Pierre L'Écuyer

Les surprises d’un parcours aléatoire

Ma carrière est un peu comme le parcours d'un explorateur guidé par l'intuition et le hasard de ses rencontres, qui découvre des régions magnifiques et des choses passionnantes. Le hasard m'a très bien choyé et le DIRO y a joué un rôle important.

J'ai suivi mes premiers cours au DIRO en 1969-70 (dont l'un avec Paul Bratley) comme étudiant au baccalauréat en physique-informatique-mathématiques, dans la même classe que Gilles Brassard. Après un BSc en mathématiques complété en 1972, puis quelques cours de maitrise en statistique, je laisse tout tomber pour devenir entraineur (à temps plein) d'un club d'athlétisme à Sept-Iles, ma ville d'origine. Cela me mènera aux Jeux du Québec et autres compétitions locales, à des voyages avec l'équipe canadienne, et finalement aux Jeux Olympiques de Los Angeles, Seoul, et Barcelone (1992), où l'un de mes athlètes (Guillaume Leblanc) remporta une médaille d'argent. Ce monde fascinant de la compétition de haut niveau m'a beaucoup appris et m'a fait vivre des expériences fabuleuses que peu de gens ont eu la chance de connaitre. Pendant ces années à Sept-Iles, j'enseigne aussi les mathématiques, un an au secondaire puis quatre ans au CEGEP.

En 1978, réalisant les horizons un peu étroits (selon moi) d'une carrière d'enseignant au CEGEP de Sept-Iles, je fais une demande d'admission à la maitrise en informatique au DIRO. On m'accepte ... en recherche opérationnelle! Je n'avais aucune idée de ce que c'était. À l'époque, il n'y avait pas Google et ma première source d'information fut un tout petit livre de vulgarisation de la collection Que Sais-Je, intitulé "La Recherche Opérationnelle". Cela m'a paru intéressant et j'ai accepté. À cette époque, le programme de maitrise en R.O. comptait de nombreux cours de statistique, ce qui me convenait bien. J'ai aussi fait presque tous les cours d'optimisation ainsi qu'une bonne demi-douzaine de cours d'informatique du BSc qu'on m'avait collés en cours d'appoint! En rétrospective, cette grande variété de cours fut pour moi un atout important et a joué un grand rôle dans l'orientation de mes travaux de recherche, qui touchent à la fois à l'informatique, aux mathématiques, aux statistiques, à la recherche opérationnelle, et aux sciences de la gestion.


Gagnant de la bourse Steacie
Je termine ma maitrise à l'automne 1980 puis mon directeur de recherche (Alain Haurie, fondateur et directeur du GERAD à l'époque) me convainc de poursuivre au doctorat, dans le domaine des processus de décision Markoviens commandés (programmation dynamique stochastique). Je dépose ma thèse au bout de deux ans (décembre 1982) et accepte un poste de professeur au département d'informatique de l'Université Laval, où je passerai 8 ans. En 1990, je suis invité par le directeur Jacques Ferland à revenir au DIRO comme professeur. Je suis très heureux d'y être encore. C'est grâce à l'environnement exceptionnel du DIRO et un grand appui de mes directeurs que j'ai pu réaliser mes contributions au domaine de la simulation et obtenir toutes sortes de bourses et prix, dont Steacie, Killam, Urgel-Archambault, et une Chaire de Recherche du Canada.

Mes travaux de recherche actuels portent sur les générateurs de valeurs (pseudo)aléatoires (leur conception, leur analyse mathématique, leur implantation et les tests statistiques), l'étude des méthodes Monte Carlo et quasi-Monte Carlo, les techniques pour améliorer l'efficacité statistique des simulations, la simulation d'événements rares, l'analyse de sensibilité et l'optimisation des systèmes stochastiques, et le développement de logiciels de simulation. Bien que mes travaux portent surtout sur les aspects mathématiques et le développement d'outils généraux pouvant s'appliquer à plusieurs domaines, je m'intéresse aussi à certaines applications particulières. Par exemple, je dirige présentement un projet subventionné par le CRSNG et Bell Canada et dans lequel on développe des modèles mathématiques qui reproduisent le comportement stochastique des centres d'appels télépho\-ni\-ques, des outils logiciels pour simuler ces modèles, et des algorithmes permettant d'optimiser les décisions de gestion dans ces centres d'appels (nombres et types des agents aux différentes heures de la journée, leurs horaires, les stratégies de routage des appels, etc.) en utilisant la simulation combinée avec des algorithmes d'optimisation. Je touche aussi à d'autres applications dans des domaines tels la finance, la gestion du revenu, les télécommunications, et les logiciels pour les jeux de hasard.

Mes programmes pour la génération de valeurs aléatoires se retrouvent dans les logiciels commerciaux (ou non) les plus en vue pour la simulation (Arena, Witness, Simul8, ns2, etc.), les statistiques (SAS), les machines de jeux (Spielo Gaming), et sont recommandés dans les livres les plus récents sur la simulation.

On peut trouver un CV plus formel a: http://www.iro.umontreal.ca/~lecuyer/cvf.pdf}, ainsi que la plupart de mes publications et d'autres détails sur ma page web: http://www.iro.umontreal.ca/~lecuyer.


P.S.: J'ai cessé mes activités d'entraineur en athlétisme depuis 1992, mais depuis, je me suis mis moi-même à la compétition, d'abord en ski de fond, puis en cyclisme. Je roule entre 13,000 et 15,000 km par an en vélo. J'ai été deux fois premier et deux fois deuxième au championnat canadien de cyclisme sur route (dans mon groupe d'âge) depuis 2000, et champion du Québec au contre-la-montre au cours des quatre dernières années. J'ai toujours été très attiré par la compétition, autant du coté professionnel que du coté sportif.