Paul Bratley

J'ai fait des études en mathématiques et lettres italiennes à l'Université de Cambridge. C'est alors, en 1959, que j’ai écrit mon premier programme - pour une machine à tubes à vide. Puis, j'ai passé une année (1961-62) à l'Université de Wroclaw en Pologne. Ensuite, je me suis trouvé à l’Université d’Édimbourg, d’abord au Département de linguistique, sur un poste subventionné par IBM, et ensuite comme prof au Département d’informatique.

En 1968, j’ai rencontré Jacques St-Pierre au "Faculty Club" de Manchester pour une entrevue. Il m’a demandé, en anglais, “Do you speak French?” J’ai répondu, toujours en anglais, “Yes”. C’était plus ou moins vrai…

À mon arrivée à Montréal, le Centre de calcul de l’Université disposait d’une machine Control Data, qui passait pour un super-ordinateur à l’époque. On laissait nos tiroirs de cartes et nos rubans magnétiques au comptoir de réception, et, avec un peu de chance, les résultats étaient disponibles deux heures plus tard. Le Département n’avait qu’un programme de maîtrise, et donc relativement peu de profs et d’étudiants.

Nous avons organisé des batailles (c’est le mot) de ballon-balai sur la patinoire de l’Université, profs contre étudiants. Côté profs il y avait les “militaires” français; côté étudiants, des réfractaires américains. Mais sur la glace personne n’était pacifiste, et le lendemain la moitié du Département clopinait ou soignait des contusions.

Les étudiants ont aussi organisé des examens de langue pour les profs non-québecois. Il fallait écouter et traduire des phrases comme “Watch-toi ben”, “Il flyait sa cravatte en sacrament”, ou encore “J’ai maganné la clutch de ma minoune”. Les français et les suisses n’y réussissaient guère mieux que les anglophones.

À l'époque, les professeurs du Département collaborait à l'informatisation de la gestion universitaire. Je faisais partie de GRESIGU (Groupe de recherche et d'études en systèmes informatique de gestion des universités). Pierre Robert, Robert Cléroux et Mike Florian étaient aussi membres. Ce groupe a parcouru l'Europe pour étudier comment différents pays organisaient leurs systèmes d'admission universitaire. Parmis nos assistants se trouvait un charmant jeune comptable: Jacques Léonard, qui devint ministre à Québec puis Président du Conseil du trésor.

En 1973 je devins directeur du Département d’informatique. C’est durant mon mandat qu’on a ajouté “et de recherche opérationnelle” au nom du Département.

Note: Paul Bratley est un personnage singulier à plusieurs égards. C'est notre seul professeur sans doctorat - ses publications ayant été jugées équivalentes. Il détient aussi le record du plus jeune directeur d'un département à la FAS: 32 ans quand il a été nommé. De plus, il a été Président du Syndicat (SGPUM) de 1986 à 1988.

C'est l'universitaire classique d'une époque révolue, un homme de la renaissance avec une vaste culture capable de contribuer dans des domaines aussi divers que l'algorithmique et les applications aux humanités. Ses publications touchent aussi la simulation, les programmes auto-reproducteurs, le langage naturel et les systèmes experts en droit. Il a dirigé un mémoire sur la notation de danse et son étudiant faisait des démontrations de pirouettes dans son bureau [ nos vieux bureaux étaient plus grands].