Jean-Pierre Verjus

Pour me livrer à ce petit exercice de mémoire, j’ai fouillé un carton de documents qui m’ont suivi tout au long de mes déménagements successifs depuis Montréal jusqu’à Grenoble en passant par Rennes. Il se trouve que j’ai trouvé une trentaine de lettres reçues de Montréal avant mon embauche en été 68. Pourquoi avoir gardé ces lettres alors que j’ai beaucoup jeté des correspondances échangées plus tard ? Peut-être parce que cette première embauche occupe une place toute particulière pour moi.

J’ai extrait et scanné 6 de ces lettres : 3 datent de l’hiver 67/68 et présentent les 3 acteurs de ma venue à l’Université : Jacques St Pierre, Pierre Robert et Laurent Trilling ; 3 autres sont de l’été 68 et précisent, comme le dit Jacques St Pierre quelle sera ma « besogne » ; entre ces deux séries de lettres, parmi bien des épisodes administratifs compliqués, citons « juste pour le fun » mon affectation à l’Université de Sherbrooke, récupéré de justesse par Jacques St Pierre.

C’est donc Laurent Trilling ref. 1 qui fut le premier intermédiaire pour ma venue. On démarra à Montréal une coopération qui dura de très longues années et une amitié qui ne s’est jamais départi. Pierre Robert fut le second 2, avec qui j’ai eu aussi une excellente collaboration puisque nous avons commis quelques années plus tard un article encore cité et une amitié tout aussi forte et tout autant pérenne. Le troisième fut Jacques St Pierre 3, 4 qui prend les choses en main avec son efficacité légendaire (et une écriture manuscrite que je me fais un plaisir de vous faire découvrir) : de lui je retiendrai surtout, le lendemain de mon arrivée à Montréal une question simple : « de quoi avez-vous besoin pour votre recherche ? » - « d’un ordinateur nu » - « vous l’aurez très vite », ce qui fut fait puisque quelques semaines après je disposais dans un local affecté d’un CDC 3100 pour développer un noyau d’OS.

Six mois plus tard, je suis en train de boucler mon doctorat à Grenoble et me préoccupe de ce que je vais enseigner. L’époque était très détendue : Jacques St Pierre m’apprend début juillet 5 que je suis enfin nommé Professeur, que les cours vont démarrer le 4 septembre mais qu’il ne sait lesquels il va me confier. Le 23 Août, Lucille Roy 6 - que j’ai grand plaisir à saluer ici – m’envoie une note sur les enseignements à faire et sur la marque des « matériels électroniques » disponibles au Centre de Calcul (dont le CDC 3100 que Jacques St Pierre sortira du Centre de Calcul pour l’affecter au « laboratoire système » dont j’aurai la charge). Dans le même temps Jacques St Pierre me décrit dans une dernière lettre 7 le premier cours que j’aurai à démarrer quelques jours plus tard sur l’ « Algèbre de Boole ».

Voici donc en quelques mots le contexte de mon arrivée à Montréal et l’évocation très affectueuse de 4 personnes qui ont permis cette arrivée et rendu mon séjour très agréable, et j’espère productif pour l’Université.


NDLR - Actuellement, Jean_Pierre Verjus est directeur scientifique à l'INRIA.
JP Verjus et Gregor Bochmann recevant des doctorats honorifiques de l'UdeM