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Magie quantique pour tous



2010-12-13
Daniel Baril
Magie quantique pour tous
La magie quantique, ce n’est pas la magie d’un cantique de Noël. C’est la révolution technologique qui découlera bientôt de l’application des principes de physique gouvernant le monde des quantas, soit la plus petite mesure indivisible de la matière ou de l’énergie.
La magie quantique pour tous, c’était aussi le titre de la conférence prononcée par Gilles Brassard, professeur au Département d’informatique et de recherche opérationnelle, le 2 décembre. Le professeur Brassard est reconnu mondialement comme l’un des informaticiens les plus influents et l’un des fondateurs de la théorie de l’information quantique.

Ses articles dans ce champ d’études sont les plus fréquemment cités, a indiqué son collègue et ex-étudiant Louis Salvail. Fait peu banal, c’est à l’âge de 13 ans que Gilles Brassard a été admis à l’Université de Montréal, où il a entamé des études de baccalauréat puis de maitrise en informatique et où il est devenu professeur à 24 ans. La conférence a été l’occasion pour son département de lui rendre hommage et de souligner l’obtention de la médaille d’or Gerhard-Herzberg 2009 du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le prix le plus prestigieux décerné à un scientifique au pays.

Seconde révolution quantique

Gilles Brassard est l’un des pionniers de la seconde révolution en physique quantique, la première étant survenue à la suite des travaux théoriques de Max Planck et d’Albert Einstein.

«Jusqu’aux années 40, les principes de la physique quantique n’avaient donné lieu à aucune application. C’était du savoir pur, voire du divertissement pour physiciens», a raconté le conférencier.

Puis, en 1947, le transistor a été inventé. «Cette technologie nécessitait la compréhension des lois quantiques et elle a révolutionné la vie de tous les jours: sans transistor, nous n’aurions pas les ordinateurs que nous avons aujourd’hui.»

La compréhension du fonctionnement les liens chimiques entre les molécules a par ailleurs conduit à la mise au point de nouveaux médicaments par l’ajout d’atomes aux bons endroits dans les molécules. Sans oublier les supraconducteurs, qui ont permis la création d’électroaimants utilisés notamment dans les appareils d’imagerie médicale et dans les accélérateurs de particules.


C’est en 1947 que le transistor a été inventé. Cette technologie a nécessité une compréhension assez poussée des lois quantiques. (Photo: Diego Medrano)
La seconde révolution dans le domaine est celle provoquée par la théorie de l’information quantique, qui a donné naissance à l’informatique quantique, une discipline au carrefour des mathématiques, de la physique, de l’informatique et de la chimie.

Les lois qui gouvernent l’information à cette échelle de la matière vont à l’encontre de notre expérience du monde physique. «Il est impossible d’observer ou de mesurer la polarisation d’un photon sans la modifier, donne comme exemple le professeur. C’est comme un livre qui s’effacerait dès qu’on le lit ou le rêve qui se modifie au fur et à mesure qu’on cherche à se le rappeler; ce qu’il en reste dans notre souvenir, c’est la reconstruction du récit et non le rêve tel qu’on l’a vécu.»

Billet de banque virtuel et téléportation

La première application qu’un physicien, du nom de Charles L. Bennett, a imaginée à partir d’une telle loi est un billet de banque quantique qu’on ne pourrait pas reproduire étant donné que la copie de l’information modifie cette information. «C’était parfaitement fantaisiste, car ce billet n’aurait eu une durée de vie que de un millième de seconde. Personne n’a voulu publier ce travail», a souligné le professeur.


Gilles Brassard
Jusqu’au jour où Charles L. Bennett a fait la rencontre de Gilles Brassard dans un congrès. À eux deux, en 1984, ils jettent les bases de la cryptographie quantique dans ce qui est maintenant connu comme étant le «protocole BB84», nom tiré de leurs initiales et qui rappelle le Big Brother de George Orwell. L’idée de la cryptographie quantique est justement de contrer les Big Brothers et autres hameçonneurs qui pourraient intercepter des messages électroniques.

«Il est toujours possible de décoder les messages cryptés de façon traditionnelle, soutient Gilles Brassard. Mais la cryptographie fondée sur les lois de l’information quantique serait inviolable sans la clé du message, puisque celui-ci serait détruit s’il était intercepté.»

Les deux chercheurs n’ont pas été pris au sérieux jusqu’à ce qu’ils effectuent, avec trois autres collègues en 1993, une première expérience de transmission quantique sur une distance de... 32 centimètres! L’expérience fut considérée comme l’une des plus importantes découvertes de l’année par le magazine Science. Aujourd’hui le même type de communication est imaginable à partir de satellites.

Ce transfert d’information, que l’on a appelé «téléportation quantique», n’a évidemment rien à voir avec la téléportation à la Star Trek: ce n’est pas la matière qui est téléportée mais l’état quantique ou polarisation des photons. Le principe repose sur un autre phénomène étonnant qui est celui de l’intrication quantique et qui veut que deux particules intriquées se comportent comme une seule; une action exercée sur l’une d’elles a instantanément la même répercussion sur l’autre, même à distance. Cela bouleverse notre façon de concevoir le monde parce que l’instantanéité va à l’encontre d’un autre principe de la physique selon lequel aucun déplacement, donc aucune communication, ne peut se faire plus rapidement qu’à la vitesse de la lumière.

Mais la vraie magie pour tous reste à venir avec les ordinateurs conçus selon les lois de l’informatique quantique. «Avec seulement 1000 bits, un tel ordinateur aurait plus de puissance de calcul qu’un ordinateur classique de la taille de l’Univers, affirme Gilles Brassard. Nous savons comment programmer cet ordinateur, mais pas comment le construire.»

Les informaticiens sont en fait en attente de leur révolution du transistor qui permettrait de réaliser un tel rêve. Cette révolution technologique pourrait survenir dans 10 ans ou ne jamais se produire, a conclu le conférencier.

Source
Webdesign
Sylvain Allard
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