Armenia|203195918}} {{Références | colonnes = 2}} == Voir aussi == === Bibliographie === *{{en}} {{ouvrage|auteur=Mark Chahin|titre=The Kingdom of Armenia|éditeur=Routledge|année=2001|lieu=Londres|isbn=0-7007-1452-9}}. *{{en}} {{ouvrage|auteur=Michael Grant|titre=The Annals of Imperial Rome|éditeur=Penguin Classics|lieu=Londres|année=1956|isbn=0-14-044060-7}}. *Gérard Dédéyan (dir.), ''Histoire du peuple arménien'', Privat, Toulouse, 2007 {{ISBN|978-2-7089-6874-5}}. *{{en}} {{revue|auteur=Bernard W. Henderson|titre=The Chronology of the Wars in Armenia, A. D. 51–63|journal=Classical Review|volume=15|numéro=3|pages=159–165|année=1901|issn=0009840X}}. *{{en}} {{ouvrage|auteur=Richard G. Hovannisian|titre=The Armenian people from ancient to modern times: from antiquity to the fourteenth century|éditeur=Palgrave Macmillan|année=1997|lieu=New York|isbn=0-312-10168-6}}. *{{en}} {{ouvrage|auteur=Hayk Khachatrian|titre=All the 141 Armenian Kings|éditeur=Amaras|année=1998|lieu=Yerevan}}. *{{en}} {{ouvrage|auteur=Robert Lynam|titre=The History of the Roman Emperors: From Augustus to the Death of Marcus Antoninus|éditeur=Simpkin, Marshall & Co.|année=1850|lieu=Londres}}. === Articles connexes === *[[Parthie]] *[[Empire romain]] *[[Royaume d'Arménie]] *[[Liste des rois d'Arménie]] {{Bon article|vote=BA|oldid=30185893|date=5 juin 2008}} {{Palette Arshakouni}} {{Portail|Arménie|Rome antique|Iran}} {{DEFAULTSORT:Tiridate 01}} [[Catégorie:Parthie]] [[Catégorie:Roi d'Arménie]] [[Catégorie:Arsacide arménien]] {{Lien AdQ|en}} [[ca:Tiridates I d'Armènia]] [[de:Trdat I.]] [[en:Tiridates I of Armenia]] [[es:Tiridates I de Armenia]] [[hy:Տրդատ Ա]] [[id:Tiridates I dari Armenia]] [[ka:თრდატ I]] [[pl:Tiridates I]] [[ru:Трдат I]] [[tr:I. Tiridates]]